Dans cet article, je vais m’intéresser à l’enseignement à distance mis en place suite à la fermeture des écoles en Suisse et à l’impact que cela a sur la continuité pédagogique. L’objectif principal de ce dispositif est de consolider les connaissances acquises tout en permettant une progression dans les apprentissages. L’adaptation des élèves et des enseignants à cette nouvelle situation doit être l’occasion de laisser plus de place à l’intégration des MITIC dans l’enseignement, proposer un contenu plus diversifié de la part de l’enseignant, de responsabiliser les élèves face à leur travail, mais elle peut aussi renforcer la relation de confiance réciproque entre l’enseignant et les élèves.
Les branches que j’enseigne au sein de l’Établissement Secondaire de Payerne sont les sciences, les mathématiques et l’OCOM-MITIC. Le matériel informatique varie énormément d’un élève à l’autre allant d’un simple smartphone à un ordinateur familial. Il a cependant été décidé par l’établissement de fournir des ordinateurs portables à tous les élèves de 11H afin qu’ils soient à armes égales face aux examens de fin d’année.
Dans le cadre de cet article, je vais particulièrement m’intéresser à l’enseignement de l’OCOM-MITIC en 9VG. Mon but est de m’appuyer sur les connaissances acquises depuis le début d’année afin d’avoir une collaboration à distance efficace pour le travail à effectuer. La séquence étudiée à distance avec cette classe porte sur les « Fake News » et les outils permettant de vérifier la véracité d’une information. Thème prenant toute son importance dans la situation actuelle. Au terme de cette séquence, les élèves sont capables de définir ce qu’est une « Fake News », d’expliquer la raison de leur création, d’utiliser différents outils pour déterminer l’authenticité d’une information (texte et image) et, point le plus important selon moi, d’avoir un regard critique sur toute forme d’information.
Anticipation
Afin de mener à bien cet enseignement à distance, l’enseignant se doit de maîtriser différentes compétences liées aux MITIC. La base est bien sûr d’être à l’aise avec une suite de bureautique telle que Microsoft Office ou Libre Office afin de produire des documents de qualités pour les élèves. Des connaissances en montage vidéos sont également conseillées car elles permettent de réaliser des ressources attrayantes et originales. Je conseille le logiciel gratuit iMovie qui est assez simple à prendre en main pour un néophyte. Je rajouterai à cela des connaissances globales en informatique qui permettent une adaptation rapide à tout nouveau logiciel proposé ou imposé par l’établissement scolaire et le DFJC.
Pour ce qui est des compétences des élèves, cela va dépendre des activités réalisées en amont. Dans mon cas, la première compétence qui a été forte utile et nécessaire est la gestion des e-mails. Celle-ci a grandement facilité la communication pendant la période de transition. Ensuite, la maîtrise de la suite bureautique Libre Office, notamment « Writer » et « Impress », a facilité le travail des élèves. Finalement, la précédente séquence sur les dangers d’Internet, notamment sur la protection des données, leur permet d’utiliser Internet avec une plus grande prudence.
Concernant la communication et la transmission des données, c’est sur la plateforme Educanet2 que cela a eu lieu dans un premier temps. La communication entre enseignants et élèves se faisaient uniquement par e-mail. Des classeurs ont été créés pour chaque groupe classe où les élèves pouvaient accéder aux documents transmis par les enseignants (Figure 1). Figure 1 : Classeur Educanet 2 servant à la transmission des documents
Les consignes étaient données via des documents PDF (Annexe 1). Rapidement, l’interdiction d’utiliser Whatsapp a été levée par l’établissement ce qui a permis un échange plus dynamique avec les élèves. Le DFJC a mis ensuite en place la plateforme TeamUp (Figure 2) qui a remplacé l’utilisation de classeur Educanet2. Ce choix a permis aux élève d’afficher un agenda hebdomadaire, ce qui les a fortement aider à se structurer. Les enseignants peuvent voir les différents agendas de classe et donner du travail de manière plus homogène sur l’ensemble de la semaine. Cela évite des situation où les élèves doivent effectuer la moitié de leurs tâches, toutes matières confondues, pour le vendredi Figure 2 : Calendrier TeamUp
Pédagogie
Je vais reprendre l’exemple de la séquence « Fake News » réalisée entièrement à distance et qui avait été abordée superficiellement dans une précédente séquence sur les dangers d’Internet. Le rôle de l’enseignant dans cette séquence est dans un premier temps de guider les élèves sur les notions de mensonges et vérité et sur ce qui peut pousser une personne à donner une fausse information. Dans un second temps, l’enseignant transmet des connaissances théoriques sur les fake news par le biais de différents exercices tirés de e-media, le site romand de l'éducation aux médias (Annexe 2). Les élèves vont ensuite donner eux-mêmes le sens au savoir en se rendant notamment compte que sans outil, il est difficile de vérifier la véracité d’une information. Afin de rendre les exercices plus ludiques, le site internet geoado.com proposant aux élèves de deviner si une info est fausse ou non (Figure 3), ainsi qu’une émission sur les médias sur RTS découvertes ont été intégrées à la séquence (https://www.rts.ch/play/tv/ya-pas-ecole-/video/les-fake-news?id=11199378). L’enseignant effectue de la régulation en fonction du retour des élèves et de leurs questions. Capture d’écran 2020-04-01 à 16.52.30.png 269.21 KB
Les élèves sont dans un premier temps des utilisateurs des ressources fournies. Ensuite, à l’aide de ces outils, ils vont réaliser des marches à suivre pour déterminer la véracité d’une information. Ces productions vont permettre à l’enseignant d’avoir un retour sur la compréhension de la séquence et valorise l’élève dans sa capacité à « trier » les informations.
