msMITIC 2019

La continuité pédagogique: un exemple dans un groupe d'accueil

11.06.2020

carlo S. avatar. carlo S.

MSMITIC : La continuité pédagogique dans un groupe d’accueil

 
 

INTRODUCTION

J’aimerais, à travers cet article, partager mon expérience d’enseignant-stagiaire suite à l’annonce du Conseil fédéral, le 13 mars 2020, de la fermeture des écoles en Suisse. Cela sera l’occasion d’y montrer les apports et les limites des MITIC comme moyens à disposition pour maintenir un lien pédagogique avec les élèves de ma classe durant la période de fermeture des écoles et les tentatives réussies et moins réussies de l’adaptation pédagogique et technologique que nous avons mise en place avec ma praFo.

Je suis donc enseignant-stagiaire (stage A) de français langue seconde, en groupe d’accueil avec 8 élèves allophones de la 9ème et 10ème Harmos et un niveau hétérogène face à la langue française (de niveau débutant à intermédiaire en français). Tous.tes ont suivi un parcours scolaire similaire à leurs collègues des classes régulières. Toujours est-il que tous.tes les élèves viennent d’arriver en Suisse avec peu ou pas de contact avec la langue de scolarisation, qui est le français dans le Canton de Vaud. 

Dans un premier temps, la mise en place de l’ « école à distance » a été un réel défi à relever tant pour ma praFO, que pour moi-même et nos élèves. Une fois que nous avions au final réussi à nous mettre d’accord avec ma praFO et nos collègues, nous avons consulté nos élèves afin de voir quels supports pouvaient être utilisés afin de continuer à maintenir le lien pédagogique avec elles/eux et leur permettre de continuer à apprendre à distance. Après un petit laps de temps d’essais et d’erreurs, nous nous sommes mis d’accord afin de travailler avec nos élèves via les applications Zoom et WhatsApp en fonction des classes car certain.es élèves n’avaient pas accès à un ordinateur. C’est à travers ces canaux-là qu’ils/elles allaient devoir produire les activités que nous leur soumettons et qu’ils/elles devaient nous remettre pour une rétroaction. Le but de cette démarche a été avant tout de maintenir un lien pédagogique avec nos élèves et leur permettre de continuer à apprendre jusqu’à la réouverture de l’école.

Dans un premier temps, nous avons donc soumis les activités à effectuer à la maison à travers whatsAPP et ils/elles devaient les retourner sur Word ou sur un autre support qu’ils devaient prendre en photo et remettre sur whatsAPP afin de recevoir une rétroaction de ma part.

Dans un deuxième temps, nous avons essayé de mettre en place des cours en « visioconférence » avec vidéos autant pour varier l’interface et les façons d’apprendre pour élèves et que pour les stimuler avec des cours plus focalisés sur l’oralité. En effet, nous pensions qu’à travers la « visioconférence » les élèves pourraient continuer à effectuer des activités de production et de compréhension orale qui, en groupe d’accueil, au départ, priment sur les activités d’expression et compréhension écrite. Toutefois, cette démarche s’est avérée plus difficile dans la mesure où les connexions internet n’étaient pas toujours adéquates pour ce type d’exercice créant des décalages lors des prises de paroles et donc des interférences d’autant plus inadéquates pour des élèves situé.es au début de leur apprentissage du français.

Ainsi, nous avons décidé de conserver les visioconférences pour les rencontres en groupe en début de semaine puis de continuer à effectuer des activités comme au départ pour les jours suivants.  Une fois que les consignes ont été données et envoyées sur le groupe whatsAPP, j’appelais chaque élève afin de voir si l’activité était bien comprise et pour avoir une mise à jour de la situation des élèves.

De cette façon, nous avons réussi à maintenir ce lien pédagogique avec chaque élève. 

Nous avions également la chance d’avoir pu déjà démarrer une séquence en classe juste avant la fermeture des écoles. Cela nous a permis de la prolonger à distance car l’objectif final était clair et adaptable à une situation d’enseignement/apprentissage à distance. 

 
Cette séquence avait comme objectifs d’apprendre à décrire un paysage et le projet débouchait sur l’écriture d’une carte postale.  

 

ANTICIPATION

Les compétences mises à contribution par moi-même, l’enseignant-stagiaire, a été entre autres la capacité à utiliser les MITIC comme moyen pour continuer à maintenir le lien pédagogique avec les élèves. Une des compétences mobilisées pendant cette période d’enseignement à distance liée à Sqily a été celle de : « savoir utiliser les ressources numériques de son environnement de travail ».

