msMITIC 2019

Séquence 'Continuité' - L'enseignement à distance et ses enjeux

02.05.2020

Alexandre Horvath  avatar. Alexandre Horvath

Séquence Sqily - Version 2 (23.4.2020) : 


1. Introduction : 

Pour ma séquence d’enseignement dédiée aux MITIC, je m’étais dans un premier temps tourné vers l’utilisation d’Imovie, en anglais, avec ma classe de 11VG. Je trouve cet outil intuitif et rempli de possibilités pour des projets éducatifs. Aussi avais-je décidé de formuler ma séquence en trois phases, toutes les trois visant la création d’une vidéo basée sur leur voyage d’étude. La première phase consistait à créer des vidéos présentant la ville que nous allions visiter, à savoir Strasbourg. La deuxième phase était de faire des séquences sur place durant le voyage. La dernière phase aurait été de faire une série d’enregistrements décrivant les temps forts du voyage. Ce travail en trois phases aurait constitué une riche mise en pratique, selon moi, du modèle SAMR, selon lequel "la technologie permet de nouvelles tâches, auparavant ignorées"(Levy, 2017). Or, à mon grand regret, le voyage a été annulé pour les raisons que l’on connait, ce qui a rendu mon projet irréalisable.

Une fois l’enseignement à distance mis en place, l’objectif principal, en lien direct avec l’utilisation des TIC, était de garder les élèves en contact avec les apprentissages. L’objectif paraît évident, mais il s’agit encore aujourd’hui de déterminer les outils les plus pertinents possibles pour que le flux d’activités en lien avec l’école et les objectifs d’apprentissages soient aussi constants, dotés de sens et équilibrés que possible. À cet effet, Cuq et Gruca (2017) nous rendent attentifs à la nécessité de s'écarter d'une méthodologie dite 'traditionnelle', basée sur la grammaire pure et la littérature. Avec l'enseignement à distance, il s'agit d'adopter une méthodologie que les auteurs qualifient de 'directe', selon laquelle la prise en compte des capacités et des besoins des élèves est fondamentale : il s'agit de retravailler l'approche globale du sens, selon une méthode active, où les élèves interagissent et échangent. L'enseignement à distance est selon moi un exemple pertinent de méthodologie active, où l'élève se doit de se mobiliser, d'être mobilisé par ses enseignants et ses parents, et être capable d'échanger beaucoup d'informations avec ses pairs et ses enseignants pour relever le défi du travail à distance.


Je me suis d’abord inspiré des plateformes classiques pour communiquer avec mes groupes d’élèves, à savoir l’email, puis WhatsApp avec l’autorisation de la DGEO. J’ai également testé Google Docs et Skype avec un certain succès. L’arrivée de Teamup a recentré ma pratique à distance et clarifié cette forme inédite d’enseignement à plus d’un titre. 

Je suis maître de classe d’une 11VG et enseigne à 4 groupes-classes différents, en allemand et anglais. Par définition, ma pratique passe exclusivement par mon Mac Book Pro. Hormis un élève, toute la classe sont tous équipés d’au moins un ordinateur à la maison. Le temps nécessaire à la mise en place de l’enseignement à distance était évidemment conséquent au départ, avec un premier modèle de cadence, via mails, qui fonctionnait bien. Le souci principal de cette première pratique consistait en un nombre très important de mails provenant de chaque enseignant, adressés aux élèves et/ou aux parents. Les parents s’avouaient parfois dépassés par le nombre de messages venant de divers canaux. L’arrivée de Teamup a permis une centralisation extrêmement précieuse des informations sur une seule plate-forme que les élèves, les enseignants et les parents peuvent en tout temps consulter (Fig.1).
Le gain de temps depuis l’emploi de Teamup et conséquent, du fait de la clarté, selon moi, de la plateforme pour chaque utilisateur. 