Les MITIC permettent donc à l’élève dans un premier temps de consommer des informations puis d’en produire de nouvelles.
Planification
Un objectif principal de la continuité pédagogique est donc de poursuivre un enseignement de qualité qui respecte le plan d’étude romand tout en proposant des outils ludiques aux élèves. Un second objectif est de construire une nouvelle méthode d’enseignement et d’apprentissage en collaboration avec les élèves. En effet, ceux-ci doivent se sentir en confiance et être motivé, malgré la situation particulière. Les outils utilisés vont donc être primordiaux pour atteindre cet objectif. Un dernier objectif est bien sûr de consolider et d’approfondir les apprentissages des élèves en s’appuyant sur leurs précédents acquis.
Tous les élèves doivent avoir une connexion Internet et, comme dit précédemment, les élèves ne sont pas égaux : smartphone, tablette, ordinateur portable récent, « vieil » ordinateur familial. Nous devons donc adapter l’enseignement et les ressources afin de ne pas creuser ces inégalités. Tout élève doit pouvoir se connecter à son adresse e-mail Educanet2 afin d’échanger par e-mail. Ils doivent aussi tous avoir accès à leur agenda virtuel TeamUp qui leur permet également de télécharger divers documents fournis par l’enseignant. Pour ceux qui le souhaiteraient l’enseignant est également atteignable par SMS, appel téléphonique ou WhatsApp. Tous ces canaux de communication sont ainsi une base d’échange fondamentale indépendamment de la matière enseignée. Il s’ajoute à cela la possibilité de poser des questions en direct via l’application Zoom et cela permet des discussions communes autour du thème enseigné.
Afin d’illustrer la planification d’une séquence, ainsi que les supports de cours et moyens de transmission, reprenons l’exemple de la classe d’OCOM-MITIC 9VG. Chaque groupe classe a accès à un agenda en ligne TeamUp. Les enseignants fournissent du travail via une tranche horaire de cet agenda. Cette tranche horaire ne doit pas être strictement respectée par les élèves, mais cela permet de diluer le travail hebdomadaire. Pour l’exemple, tous les mardi dans la tranche horaire de 10h00 à 11h30, j’insère un « événement » dans lequel les élèves trouvent les consignes, PDF et autres ressources (vidéos, sites internet, etc.) pour effectuer leur travail. Un corrigé écrit est mis en ligne le vendredi dans ce même « événement ». Les élèves ont donc plusieurs jours pour effectuer le travail, poser leur questions et régulièrement participer à une discussion Zoom. La majorité du travail se fait donc de manière individuelle, mais les discussions Zoom permettent un échange en direct avec la classe.
Déroulement et évaluation
Prenons l’exemple de la semaine du 30 mars au 3 avril, les élèves ont dû se familiariser à la notion de Fake News via des exercices fournis en PDF (Annexe 2). Ces exercices étaient accompagnés d’un lien vers le site geoado.com leur permettant d’effectuer une activité ludique sur le thème et également un lien vers une émission sur les Fake News diffusée par RTS Découvertes. Suite à la lecture de ces consignes et pendant toute la réalisation de ces exercices, les élèves ont eu la possibilité de me contacter afin de les guider si nécessaire. Un corrigé a été mis en ligne le vendredi 3 avril. Quelques retours positifs d’élèves motivés par la thématique m’ont été transmis par e-mails. De la régulation a eu lieu individuellement par e-mail. Afin d’enrichir la discussion et d’avoir un plus grand contact avec les élèves, j’ai décidé que les sessions Zooms sont fortement conseillées. La gestion de la distance a été périlleuse la semaine qui a suivi la fermeture des écoles, mais les élèves et les enseignants ont rapidement pris leurs marques et ont pu instaurer une certaine routine malgré la situation.
