msMITIC 2019

Article "Continuité"

17.05.2020

Juliette Aiuchi avatar. Juliette Aiuchi

MITIC - Article sur la continuité des apprentissages 

Introduction
Vendredi 13 mars 2020, après plusieurs semaines de « bruits de couloirs » concernant la possible fermeture des écoles en Suisse pour cause de pandémie, l’annonce tant attendue par nos élèves tombe : le Conseil fédéral ferme les écoles. 

Nous rentrons tous chez nous, un peu désorientés par la situation, mais tout de même impatients de connaître la suite des procédures. Les nouvelles ne se font pas attendre : samedi, un message de notre doyen administratif atterrit à midi tapante dans notre boîte mail professionnelle. Les directives sont les suivantes : 

Trace n°1 : mail reçu du doyen administratif de l’ES Bercher Sept-Fontaines à 12h12, le 14 mars 2020 

Je reçus ces informations avec un brin d’énervement : la phrase Des solutions nouvelles et originales sont à développer. Nous comptons donc sur votre créativité pour occuper une partie des journées à domicile de nos élèves, fit monter une pression sans précédent  en moi et une foulée de questions se bousculèrent dans ma tête : comment communiquer avec les élèves? Que leur transmettre pour satisfaire aux exigences du département et à celles de l’association des parents ? Comment leur transmettre le travail ? Comment s’assurer qu’il n’y ait pas de décrochage scolaire? Et finalement, comment être sûre de ne pas créer d’inégalités avec les élèves n’ayant pas d’accès à un ordinateur ou à une imprimante chez eux?

Comme spécifié dans le mail de l’établissement, les maîtres de classes avaient la charge de « coordonner l’enseignement à distance ». Malheureusement, comme l’établissement ne nous proposait pas de solution commune à ce stade, chaque maître de classe suivit sa propre idée: certains demandaient que le travail leur soit envoyé par mail, d’autres sur la plateforme educanet2 et d’autres encore sur la plateforme discord. 

N’étant pas maîtresse de classe, je n’eus pas grand chose à dire et essayais tant bien que mal de suivre les exigences de chacun pour mes cinq classes ( trois classes d’allemand de 9VP, 10VG et 11VG et deux classes d’anglais de 9VP et de 11VG). 

Les maîtresses et maîtres de classe réussirent finalement à se mettre d'accord sur un outil commun au cours de la première semaine : la plateforme de partage educanet2. Malheureusement, cette plateforme ne resta qu'éphémère, car à peine quelques jours plus tard, elle était déjà totalement hors-service. Elle fut vite remplacée par TeamUp, que nous utilisons encore aujourd’hui.

Dans mon établissement, tous les enseignants réussirent à se mettre d'accord sur une répartition commune des plages horaires afin de ne pas créer de conflit entre les branches (et ne pas avoir à déposer son travail aléatoirement sur une plage horaire libre) :  


Trace n°2 : Organisation-horaire de TeamUP par branches, communiquée le 24 mars 2020. 

Anticipation

Comme le dit si bien Peltier dans son article (INFOX#7 : « Le e-learning n’est qu’une simple transposition d’un cours présentiel »), la mise à distance d’un enseignement ne s’improvise pas et ne consiste pas en une simple transposition du cours en présentiel. J’avoue cependant être partiellement tombée dans le piège durant cette période de semi-confinement. Il n’était pas toujours facile de trouver des terrains d’entente avec les chefs de files et les collègues des mêmes branches. Nous avions également la consigne de consolider les apprentissages en priorité et de ne pas surcharger les élèves au vu de la situation. Ainsi, je fis le choix d’amener du contenu nouveau (comprendre ici, hors des moyens d’enseignement) sur des sujets touchant aux intérêts personnels de mes élèves. C’est sur les sites derdiedaf.com et https://learnenglish.britishcouncil.org  que j’ai trouvé la plus grandes partie des documents que j’ai exploités et adaptés au niveau des mes classes. Généralement, pour les accompagner dans la compréhension des exercices donnés, j’enregistrais une petite capsule-audio que je postais sur TeamUp avec le travail de la semaine et traduisais les consignes complexes sur les documents. Afin de vérifier leur implication dans les apprentissages, je leur proposais généralement un petit exercice de EE à me rendre par mail (exemple ci dessous) ou un quiz kahoot.it à compléter et avoir un aperçu de leurs progression.   