Figure 1 : plateforme Teamup

Avec l’aide de Teamup, on est en droit d’attendre une production ‘finale’ conséquente de la part des élèves. Il est toutefois difficile de cerner clairement un produit final quand il est question de pratique d’enseignement profondément remaniée. J’estime malgré tout que l’on devrait viser, comme objectif général, une constance dans le travail des élèves confinés chez eux. En effet, la transparence de Teamup, associée à l’utilisation d’une plateforme de vidéo-conférence telle que Zoom, favorise la mise sur pied d’un système d’enseignement de qualité qui a la même définition pour tous. Et c’est sans doute ici l’un des objectifs de base qu’il s’agit de remplir : l’accessibilité aux savoirs transmis à distance pour tous les élèves. 
Pour répondre à l'une des questions soulevées par la co-lectrice de la première version de ma séquence, concernant l'éventuel écart entre les rendus des élèves en VP et VG, niveau 1 et 2, il est délicat de distinguer les rendus sur ce critère, car je n'ai actuellement aucun élève en VP, mais 4 groupes-classes VG, tous en niveau 1. Toutefois, selon les témoignages d'une collègue d'un collège voisin, les VP semblent être plus assidus dans la remise des travaux demandés depuis la mise en place de Teamup. Pour ma part, je constate que les élèves qui obtiennent actuellement les points nécessaires à l'obtention du certificat sont considérablement plus actifs que ceux qui ont des difficultés en termes de résultats scolaires. En d'autres termes, il semblerait que le schéma observable à l'école se répète avec l'enseignement à distance : les élèves forts se sortent plus efficacement du guêpier que peut représenter le travail à distance que les élèves moins performants. 

2. Anticipation : 

Dans le cadre de l’enseignement à distance, je me dois d’adapter et de perfectionner la compétence de Sqily, ‘utiliser les ressources numériques de son environnement de travail (Fig.2a). En effet, on ne peut en ces temps de confinement plus parler d’environnement de travail classique. Je dois donc utiliser les ressources numériques à disposition dans chaque foyer. Chaque maître de classe a sondé l’accès à internet et à un ordinateur dans les foyers, car l’environnement de travail est à présent la maison des élèves, d’où la nécessité de connaître précisément les ressources numériques à disposition des élèves. Au-delà de la compétence Sqily, j’ai aussi affiné l’utilisation de WhatsApp, Google Docs et Skype. Par la suite, j’ai découvert les rouages de Teamup et de Zoom pour assurer la bonne marche de l’enseignement à distance. En plus de la compétence ‘utiliser les ressources numériques de son environnement de travail', j'ai validé les compétences suivantes : 'Utiliser les ressources numériques de son environnement de travail' (Fig.2b), 'Connaître les conditions pour une intégration efficace des MITIC dans l'enseignement' (Fig.2c), 'Comprendre l'élève digital natives'(Fig.2d) et 'Montage vidéo : utilisation d'iMovie' (Fig.2e). Ces compétences m'ont été très utiles pour la mise en application de l'enseignement à distance.


Figure 2 : compétences Sqily utiles pour l’enseignement à distance : 

Fig.2a : ‘utiliser les ressources numériques de son environnement de travail'


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Fig.2b : 'Utiliser les ressources numériques de son environnement de travail'


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Cette compétence me permets d'être au fait des ressources numériques à mises à disposition par l'école et par la DGEO dans les conditions d'enseignement à distance. Educanet, Teamup et Zoom constituent les trois exemples fondamentaux illustrant cette compétence. Ce qui diffère considérablement est l'environnement de travail des élèves, sur lequel nous n'avons plus d'emprise depuis le confinement. Et si la majorité des élèves peuvent se satisfaire du matériel et des conditions de travail à la maison, il est certain que certains élèves sont mieux lotis que d'autres, ce qui pose la question de la 'fracture numérique' que nous discuterons au point 6.


Fig.2c : 'Connaître les conditions pour une intégration efficace des MITIC dans l'enseignement'


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Cette compétence a été en partie sabordée par le confinement. Mais j'ai pu engranger plusieurs connaissances dans le cadre de cette compétence, telle que la création d'une capsule vidéo. Cette compétence, en lien avec la compétence Imovie m'aurait aidé, comme je l'ai dit dans l'introduction, à faire faire une vidéo aux élèves sur leur voyage d'études qui a dû être annulé. Une des conditions que j'ai bien retenue et mise en pratique avant le confinement est les CC à mettre en place si les élèves diffusent une vidéo sur internet.