Comme je l’ai expliqué dans l’introduction, nous avions la chance d’avoir pu déjà démarrer une séquence en classe juste avant la fermeture des écoles. Cela nous a permis de la prolonger à distance car l’objectif final était clair et adaptable à une situation d’enseignement/apprentissage à distance. De plus, nous avions pu également effectuer quelques petits travaux en classe avec les ordinateurs, notamment sur Word, afin d’apprendre à rédiger des lettres. 

Les élèves devaient donc savoir trouver puis télécharger les fichiers Word ou d’autres documents numériques, écrire sur ces documents, les sauvegarder et les renvoyer pour une rétroaction.

Le problème, c’est que tous les élèves ne possédaient pas personnellement un ordinateur avec une connexion internet. Afin de remédier à cette situation, nous avons décidé de relayer l’information et de maintenir le lien pédagogique avec les élèves de classe par l’utilisation de whatsApp et de visioconférence . Nous avons d’abord fait des cours en « visioconférence » afin de pallier le manque de connaissances qu’ils/elles pouvaient avoir en lien avec l’environnement numérique mobilisé leur permettant d’effectuer les tâches demandées sans contrainte (télécharger un fichier, attacher un fichier, écrire sur un document numérique, les renvoyer pour une rétroaction etc). Cette démarche a été utile pour eux et nous-mêmes afin de voir ce qu’ils maitrisaient ou non. 

Nous avons également fait des appels téléphoniques avec quelques élèves qui n’avaient jamais utilisé Word ou fait des commentaires sur un PDF afin d’être certains qu’ils/elles avaient bien compris les tâches demandées et d’être capables de les effectuer et de les rendre pour une rétroaction. 

Le suivi de la progression des apprentissages et les rétroactions ont été faits à l’écrit directement sur les documents utilisés puis envoyés à travers les canaux WhatsAPP. Pour quelques élèves, la rétroaction sous cette forme a été agrémentée d’une rétroaction à l’orale à travers un appel vidéo WhatsAPP.

PEDAGOGIE

Le numérique avait une grande place dans notre démarche et nos séquences compte tenu du fait qu’il était l’unique canal de transmission permettant à la fois de transmettre les informations nécessaires et les tâches aux élèves, puis de permettre à ces dernier.ères de les effectuer et de les renvoyer chez nous pour une rétroaction. 

Je ne peux toutefois pas négliger le rôle de l’enseignant dans la séquence, en tout cas pas dans ma situation, car sans ma praFo et moi-même nos élèves n’auraient pas pu effectuer les tâches demandées. Un suivi constant a dû être effectué par les enseignants-formateurs et stagiaires afin d’assurer la progression des apprentissages des élèves et le maintien de la relation pédagogique, didactique et d’apprentissage avec ces dernier.ères. Par relation pédagogique, je me réfère à Houssaye (Houssaye, 2000) qui le définit comme le rapport qu’entretient l’enseignant avec l’étudiant et qui permet le processus FORMER. Larelation didactique renvoie au « rapport que l’enseignant entretient avec le savoir et qui lui permet d’enseigner » (Houssaye, 2000). Autrement dit, ce sont toutes les relations nécessaires à l’acte pédagogique d’enseigner, de se former et d’apprendre (Houssaye, 2000).

J’ai eu l’occasion de participer à la mise en place de ce projet d’enseignement à distance en amont puis durant toute la période de l’urgence sanitaire. Ainsi, j’ai préparé puis mis sur le groupe whatsAPP les différentes séquences d’enseignement. Une fois les travaux rendus par le même biais, je faisais une rétroaction que je retransmettais par whatsAPP et dans certains cas j’appelais les élèves en difficulté afin de les guider pas à pas.

Toutefois, grâce aux MITIC, nous avons eu la possibilité de transmettre rapidement les consignes à tous.tes les élèves et j’ai pu m’assurer que chaque élève les ait bien comprises. Cela n’aurait pas été possible sans MITIC ou du moins aurait rendu l’exercice bien plus complexe. Et inversement, les élèves ont pu me poser directement des questions et rendre les travaux une fois terminés à travers les différents canaux de communication des MITIC. Ils ont donc été des utilisateurs actifs des MITIC afin de produire les tâches demandées.

L’enseignement à distance m’a obligé à effectuer certains ajustements quant aux types d’activités demandées, leurs contenus et leurs supports. Dans un premier temps, les activités écrites primaient sur les activités orales. Ils ont pu apprendre à écrire une carte postale sur l’ordinateur puis à l’envoyer réellement à travers l’application de la poste. Ainsi, ils ont pu expérimenter et apprendre à utiliser l’environnement numérique hors du cadre scolaire. Cela leur permettra de réinvestir ces compétences dans un autre contexte social que celui de l’école. Petit à petit en amenant les cours en « visioconférence » nous avions également pu travailler les compétences de compréhension et de production orale.  J’ai également préparé des séquences avec des activités ludiques et drôles afin de les garder stimulés et motivés à apprendre malgré la situation sanitaire et sociale exceptionnelle à laquelle nous faisons face aujourd’hui.