Concernant le comportement des élèves, nous pouvons en catégoriser deux types. Premièrement, une majorité d’entre eux montrent une adaptation rapide à cette méthode de travail qui est souvent liée à leur motivation. Cela concerne des élèves qui sont déjà assidus en temps normal, mais aussi des élèves qui ont eu un « déclic » face à la diversité et l’attractivité de certaines ressources proposées. Cette motivation est notamment observable par leurs questions d’approfondissement de la thématique. Deuxièmement, une minorité d’élève heureusement, ne participent que très peu aux activités proposées et se contentent de faire le « stricte minimum » indépendamment de l’originalité de ces activités. Les sessions Zoom permettent également de se rendre compte de leur quotidien et de leur rapport à l'enseignement à distance. Beaucoup avouent avoir été perdus les premiers jours, voire les premières semaines, et que TeamUp leur a permis de mieux s'organiser. On s'aperçoit que les situations familiales sont très variées et tous n'ont pas les mêmes responsabilités au sein de leur famille, comme par exemple la garde d'une petite soeur, ce qui a un impact direct sur le temps à consacrer à l'école. Les retours des élèves d'OCOM-MITIC 9H sur les activités proposées étaient globalement positifs, que cela soit au niveau du contenu ou au niveau des outils utilisés.
Mais comment peut-on être sûr que tous ces élèves apprennent réellement ? Tout d’abord par leurs questions et leurs commentaires. Ce sont des informations riches et permettent une première évaluation formative des apprentissages. Mais comme tous les élèves ne posent pas forcément des questions, il est important d’avoir ponctuellement des tâches prouvant l’usage et l’apprentissage à distance. Par exemple, une activité sur le thème des Fake News permettant de vérifier cela est de demander aux élèves de créer eux-mêmes des Fake News, mais également de retranscrire de vraies informations. Cette tâche va faire appel à plusieurs acquis (Recherche approfondie sur Internet, Vérification de la source d’une information, Notion de Fake News, etc). Suite au travail des élèves, des activités supplémentaires et ciblées peuvent être proposées afin de remédier aux lacunes présentes.
Les effets de l’enseignement à distance et du numérique sur le travail de l’enseignant s’est fait rapidement ressentir. En effet le nombre de ressources mises à la disposition des enseignants a explosé suite à la fermeture des écoles ce qui leur a permis de proposer de contenu varié et ludique aux élèves. Sûrement même davantage que lors d’un cours « standard » en classe. Toutes ces ressources peuvent être également mises au service de la régulation. Proposer des ressources alternatives pour franchir des obstacles d’apprentissage. La communication est aussi impactée. L’enseignant doit être le plus clair (et si possible le plus bref) possible dans la transmission de ses consignes afin que l’élève saisissent tout de suite ce qu’on attend de lui. Et l’élève doit être capable de déterminer ce qu’il ne comprend pas et le formuler, ce qui n’est pas toujours une « mince affaire ».
Éducation aux médias
L’éducation aux médias est centrale dans cet enseignement à distance. Tout document transmis par l’enseignant se doit d’être exemplaire concernant ce point. Et cela ne concerne pas uniquement les classe d’OCOM-MITIC. Il est important que tous les élèves aient un œil critique face aux différentes ressources et informations auxquelles ils sont confrontés. Et lorsque ce sont eux les producteurs de ressources, les élèves se doivent de citer leurs sources afin de respecter les droits d’auteurs et les droits à l’image.
Je finirai par aborder la différenciation qui doit également être au centre de notre travail. Celle-ci se traduit par la prise en compte de l’équipement informatique de chaque élève et donc d’adapter nos supports de cours. Il est par exemple, fortement déconseillé de demander à un élève d’imprimer un document, car tout le monde n’a pas une imprimante chez lui. Et un détail qui a son importance ; il est de plus en plus complexe de se fournir en feuilles d’imprimante au vu des mesures de la Confédération sur la vente des produits de première nécessité. Les documents transmis doivent donc être accessibles à tous (ex. PDF, site internet) que cela soit au niveau du matériel informatique à disposition qu’au niveau des besoins particuliers des élèves afin de ne laisser personne sur la touche.
Marc Pittet