Fig.2d : 'Comprendre l'élève digital natives'

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Cette compétence m'a ouvert les yeux sur les aprioris que l'on a sur les élèves au sujet de leur soi-disante toute-puissance en termes d'outils numériques. Elle me permet d'avoir un regard averti lorsqu'il s'agit de travailler avec eux à distance, à l'aide des TIC. Certains ont besoin de beaucoup d'explications pour s'adapter à l'enseignement à distance, et ne sont pas ces 'natifs' du numérique que l'on pourrait imaginer.



Fig.2e : 'Montage vidéo : utilisation d'iMovie'


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Cette compétence m'a été indispensable pour la réalisation de ma capsule vidéo au premier semestre. Elle m'aurait été d'une grande aide dans mon projet initial de séquence destinée à la réalisation d'une capsule vidéo faite par les élèves, inspirée de leur voyage d'études.


En plus des compétences MITIC que j'ai développées depuis septembre, je dois également réinventer mon rôle de guide auprès des élèves. En effet, au vu de la distanciation physique imposée par les autorités, l'enseignant doit redéfinir sa fonction en termes de besoins linguistiques et cognitifs d'une part, et motivationnels d'autre part. Le tout, selon Suzanne Wokusch (2019), pour répondre au principe de
scaffolding (échafaudage) qui se reconstruit en grande partie depuis quelques semaines. 



Les compétences TIC chez les élèves sont également sollicitées à plus d’un titre. Et si l’emploi de WhatsApp ne leur a posé de problème a aucun moment, j’ai constaté que les adolescents ne sont pas nécessairement les geeks en puissance que l’on imagine, comme le souligne la compétence mentionnée précédemment ''Comprendre l'élève digital natives' : Ce n'est pas parce qu’ils ont de plus en plus tendance à avoir le nez dans leur portable que les élèves seront intuitivement et instinctivement amenés à maitriser tous les outils qui leur sont proposés pour mener à bien l'enseignement à distance. Certains de mes élèves ont eu besoin d’une réunion Zoom destinée à l’explicitation de Teamup, durant laquelle les questions posées démontraient la nécessité d'adaptation de tout un chacun pour apprivoiser Teamup, par exemple. D’autres ont de la peine à faire fonctionner les liens des vidéo-conférences, ou à trouver les informations saillantes au bon endroit. Quelques malentendus résiduels démontrent bien que les élèves ont dû, à notre image, s’adapter considérablement à la nouvelle méthode d’enseignement, et le moins que l’on puisse dire, selon moi, est que la grande majorité des apprenants jouent le jeu et s’évertue à appréhender les nouveaux outils informatiques au mieux. Par conséquent, les compétences TIC des élèves ont été décuplées ces dernières semaines. Les élèves doivent faire preuve d'une autonomie considérable à la maison, souvent sans adulte qui, comme dans un cours informatique classique, l'aiguille efficacement lorsqu'un détail pratique lui échappe. Les élèves, chez eux, doivent s'assurer du bon fonctionnement du matériel, de la compatibilité de leur ordinateur avec divers formats et plateformes. On leur demande d'être constants dans le traitement de leur boîte mails, de se connecter à l'heure à des sessions Zoom, Skype ou WhatsApp. Il s'agit également pour eux d'être particulièrement réactifs aux messages transmis par différents canaux (SMS, WhatsApp, mail, Teamup,etc) et d'être en mesure de tenir un agenda répondant à tous ces inputs numériques. Toutes ses nouvelles responsabilités, en grande partie rattachées aux TIC, qu'il ne faut pas sous-estimer.


Les solutions trouvées pour relever au mieux le défi de l’enseignement à distance ont été mentionnés plus tôt. Il s’agit essentiellement de Teamup qui a facilité la communication entre élèves, enseignants et parents. Il aurait été délicat de continuer selon la méthode du début, où chaque enseignant diffusait son travail comme il l’entendait et à la fréquence qu’il estimait pertinente. Teamup apporte des solutions à plus d’un niveau, car la plateforme permet d’avoir un regard sur la pratique des collègues, sans juger, mais pour aussi comparer la charge de travail décidée par certains à la sienne. Teamup est donc mon choix final d’outil informatique global, d’autant plus qu’il a été imposé par notre direction depuis le 30 mars.
 