 
 

PLANIFICATION

La continuité pédagogique que nous avions mise en œuvre avait comme buts principaux de maintenir un lien pédagogique avec les élèves et de leur permettre d’avoir accès à une progression de leurs apprentissages malgré une situation familiale inégalitaire. 

Le matériel nécessaire à cet effet était minimum un smartphone avec l’application whatsAPP et Word pour tout le monde et dans certains cas était agrémenté d’ordinateurs. Il y avait une disparité entre l’accès à ce matériel chez les élèves. Toutefois, chaque élève était équipé au minium d’un smartphone avec l’application whatsAPP et Word et c’est principalement à travers ce canal de communication que les informations étaient transmises. Pour les élèves ayant encore des difficultés à manipuler WORD ils avaient la possibilité de prendre des cours en ligne avec moi-même ou de faire une photo de leur tâche écrite à la main sur un autre support. 

Voici les grandes lignes du planning qui avait été mis en place avec mes élèves en ce qui concerne les lundis et les mardis pour ma part : 

-       Une réunion en visioconférence est proposée chaque lundi matin afin de faire le point pour chaque élève. Pour les deux élèves n’ayant pas accès à la visioconférence, je faisais une réunion vidéo sur whatsAPP avant la réunion en visioconférence. 

- Les consignes sont ensuite communiquées pour la journée puis pour la semaine. Une série de questions réponses est mise en place durant la visioconférence.

-       Nous terminons la visioconférence puis nous transmettons les activités avec les consignes sur le groupe WhatsAPP

-      Je reste à disposition sur WhatsApp au cas où la consigne n’est toujours pas claire

-     Je demande aux élèves de rendre les travaux au plus tard pour le lendemain à 17h. 

 

Toutefois, cette planification a été constamment réadaptée afin de répondre aux besoins des élèves dans la progression de leurs apprentissages.

  

DEROULEMENT & EVALUATION

Comme indiqué dans le point précédent, nous avons effectué les transmissions des consignes à travers une visioconférence. Cela donnait également un espace et un temps aux élèves de poser des questions relatives aux activités données et à la situation exceptionnelle du confinement. En écran partagé, nous parcourions chaque phase de l’activité à faire et je demandais à chaque élève d’essayer d’expliquer avec ses mots à un.e camarade ce en quoi consistait l’activité. Après une viséoconférence, je déposais les activités et travaux sur le groupe whatsAPP. Une fois que les activités et productions ont été effectuées et renvoyées sur le groupe whatsAPP, j’effectuais une rétroaction sur le document de chaque élève et je l’envoyais par whatsAPP ou email à chaque élève individuellement. Parfois, un appel vidéo était nécessaire afin de proposer une rétroaction et un soutien adaptés au besoin de chaque élève. 

Nous avons dans la mesure du possible essayé d’impliquer les élèves le plus possible dans la production des activités et de leur permettre de s’adapter à l’environnement d’apprentissage à distance. Cela a été un très grand défi à relever d’autant plus pour les élèves qui venaient d’arriver en Suisse. 

De manière générale, les élèves semblaient apprécier les moments de rencontre en visioconférence. Le fait d’entendre et de voir leurs camarades et leurs enseignant.es leur permettaient sûrement de sentir une certaine cohésion de groupe et un soutien dans ces moments quelque peu difficiles autant pour les enseignant.es que les élèves. 

Presque tous.tes les élèves ont réussi à jouer le jeu et à rester impliqué.es et engagé.es dans leurs apprentissages. C’est ce Houssaye dit relation pédagogique est le rapport que l’enseignant entretient avec le savoir et qui lui permet « d’enseigner » ; elle « favorise les apprentissages ». Cette relation permet donc aux élèves d’entretenir un rapport avec les savoirs transmis par l’enseignant et donc « d’apprendre et se former ».

Il y avait un ou deux élèves qui, malgré le soutien apporté par les enseignant.es, étaient très angoissé.es par cette nouvelle situation et/ou par leur situation familiale difficile et de ce fait n’ont pas pu s’engager pleinement dans les activités demandées. Toutefois, de constantes relances leur ont permis de voir que nous ne les avions pas abandonnés, malgré la distance physique, et que nos exigences envers eux et leur apprentissage n’avaient pas baissé. Cela leur permettait de se réinvestir une fois qu’un nouveau rythme à la maison avait pu être instauré. 