Trace n°3: deux exemples de d’exercices de EE reçus par mail



Les compétences MITIC que j’ai pu mettre à contribution dans cette expérience furent la création d’une vidéo de grammaire avec Laura Durguti dans le cadre de notre deuxième ressource MITIC, ainsi que la création d’un quiz en ligne à l’aide de l’outil kahoot.it, qui firent l’objet d’une séquence pour nos deux classes de 11ème année (les liens se trouvent dans la bibliographie).
Même si cela ne m’a pas été possible de créer une vidéo chaque semaine, je pense que d’avoir permis à mes élèves de me voir une fois en chair et en os durant le semi-confinement aura permis à maintenir un minimum le lien avec eux (Peltier, 2020). 

En ce qui concerne mes élèves, ils avaient tous accès à un ordinateur durant cette période d’enseignement à distance, ce qui a rapidement réglé les questions d’inégalités. Selon Roland citant Cosnefroy dans son article consacré à l’enseignement à distance (« Guide de survie pour enseigner à distance : accompagner les apprentissages à distance de vos étudiant·e·s »), la principale compétence qui doit être maîtrisée par les apprenants est  celle de l’autorégulation. Quatre conditions devraient être remplies pour permettre à l’apprenant de réguler son apprentissage: la définition d’un but suffisant, disposer de stratégies d’autorégulation, l’observation de soi et bénéficier d’une motivation suffisante. Toujours selon Roland/Cosnefroy, il suffirait à l’enseignant d’intervenir sur une ou plusieurs de ces conditions pour renforcer l’autorégulation de l’apprenant. Dans mon cas, je pense avoir au moins influé sur le facteur motivationnel en choisissant des contenus selon les intérêts de mes élèves et en variant les activités proposées. 

Concernant les compétences plus techniques, les élèves devaient simplement savoir envoyer un mail pour les devoirs à rendre. Ce que j’ai pu personnellement remarquer, c’est que bien qu’ils possèdent tous une adresse email  pour l’école (educanet2 et maintenant Microsoft), les devoirs étaient constamment envoyés avec les adresses email des parents. En ce qui concerne les PDF contenant les exercices de la semaine, la plupart les imprimaient et les remplissaient à la main, et d’autres faisaient directement les exercices dans leur cahier. J’en déduis donc que mes élèves ne maitrisent que partiellement les compétences informatiques de base. Cela ne me surprend pas vraiment car notre établissement ne dispose que d’une salle d’informatique et seulement d’une dizaine d’ordinateurs portables. Nous n’utilisons donc que très peu les outils informatiques de manière générale dans notre enseignement. 

Pédagogie
 Mon rôle durant cette période de semi-confinement était, selon moi, de maintenir un lien pédagogique avec mes élèves, afin d’éviter les décrochages scolaires. Comme mentionné plus haut, j’ai donc proposé des exercices de CO et de CE à mes élèves que je trouvais sur mes deux sites (derdiedaf.com et https://learnenglish.britishcouncil.org) et les adaptais à leur niveau. Le but était pour moi de viser la consolidation à travers l’immersion dans la langue (lorsque l’exercice contenait une vidéo) et de petits exercices touchant à la compréhension. Je voulais ainsi les garder intéressés, motivés et leur permettre d’apprendre de nouvelles choses. 

En allemand, j’ai par exemple trouvé un texte sur le Geocaching. Afin de créer un semblant de « séquence » pour mes élèves, je leur proposais tout d’abord de regarder une vidéo en français sur le sujet, puis de m’expliquer avec leur propres mots ce qu’était le « Geocaching ». Je leur demandais ensuite de chercher la signification des mots-clé du texte, puis, après la lecture de ce dernier, de répondre à quelques questions en français ou en allemand.