Teamup présente selon nous les avantages suivants : 
- les informations sont centralisées sur une plateforme commune
- le nombre d'emails envoyés par tous les enseignants est particulièrement réduit, car toutes les informations sont visibles sur Teamup, y compris les explications liées aux activités
- la plateforme est intuitive : une fois l'outil apprivoisé, il est aisé de glisser un travail dans une fenêtre horaire et d'y associer une consigne ou une pièce jointe
- l'on peut à tout moment modifier le contenu d'une activité, sans devoir recontacter tous les élèves par mail. 

Teamup présentent toutefois des inconvénients potentiels : 
- une forme d'intrusion dans l'organisation de ses collègues, en allant regarder le travail donné dans les fenêtres horaires. Au début de l'utilisation de Teamup, il était dit à demi-mots que les maîtres de classe, moi compris, auraient un regard sur la méthode de travail des autres enseignants. J'ai très rapidement réagi auprès de la direction pour dire que je n'interviendrai pas auprès d'un collègue, même si une charge de travail pourrait sembler inappropriée
-  la plateforme est si intuitive que l'on pourrait être amenés à exagérer la somme de travail donné aux élèves. Auparavant, chaque travail était associé à un email. Ici, plus d'email, mais une plate-forme qui ne demande 'qu'à être remplie'. Il s'agit donc d'être attentifs à la charge de travail fournie, car le gain de temps que Teamup implique pour nous ne veut pas dire que les élèves disposent de plus de temps dans la journée pour mener à bien les activités données. 
- bien que les emails aient été pour ainsi dire abolis à l'aide de Teamup, cela implique aussi une diminution du lien social avec les parents et les élèves. On peut théoriquement déposer son travail avec les corrigés sur la plateforme en début de semaine et se désengager du travail des élèves à partir de ce moment-là. 

Les manières de suivre les apprentissages sont multiples. Les élèves ont le choix de m’envoyer leur travail par photo et SMS privé ou par mail en fichier joint. Pour ma part, les rétroactions sont également variables. Retour personnalisé par mail s’il s’agit par exemple d’une expression écrite. Discussion individuelle par téléphone pour discuter d’un travail. Autrement, des feed-backs en groupe via la plateforme Zoom (Fig.3) permet aux élèves de se (re)voir, de confronter leurs réponses et d’avoir des commentaires, suggestions et corrections de ma part. C’est personnellement la canal que je préfère en termes de rétroactions, car il est particulièrement interactif et vivant.
  
Figure 3 : correction d’un exercice d’anglais via la fonction ‘partager l’écran’ de Zoom  






3. Pédagogie : 

Dans le cadre de l’enseignement à distance, le rôle du numérique est amplifié, tandis que le rôle de l’humain, par définition, est amoindri du fait de la distanciation forcée avec les élèves. Le contact visuel, le contexte de la classe, les règles de communication propres aux cours et de nombreuses autres composantes humaines sont mises à mal par le confinement. Notre rôle n’est plus vraiment d’enseigner, hélas, mais de garder les élèves au contact des apprentissages, principalement à l’aide d’activités insérées sur Teamup au fur et à mesure. Les pièces jointes souvent impersonnelles prennent le pas sur la transmission de connaissances en présence de l’enseignant. Nous pouvons certes guider les élèves en répondant à des questions sur WhatsApp ou en vidéo-conférence, mais nous ne menons plus la barque comme à l’accoutumée. L’élève se doit de trouver davantage de solutions lui-même, gérer son travail, son planning hebdomadaire. Défi de taille pour certains élèves qui peinent déjà à s’organiser dans les conditions normales où l’équipe pédagogique est là pour donner les repères nécessaires. Les apprenants se muent actuellement en utilisateurs chevronnés du numérique pour mener à bien les tâches qui leur sont données. Cet environnement virtuel remplace la présence des enseignants, relégués au second plan. Un coup dur selon moi en termes de pédagogie.

