msMITIC 2019

Continuité pédagogique - mai 2020

06.05.2020

Patricia Bento avatar. Patricia Bento

La continuité pédagogique en période de confinement

  • Introduction 
Pour ce semestre de printemps, j’effectue mon stage A au sein de l’établissement de Beausobre à Morges, pour la discipline de la géographie. J’y accompagne deux classes de 9ème année VP (9VP) et une classe de 10ème année VP (10VP). Avec l’accord de mon praticien formateur (PraFo), j’ai décidé d’aborder la thématique des risques naturels liés à l’écorce terrestre pour les élèves de 9VP et celle du réchauffement climatique pour la classe de 10VP. C’est notamment dans la séquence d’apprentissage prévue pour les classes de 9ème année que je souhaitais mettre en pratique une ressource que j’avais crée sur la plateforme Sqily et ainsi intégrer les MITIC dans mon enseignement de la géographie. Dans ce projet, les élèves avaient pour but de découvrir le Vésuve à travers le logiciel Google Earth. J’avais comme projet de faire travailler les élèves en binôme et apprendraient à utiliser les fonctions de base de cet outil numérique tout en se questionnant sur les raisons qui poussent les individus à vivre près d’un volcan. Malheureusement, je n’ai pas pu mettre sur pied ce projet à temps pour ce module. 

En effet, la fermeture des écoles à la mi-mars a quelques peu chamboulé la séquence d’enseignement que j’avais prévue pour mes classes et a remis en question ma planification pour ce semestre. Les premiers jours, j’ai eu l’impression de flotter et je me demandais comment nous allions faire pour assurer les apprentissages à distance et maintenir ce fameux lien pédagogique qui nous unit aux élèves.

  • Anticipation

Je suis très vite entrée en contact avec mon PraFo : je lui ai de suite fait part de ma volonté à être présente dans le cadre de l’enseignement de la géographie à distance et de participer à l’élaboration des leçons propres à cette discipline. Finalement, le plus important pour moi n’était pas ce que j’allais enseigner mais bien de maintenir un lien entre les élèves et l’école. J'avais en tête ce que l'on allait faire, il ne manquait plus qu’à le diffuser mais comment ? 

Je me suis donc mise à découvrir des plateformes interactives et éducatives proposées sur Sqily comme Padlet que j’ai mis un moment à maîtriser. Puis, je me suis souvenue de Showbie que j’avais découvert grâce à une camarade de la HEP. Trouvant cet outil plutôt facile d’accès et intuitif, j l'ai donc proposé à mon PraFo. 

  • Pédagogie et planification 

Néanmoins, il a été décidé - conformément aux directives de l’établissement - d’utiliser uniquement Educanet et TeamUp afin de ne pas désorienter davantage les élèves. En effet, la situation en soi est déjà assez difficile pour eux, pas la peine de multiplier des plateformes pour diffuser les contenus. La place du numérique était donc assez restreinte. 

Notre concept de départ était simple : tous les lundis, nous mettions un devoir à disposition des élèves, le devoir était ensuite à remettre pour vendredi, par e-mail à mon PraFo et moi-même. Puis, un retour individualisé était fait aux élèves : nous nous sommes vite rendus compte de l’importante charge de travail que cette démarche engendrait et même si je n’ai pas peur de « mettre les mains à la pâte », cela devenait ingérable. Le concept initial a donc évolué : nous mettons maintenant à disposition sur Educanet et TeamUp, un corrigé de ce qui pouvait être corrigé de manière autonome et un retour personnalisé de travaux individuels. 

En ce qui concerne les retours, je peux citer une activité préparée pour mes élèves de 9ème année : celle-ci avait pour but de vérifier les apprentissages des élèves en ce qui concerne les conséquences topographiques du mouvement de collision des plaques tectonique sur le territoire suisse. Lors de ce travail, je souhaitais leur laisser une part de créativité et faire des contenus proposés, un moment de résilience pour les élèves. De plus, je souhaitais permettre à tous les élèves de rendre leur travail : à la main, sur ordinateur, une photo… Néanmoins, l'utilisation d'un outil numérique n'était pas obligatoire. Je justifie ce choix par le manque d’accès de certains élèves à un ordinateur ou à un téléphone. En effet, il est très important pour moi que les contenus et activités que je propose ne soutiennent pas davantage les inégalités déjà existantes à distance.

Cette activité avait pour but d'illustrer les contenus abordés jusque là et de permettre aux élèves de sortir de leur rôle d'utilisateurs des savoirs et d'en devenir producteurs. Afin de créer un support commun où les travaux des élèves seraient valorisés, j’envisageais la création d’un e-book. Cette démarche m’aurait également permis de valider ma séquence intégrant les MITIC dans le cadre de ce module. La situation particulière et le faible taux de participation des élèves m’ont fait abandonné ce projet. 

  • Déroulement et évaluation 

En effet, lorsque les rendus me sont parvenus, j’ai vite compris que les consignes n’avaient pas été lues, comprises ou qu’elles n’étaient pas claires. L’imagination des élèves a pris le dessus, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi mais elle empiétait le projet commun se rapportant au cas de la Suisse. Beaucoup d’élèves m’ont fait un exposé sur l’Islande ou encore sur la faille de San Andreas; j’ai vu beaucoup d’images mais aucune photographie ou schéma. De manière générale, les élèves ont eu le réflexe de chercher, de sélectionner et d’expliquer le lieu choisi à travers des illustrations tirées d’internet, ne prenant pas le temps de citer la référence. Ce n’est pas de leur faute, ils n’ont pas encore appris à le faire et je ne vais pas mentir, je n’avais pas prévu ce genre de situation. Je pensais que mes consignes étaient claires, ce n’était pas le cas. En ce qui concerne le retour fait aux élèves, mes commentaires se sont appuyés sur les contenus fournis par les élèves et non sur les critères que j'avais pu édictés. 