En anglais, je leur ai proposé une vidéo sur un jeune garçon qui avait perdu son bras et s’était construit une prothèse en Lego. Les élèves devaient tout d’abord observer l’image du jeune garçon et de son bras en Lego et faire des hypothèses . Ensuite, ils regardaient la vidéo et répondaient à des questions. 
(PDF des deux séquences en pièces-jointes dans l’article).

En ce qui concerne la séquence créée en collaboration avec Laura pour mes 11ème, elle avait pour but premier de faire réviser les élèves, car nous ne savions pas encore si les examens de fin d’année allaient être maintenus ou pas. Je leur ai donc proposé ma vidéo avec la théorie avec le quiz Kahoot mentionné plus haut (liens dans la bibliographie).

La place du numérique dans mes séquences n’était donc que partiel et principalement utilisé comme outils de consommation (vidéo et quiz) ou de production (mail pour rendre les exercices de EE). 

Planification 

Selon moi, les objectifs principaux de la continuité pédagogique étaient largement liés aux « défis de la continuité des apprentissages » proposés sur Sqily sous la compétence « Organiser la continuité des apprentissages pour vos élèves à distance ».  En ce qui concerne la communication avec les élèves, j’ai suivi les recommandations de mon établissement et ai posté le travail chaque semaine (généralement sous forme de PDF et de liens vers les vidéos ou questionnaires) selon le planning-horaire proposé plus haut sur la plateforme TeamUP. J’avais également rappelé mon numéro de téléphone et mon adresse email aux élèves pour toutes leurs éventuelles questions. Cela a bien fonctionné, car j’étais toujours en mesure de leur répondre rapidement. Les élèves m’écrivaient généralement sur mon mail ou par SMS. Comme je n’ai pas fait de visioconférences avec mes élèves et que je ne leur demandais pas de me rendre toutes les semaines une production, je pense pouvoir dire que mon temps d’intervention était asynchrone. 

Concernant l’accompagnement de la compréhension et le développement de l’autonomie, je proposais chaque semaine une petite capsule audio présentant les exercices et j’ajoutais parfois la traduction d’une consigne sur le document de travail, si j’estimais que cette dernière risquait de poser des problèmes de compréhension. Je leur mettais également un corrigé à disposition pour les exercices de CO ou de CE afin qu’ils puissent s’autocorriger. 

Et pour le décrochage, j’essayais surtout de maintenir les élèves intéressés à travers les exercices proposés. Je proposais à chaque fois des activités variées, en passant par l’immersion dans la langue à travers de petite CO ou en leur demandant de faire des petites activités d’écriture en plus des questions posées sur les vidéos ou les textes. 

Déroulement et planification

La planification de mes cours entre le tout début du semi-confinement et la fin ont tout de même connu une évolution. Au tout début et comme nous avions reçu peu d’informations à ce sujet, j’avais prévu mes cours de façon à avancer dans le programme. Je donnais donc, aussi sous forme de PDF, un condensé de théorie à mes élèves en français et une sélection des exercices proposés dans les moyens d’enseignement avec la traduction des consignes. En voilà un exemple:  



Trace n° 4 et 5: théorie et exercices envoyés aux élèves

Puis, avec les recommandations à la  consolidation de plus en plus pressantes de la part des parents et du département, j’ai passé à la planification décrite dans « Pédagogie ». 

En ce qui concerne le comportement des élèves, ils ont pour la plupart (selon les retours de travaux que j’ai reçu par mail et les statistiques Kahoot) bien participé et bien compris la thématique. Tout comme mes autres collègues, j’en ai malheureusement perdu quelques-uns en cours de route, notamment des 11ème qui, dès l’annonce de l’annulation des examens, n’ont plus donné signe de vie. En ce qui concerne les remédiations, je n’en ai pas vraiment proposées au vu de mes choix didactiques pour cette période. Je n’ai généralement que demandé aux élèves qui rendaient des exercices d’expression écrite insuffisants de les recommencer, en leur donnant quelques explications ou pistes supplémentaires. 