Pour limiter cette 'perte' de la dimension humaine dans l'enseignement à distance et pour assurer le meilleur scénario pédagogique possible, il s'agit d'insister sur les stratégies suivantes : 
- assurer un minimum une réunion Zoom ou Skype par semaine avec chaque groupe classe. Même si les élèves rechignent généralement à activer leur caméras lors des vidéo-conférences, l'audio permet de s'entendre, ce qui entretiens la relation prof-élève mise à mal. 
- lors de ces séances vidéos, laisser une place pour les anecdotes, les ressentis des élèves au début et/ou à la fin des réunions. Un laps de temps consacré au quotidien des élèves permet de remplacer les moments informels nombreux qui ont lieu en classe, dans les couloirs ou dans la cour.
- lors de ces séances, rappeler souvent aux élèves que je suis là pour répondre à toutes formes de question, d'ordre académique, administratif ou autre.
- pour que les élèves ne se sentent pas délaissés en raison de la distance imposée par la crise sanitaire, il s'agit selon moi de se manifester aussi régulièrement que possible via les canaux de communication suivants : Zoom, WhatsApp, email, téléphone. Assurer une variété dans l'emploi de ces médias, aussi bien pour les questions de travail que les questions générales d'organisation, permet aux apprenants de sentir la présence, 'à distance', de l'enseignant dont le rôle de guide, comme on l'a dit plus tôt, a pris une toute autre tournure depuis un mois. 

Cette nouvelle donne causée par le confinement n’est pas que négative, car les élèves apprennent à s’organiser autrement, à apprécier l’aide des intervenants lors des réunions Zoom ou autre moments interactifs. Ces derniers sont plébiscités par les élèves, car ils réduisent, le temps de la réunion, la distance créée entre l’apprenant et l’enseignant. Toutefois, ces échanges assurés par l’intermédiaire du numérique demeurent une pâle copie du lien pédagogique défini par la présence simultanée des élèves et d’un enseignant, dans un établissement réservé à cet effet. 


4. Planification : 

Les objectifs principaux de la continuité pédagogique sont de deux ordres : 

  • d’un point de vue purement académique, garder les élèves en contact avec les apprentissages, malgré la distanciation physique. Il s’agit par conséquent de définir un maximum de moyens pour conserver chez les adolescents une attitude d’élève, avec ses responsabilités et défis d’apprentissage, le tout sans l’encadrement d’un établissement scolaire. 
  • du point de vue du cours MITIC, favoriser l’emploi de différents médias favorisant la diffusion des savoirs. 

Pour mener à bien l’accomplissement des objectifs, il s’agit avant tout de définir le matériel disponible dans chaque foyer. Car si j’ai pu compléter mon éventail de logiciels grâce à Office 365, il est plus délicat pour certains élèves d’avoir accès aux logiciels nécessaires. Toutefois, les canaux de communications mis en place depuis trois semaines fonctionnent bien : Whatsapp, Skype, Gmail, Zoom, … autant de moyens qui favorisent une excellente transmission d’information.

Quant au planning proposé aux élèves, nous appliquons la demande de notre direction de concentrer nos efforts sur la publication de tous les travaux hebdomadaires pour le lundi matin de chaque semaine, afin de faciliter l’organisation des élèves, qui savent précisément la charge de travail à abattre en début de semaine dans chaque branche. Pour chaque groupe, je planifie une réunion Zoom par semaine pour intervenir directement et en groupe sur les activités : corrections, questions ciblées, activités à venir,…autant d’éléments pertinents à aborder ensemble. De plus, les élèves me remettent en moyenne un travail écrit par semaine que je corrige individuellement avant de le retourner à chaque participant. Pour le reste, je poste les corrigés des exercices sur Teamup. Cette diversité de canaux de correction semble plaire aux élèves qui ne sont pas submergés de réunions ou de travaux à rendre. 

Les supports de cours sont multiples. Au-delà des brochures, livres et autres médias physiques que les élèves ont pu récupérer dans leur casier, la création de supports et l’échange de ces derniers entre collègues, après relecture, est une seconde source de matériel qui a été maximisée depuis le confinement. Par exemple, la didactisation de vidéos disponibles sur Youtube (Fig.4) permet de diversifier les activités et sortir un peu des brochures qui deviennent plus rébarbatives si elles ne sont pas travaillées en classe. Les différentes plateformes pédagogiques à disposition en ligne servent aussi à la diversification des activités proposées aux élèves. Toutes ces supports sont généralement transmis sur Teamup, outil centralisé qui permet également d’échanger les ressources avec les collègues.

Figure 4 : exemple de didactisation d'une vidéo sur Youtube.
                Lien Youtube :


Didactique - Worksheet nr.1 - BIS - PDF.pdf 95.44 KB



En conclusion, la planification a été considérablement facilitée par Teamup, car tout un chacun, élève, enseignant et parent peut se rendre sur la plateforme pour avoir un coup d’oeil rapide ou approfondi sur la dynamique des apprentissages des apprenants. C’est selon moi non seulement un support, mais un soulagement quant à l’organisation générale de l’enseignement à distance. 