  • Education aux médias

Bien que l’enseignement à distance nous donne l'occasion d'essayer de nouvelles choses, d'aller a-delà d'un enseignement que l'on qualifierait de "classique, je pense qu'il est à l'heure actuelle, de permettre au numérique d'être un outil incontournable au sein des apprentissages et ceci, pour deux raisons principales. Tout d'abord, une grande partie des élèves et des enseignants ne sont pas encore suffisamment équipés pour/face au numérique : soit ils n'ont pas le matériel suffisant, ne savent pas l'utiliser, ont peur de l'utiliser ou l'utilisent juste pour décorer leurs leçons. Ces propos viennent soutenir mon deuxième point : il n'existe pas ou en tout cas, pas assez de sensibilisation au numérique dans les écoles, tant pour le corps enseignant que pour les élèves. Certains établissement ne sont pas du tout équipées; il n'existe parfois qu'un rétroprojecteur en classe et les salles informatiques ou de projections ne sont pas suffisantes. Comment peut-on permettre aux enseignants de tester le numérique en classe si les supports pour le faire, n'existent pas ? Comment peut-on se permettre de dire aux élèves qu'ils ne savent pas l'utiliser si aucun outil n'est mis à leur disposition ou parfois, interdit comme le téléphone portable ? L'école obligatoire a-t-elle raté le virage du numérique ? Peut-elle encore y remédier ? 

Pour en revenir à l'activité précédemment décrite, j'ai pu à la fois constater des contrastes très forts vis-à-vis de l'utilisation du numérique par les élèves et des similitudes récurrentes. En ce qui concerne l'activité précédemment décrite, tous les élèves ont su proposer des documents (surtout des images) allant au-delà des contenus proposés en cours. On peut donc estimer qu'ils savent aller chercher l'information et la sélectionner. En revanche, ils ne savent pas citer ces documents. Surtout, ils n'ont pas encore le réflexe de leur faire car personne ne leur a appris. D'où la part de responsabilité des enseignants. Puis, j'ai pu observer une diversité très importante des supports utilisés par les élèves pour le rendu final, ce qui peut nous informer sur l'accès qu'ils ont au numérique et le degré de maîtrise de certains outils. Des travaux ont été rédigés à la main, d'autres sur Word, une minorité a su élaboré des présentations très poussées. On peut donc supposer que les élèves (et beaucoup d'enseignants aussi) ne partent pas du même endroit et qu'il existera toujours un décalage entre les habitudes numériques de chacun. De ce point de vue-là, je pense qu'il serait pertinent d'harmoniser les pratiques numériques en milieu scolaire à travers des périodes consacrées à l'informatique uniquement et de permettre aux élèves d'acquérir des compétences de bases pour (la suite de) leur scolarité ou future vie professionnelle (par exemple : savoir rédiger un document Word conforme, utiliser Zotero etc.). 

  • Conclusion

Je considère l'enseignement comme un métier où il est nécessaire d'être face aux élèves, de leur expliquer les consignes, de répondre à leurs questions quasi immédiates, de les guider dans leurs travaux respectifs tant au niveau des savoirs que des processus métacognitifs. C'est d'ailleurs cette interaction qui contribue au maintien de la relation pédagogique. Avec l'enseignement à distance, c'est déjà plus difficile d'évaluer l'avancée de leurs créations, de les soutenir dans leurs difficultés et de valoriser leurs connaissances. A mon avis, le numérique ne remplace pas un enseignant ou une leçon : il devrait être un levier des apprentissages et non son support. A distance et en tant que stagiaire, il est difficile de faire pression sur les élèves pour une discipline souvent vue comme secondaire. En tant qu'enseignante, je ressens le besoin de voir mes élèves et de les accompagner dans leurs apprentissages car un écran ne remplace pas un visage.

Aussi, les circonstances actuelles m'ont fait prendre conscience de mes propres erreurs professionnelles. En effet, les consignes auraient pu être plus claires, j'aurais dû envisager l'utilisation d'images trouvées sur internet ou distribuer un canevas ou une fiche de soutien pour les aider à citer leurs sources. C'est d'ailleurs un élément que je n'ai jamais abordé avec eux en cours alors qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser le numérique pour ce faire. Je me suis souvent attristée face au manque de ressources disponibles au sein de mon établissement et pourtant... la solution était là, je ne la voyais simplement pas. C'est un élément pourtant important dans leur formation et dans l'éducation aux médias : il serait donc nécessaire de le faire de manière plus régulière et plus rigoureuse avec les élèves. J'ai d'ailleurs proposé un nouvel exercice à ma classe de 10e qui prend en compte ces éléments. En tant qu'enseignant.e, il existe parfois un écart entre ce que l'on demande ou attend des élèves en matière de numérique/médias et ce qu'on leur enseigne concrètement. Ce n'est pas parce qu'ils sont nés avec cette technologie que cela fait d'eux des experts en la matière; en qualité d'enseignants et en ayant grandi avec cette technologie, il est - à mon avis - de notre devoir de les sensibiliser à ces outils et aux problématiques qui en découlent. C'est une démarche que je souhaite poursuivre en tant qu'enseignante et tout au long de ma carrière, j'espère réussir à m'adapter à un monde, peut-être, entièrement numérisé.