L’enseignement  à distance est selon moi une alternative très intéressante lorsque l’on a accès aux bons outils. Dans le canton de Vaud, il a fallu attendre qu’educanet2  « s’effondre » pour que l’État décide de faire avancer les choses et nous donne des accès à la suite Microsoft Office 365 et au fameux logiciel Teams déjà utilisé dans le canton de Fribourg, par exemple. Si les élèves avaient déjà appris à utiliser ces outils informatiques avant le confinement, il aurait été beaucoup plus simple de leur proposer un enseignement à distance plus efficace, à mon sens. Si nous devions repasser à de l’enseignement à distance prochainement, je reverrais probablement toute ma façon de faire: je pense que j’abandonnerais l’outil TeamUP, car je ne le trouve absolument pas pratique et le remplacerais par l’utilisation de Teams avec mes élèves. Je leur proposerais probablement une visioconférence ou une capsule vidéo explicative chaque semaine et leur demanderais de me rendre de petites productions sous forme de courtes capsules audio ou vidéo. Je centraliserais également le retour de leurs devoirs sur cette plateforme, afin de les corriger et de leur proposer des feed-back plus rapides (en évitant de me perdre dans la recherche de la bonne adresse email sur ma boîte de réception etc..). J’essayerais également de leur proposer plus de petits quiz, car ils aiment particulièrement cette façon de s’exercer. 

Éducation aux médias

Comme mentionné plus haut, notre établissement n’est pas à la pointe du développement des technologies numériques avec les élèves. Je pense avoir donc amené aux élèves ce qui me semblait être le plus en accord avec les outils proposés par le département. Comme mentionné plus haut également, si c’était à refaire dans les même conditions, je privilégierais beaucoup plus les capsules-vidéo et les quiz. Concernant, les élèves a besoin particulier, ils ont tous été assez autonomes pour venir me demander des explications supplémentaires par mail ou SMS lorsqu’ils en ressentaient le besoin. Les exercices que je proposais étant principalement basés sur du connu, je n’ai pas eu d’élèves en « grande perdition ». 


Articles de références

Amaury, D. (2020). INFOX#8 : « En e-learning, l’enseignant transfère toute la responsabilité de l’apprentissage à l’apprenant », Laboratoire d’innovation pédagogique, https://www.lip-unifr.ch/2020/04/02/infox8-en-e-learning-lenseignant-transfere-toute-la-responsabilite-de-lapprentissage-a-lapprenant/

Batier, C. (2020). INFOX#6 : « Le e-learning c’est juste des vidéos de profs », Laboratoire d’innovation pédagogique, https://www.lip-unifr.ch/2020/03/31/infox6-le-e-learning-cest-juste-des-videos-de-profs/

Lison, C. (2020). INFOX#3 : “Une classe virtuelle est une classe sans âme”. Laboratoire d’innovation pédagogique, https://www.lip-unifr.ch/2020/03/27/infox3-une-classe-virtuelle-est-une-classe-sans-ame/ 

Peltier, C. (2020). INFOX#7 : « Le e-learning n’est qu’une simple transposition d’un cours présentiel », Laboratoire d’innovation pédagogique, https://www.lip-unifr.ch/2020/04/01/infox7-le-e-learning-nest-quune-simple-transposition-dun-cours-presentiel/

Roland, N. (2020). L'éducation numérique à l'ère du COVID-19 : opportunité ou catastrophe ?, https://www.onemoreespresso.be/education-numerique-covid19/

Roland, N. (2020). Guide de survie pour enseigner à distance : accompagner les apprentissages à distance de vos étudiant·e·s, https://www.onemoreespresso.be/guide-de-survie-pour-enseigner-a-distance-dans-un-cas-de-force-majeure-accompagner-les-apprentissages-a-distance-de-vos-etudiant-e-s/

Les défis de la continuité pédagogique: https://www.mindmeister.com/fr/1457468094/les-d-fis-de-la-continuit-des-conseils-et-des-outils, récupéré de Sqily.

Liens mentionnés dans l’article