5. Déroulement et évaluation : 

Le déroulement de l’enseignement à distance, à ce jour, est selon moi très satisfaisant. La direction nous demande de poster tous nos travaux pour la semaine au plus tard le lundi de la semaine en question à 11h00. Il n’y a a priori pas de nouveaux travaux postés avant le lundi d’après et de cette façon, les élèves et leurs parents peuvent commencer la planification du travail pour la semaine. Avant cela, les enseignants envoyaient librement des travaux du lundi matin au vendredi soir, ce qui pouvait rendre l’organisation à la maison difficile. 

Quant à la gestion de la distance, celle-ci est en quelque sorte réduite grâce aux plateformes de vidéo-conférence. Ces dernières permettent non-seulement de corriger des exercices ou de travailler sur des concepts, mais également d’échanger les ressentis des élèves quant à cette configuration d’enseignement hors du commun. Voir les élèves sur un écran ne remplace évidemment pas une poignée de main ou une interaction en classe, mais j’estime que la casse est limitée grâce à ce mode de communication. Il m’arrive également d’appeler des élèves individuellement s’ils rencontrent une difficulté particulière. Je constate à cet effet qu’un appel téléphonique est une forme d’interaction également inhabituelle avec un élève et qu’elle demande aussi certains ajustements.  

Pour ce qui est des changements ou imprévus survenus depuis la mise en place de l’enseignement à distance, le principal changement a consisté en la mise en marche de Teamup. D’abord rétif, je l’avoue, face à cette nouvelle plate-forme, car j’avais mis sur pied une cadence de travail fonctionnelle, je me suis rapidement adapté à ce changement de méthode qui s’est avérée ergonomique et efficiente. Les adaptations se font pour ainsi chaque jour, car il est toujours intéressant de confronter ses idées avec les collègues. Les élèves sont aussi à même de faire des suggestions, de dire si la charge de travail est adaptée ou non. Autant de raisons d’adapter sa pratique jour après jour. 

Les élèves sont à cet effet particulièrement disciplinés, selon moi. Ils sont pour la plupart très réactifs aux messages envoyés, échangent volontiers, avec moi et entre eux. Ce qui me frappe au quotidien est leur propension à l’entraide instantanée. Lorsqu’un élève fait part d’une incompréhension liée à une tâche sur notre groupe Whatsapp, les camarades de classe n’attendent pas ma réponse pour dépanner l’élève en question, ce qui constitue d’une part une preuve de solidarité et parfois un soulagement par rapport aux interrogations de certains élèves. 

À cet effet, les élèves ont assez vite repris le ‘rôle’ qu’ils avaient en cours : les meneurs restent en tête, à aider, rendre les travaux à en avance, les élèves ‘standards’, à faire ce qu’il faut sans plus, et les cas plus ‘difficiles’ qui font les autruches, peinent souvent à comprendre les activités à faire et rendent leurs travaux en retard. Cependant, malgré cette tendance à répéter le fonctionnement déjà établi à l’école, certains élèves étonnent de par leur réactivité. 

Quant aux acquis, ils sont déjà nombreux en seulement trois semaines. Avant la généralisation de Teamup, nous avons réussi à mettre en place une cadence de travail par email, Skype et autres Google Docs. Nous nous sommes adaptés à de nouveaux modes d’échanges de savoir, de correction et de communication d’une manière générale très efficaces. À tel point que lorsque Teamup était au goût du jour, il a été dans un premier temps délicat pour moi de renoncer à un mode opératoire mis sur pieds en très peu de temps et qui semblait plaire à la majorité. Malgré tout, l’apparition de Teamup depuis 10 jours a rapidement pris le pas sur ma frustration, tant la plateforme, je dois l’avouer, est intuitive. Une réunion Zoom avec les élèves de ma classe était dédiée à l’utilisation de Teamup et encore une fois, les élèves ont fait montre d’une adaptation exemplaire et ne se sont à aucun moment plaint du changement organisationnel.

Il y a plusieurs indicateurs démontrant l’utilisation intensive des moyens d’enseignement à distance. Les élèves respectent majoritairement les échéances. Ils ont pris l’habitude de m’envoyer leur devoirs en formats variés (Fig. 5 & 6). Les élèves prenant part aux réunions Zoom sont pour ainsi dire toujours à l’heure. Cependant, certains élèves peinent à tenir tous les délais, et je peux parfois comprendre pourquoi, tant la nouveauté de cet enseignement est intense, autant pour nous, enseignants, que pour les apprenants. Raison pour laquelle j’accorde des remédiations sous forme de délais supplémentaires si l’élève a expliqué son retard. Je m’évertue également d’appeler certains élèves qui se manifestent moins, pour faire le point sur leur approche du travail à distance. Très peu d’entre eux montrent de la mauvaise volonté, mais avouent une surcharge d’informations que l’on ne peut contester. 

Figure 5 : devoir d’anglais donné à des 10VG et rendu d’un élève photographié et envoyé sur ma boîte mail.

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Figure 6 : devoir d’allemand en format PDF et rendu d'une élève en format Pages envoyé sur ma boîte mail. 




Les effets de l’enseignement à distance sont difficiles à évaluer après trois semaines. Du point de vue des élèves, ces derniers ont pris la révolution méthodologique de manière plus constructive que ce que j’aurais imaginé. Confinés à la maison, les élèves ne se donnent pas forcément moins de peine, selon moi, pour satisfaire un grand nombre d’exigences à distance. Ils n’en demeurent pas moins que malgré un fonctionnement globalement positif du dispositif, j’estime que la perte en termes d’apprentissages, jour après jour loin de l’école, est considérable. Car encore une fois, notre rôle d’enseignement est nettement diminué. Les parents nous font des retours positifs par rapport à cette méthode inédite de travail. Ils semblent parfois même étonnés par notre réactivité face à cette crise. Les figures parentales, qui se sont muées en enseignants ‘de fortune’ ont dû relever un énorme challenge, cumulant les fonctions de parent, travailleur et enseignant. Triple casquette risquant de laisser des traces dans certains foyers. Quant à moi, enseignant, l’emploi exclusif du numérique pour officier n’est pas évident. Le contact direct avec les élèves, avec la classe dont on a la maitrise, avec les collègues, manque considérablement. Si l’on a choisi cette profession, ce n’est sans doute pas pour passer le plus clair de son temps devant un ordinateur. Toutefois, les outils mis en place par la DGEO et ceux gratuitement disponibles en réseau permettent de remplir ce nouveau défi professionnel relativement sereinement. 

Une piste de régulation face à cette nouvelle méthode serait d’aligner au mieux nos pratiques entre enseignants. Là où certains estiment qu’il faut remplir les tranches horaires à coups de batteries d’exercices, d’autres tâchent de tempérer leurs ardeurs, gardant à l’esprit le contexte anxiogène dans lequel s’inscrit ce nouveau fonctionnement. Chaque enseignant est ‘libre’ de transmettre la quantité de travail qui lui paraît appropriée, malgré des quotas par branche théoriques. Une autre piste de régulation serait de mettre en place un système d’évaluation formative agréé par la DGEO. Car en l’état, les élèves sont relativement libres de s’investir ou non dans le travail donné. Raison supplémentaire pour souligner l’assiduité d’une bonne partie des apprenants, pour qui, finalement, les notes ne sont pas l’unique moteur nécessaire aux apprentissages. 

6. Éducation aux médias : 

Dans le cadre de l’enseignement à distance, la place de l’éducation aux médias est non seulement redéfinie mais également conséquente. En quelques semaines, j’ai dû sensibiliser les élèves à Google Docs pour une correction de document, Skype pour une première vidéo-conférence autour d’un devoir, Teamup pour la synchronisation des activités et Zoom pour avoir a disposition une plate-forme plus pratique que Skype pour la correction d’activités. 

La question des droits d’auteur et droit à l’image a surtout été considérée avec Zoom, plate-forme qui encore aujourd’hui est sous le feu des critiques en raison de sa politique extrêmement limitée en termes de confidentialité. Nous conservons malgré tout cet outil à ce jour, car le DGEO n’a pas émis de restriction quant au logiciel américain. 

Quant à l’ergonomie des outils numériques, nous sommes passés d’une simple boîte mail au début du confinement à Teamup depuis deux semaines. Je trouve l’ergonomie de Teamup excellente. L’aspect d’agenda à la semaine parle selon moi à tout le monde. Il est très simple d’insérer un travail dans la fenêtre ‘Descriptif’ (Fig. 7) et de le faire apparaître dans le planning hebdomadaire. De plus, notre direction à formulé l’exigence que tous les travaux de la semaine à venir soient insérés au plus tard le lundi matin à 11h00, de sorte à ce qu’élèves et parents puissent optimiser l’ergonomie et l’efficience de leur travail. 

Figure 7 : exemple de ‘Description’ dans Teamup : 
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Les consignes, formulées aussi clairement que possible, apparaissent dans le descriptif de chaque ‘fenêtre horaire’. Les groupes WhatsApp permettent de clarifier rapidement des éventuelles zones d’ombre. Ainsi, Teamup et WhatsApp se complètent pour diffuser le travail de façon claire et synthétique. 

Malgré l'ergonomie relativement bonne de tous ces outils, force est de constater que l'enseignement à distance, véhiculé à l'aide d'outils numériques en tous genres, ne contribue pas à l'effacement des inégalités socio-économiques. Je soulève ici le second questionnement de ma collègue qui parle de 'fracture numérique' ayant lieu dans certains foyers. Malgré le fait que la grande majorité de mes élèves ont accès à un ordinateur, il n'en demeure pas moins que l'un d'entre eux n'en a pas et doit se débrouiller avec son téléphone portable. Une autre élève peut utiliser un ordinateur, mais ce dernier est pour ainsi obsolète et il est difficile pour ces deux élèves de garder le cap avec le flot constant d'informations numériques leur étant destiné. Dans d'autres foyers, une organisation militaire doit être appliquée pour que les parents et chaque enfant puissent employer à son tour le seul ordinateur à disposition. Par conséquent, les conditions matérielles semblent jouer un rôle plus déterminant à distance qu'à l'école, où l'on s'évertue à gommer les écarts socio-économiques au mieux. 

Quant à la prise en considération des difficultés des élèves, parmi les 16 élèves de ma classe, deux sont régis par des programmes personnalisés et deux autres sont en décrochage scolaire.  J’adapte au mieux la quantité de travail adressée à ces élèves, et suis plus souple quant au respect des échéances. La prise en compte des besoins particuliers de ces élèves est plus délicate à distance. Je compte un élève dyslexique léger dans ma classe. Je réponds à ses questions de façon individuelle lorsque l'emploi d'un outil numérique pose problème. Toutefois, cet élève ne manifeste pas de difficultés particulières en la matière. L'outil dactylographique est particulièrement utile pour cette catégorie d'élève, car il permet non seulement de revenir en arrière à souhait, mais de profiter de l'outil 'dictionnaire' qui corrige une bonne partie des erreurs de rédaction. Parallèlement à cela, nous avons trouvé l'article de Mélissa Haquenne (2016) à ce sujet très instructif : il est question de polices d'écriture, dont Opendyslexic, qui correspondent aux difficultés rencontrées par ce genre d'élève.  Nous n’avons plus le lien direct qui permet d’agir vite selon la nécessité des élèves à difficultés. Toutefois, le fait de pouvoir appeler parents et élèves plus régulièrement permet, partiellement, de palier à cette complexité de prise en compte des besoins de chacun. Je contacte aussi régulièrement que possible les élèves concernés pour faire le point avec eux, à l’abri cette fois-ci du regard parfois gênant des camarades. Les élèves se confient aisément à leur maître de classe, et j’ai le sentiment que les élèves au profil plus complexe ne se sentent pas délaissés. Cependant, ce n’est qu’un ‘ressenti à distance’, et la difficulté d’évaluer précisément le travail réellement effectué demeure. Rien ne remplacera l’écrin de l’établissement scolaire, particulièrement utile à la prise en charge des apprenants en difficulté.




Références bibliographiques :

Cuq, J.-P. & Gruca, I. (2017). "Cours de didactique du français langue étrangère et seconde". 2ème édition. PUG. Grenoble.

Haquenne, M. (2016). "Le numérique pour lutter contre la dyslexie". Dans
Lettres Numériques. Bruxelles.

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