Concernant les acquis, les apprentissages à distance leur ont permis à tous.tes d’une part de mieux apprendre à ouvrir un fichier (surtout Word et Pdf), de le modifier ou d’y écrire dessus, de l’enregistrer et de renvoyer la nouvelle version à travers un email ou whatsAPP. L’enseignement/apprentissage à distance leur a donc permis de continuer à apprendre à intégrer les MITIC comme outil de travail. Ils ont également dû apprendre à mieux clarifier leurs questions, à l’écrit comme à l’oral, afin d’être entendu.es. 

Les élèves ont continué d’apprendre, à travers deux types de textes (littéraire et informatif/géographique) à produire des écrits adaptés à plusieurs situations dont la description de paysage et des codes de l’écrit d’une carte postale. Cela s’est fait en plusieurs étapes aboutissant sur l’écriture d’une carte postale. Cela était d’autant plus pertinent de travailler sur la carte postale permettant aux élèves d’apprendre à produire des écrits adaptés à cette situation de confinement.

Les MITIC ont permis d’avoir un enseignement à distance tout à fait possible et pertinent pour une situation d’urgence sanitaire telle que nous le vivons actuellement. Toutefois, comme nous venons de le développer ci-dessus, cela n’était pas suffisant pour impliquer les élèves dans leurs apprentissages. Il fallait un soutien d’autant plus engageant et fort durant cette période pour des élèves adolescent.es, un soutien essentiel pour des élèves venant d’arriver en Suisse et qui n’ont pas encore tous leurs repères. Et si l’enseignant se doit de soutenir au mieux ses élèves, cela ne permet pas toujours à certain.es élèves de s’engager pleinement dans les apprentissages. Toutefois, à mon avis, il ne faut pas perdre de vue que cette situation sanitaire a eu et continue d’avoir un impact sur chaque élève.  S’informer de chaque situation permet un meilleur soutien ultérieur.

 

EDUCATION AUX MEDIA

Nous avions eu la chance d’avoir pu travailler en classe avec nos élèves, en amont de ce contexte de confinement, afin de les rendre plus conscients de la nécessité d’une utilisation critique des médias et des nouvelles technologies. Nous avons pu parcourir différents points et ouvrir le débat sur les médias de manière générale, sur leur place dans nos vies actuelles, sur les droits d’auteur et d’images, ainsi que sur les dangers et dérives possibles et les façons de s’en prévenir. Nous avons ainsi préparé des cours sur de la protection des données personnelles. Par exemple, nous avons parlé des différents types d’acte criminel comme l’usurpation d’identité, le phishing ou encore le cyberstalking et le cyberbullying.  Nous les avons définis ensemble et avons essayé de comprendre en quoi ces actes étaient criminels et représentaient un danger pour tout un chacun et d’autant plus les plus jeunes. Nous avons ensuite cherché ensemble les moyens de s’en prévenir, comme l’utilisation des identifiants et mots de passe différents pour différents services, autorisez l’accès aux photos et informations qu’à un cercle limité et connu de personnes.

Il a été important de soutenir certain.es élèves en difficulté scolaire et venant d’arriver en Suisse.  Comme mentionné plus haut, cela passait surtout par des appels téléphoniques individuels avec vidéo en plus des consignes données en groupe par oral puis transmises à l’écrit à travers le groupe whatsAPP. Nous avons pu en profiter du fait que tous.tes les élèves utilisaient déjà WhatsApp mais nous avons rappelé aux élèves que, selon un article paru dans le journal le Temps en 2016, Facebook peut mettre à disposition d’annonceurs leurs numéros de téléphone. Les élèves pourront donc recevoir des annonces plus ciblées.De ce fait, nous leur avons fait comprendre que WhatsAPP utilisaient les données personnelles à d'autres fins que le simple échange entre deux ou plusieurs personnes. Si cela ne tenait qu’à moi, j’aurais demandé à ce que tout le monde utilise d’autres plateformes gratuites et plus respectueuses de la protection des données comme telegramm.org ou threema.ch (payante). Nous avons bien rappelé toutefois qu’aucune donnée sensible ou personnelle ne doit transiter par ce canal. Avec du recul, je pense que nous aurions dû plus utiliser cette thématique et aller plus loin dans l’analyse de la problématique de l’utilisation de ces plateformes avec nos élèves. 

En conclusion, par ce travail, je me rends compte que Les MITIC ont constitué une réelle nécessité et importance pour l’enseignement à distance durant cette période de crise. Ils nous ont permis d’entretenir des liens sociaux et pédagogiques avec nos élèves et leur ont permis de continuer à s’impliquer dans leur apprentissage, à un rythme certes moins soutenu qu’en classe.

Cela a été une aubaine et un grand défi pour moi également en tant qu’enseignant d’apprendre à faire cours autrement et de m’adapter aux besoins des élèves sans avoir la possibilité d’être physiquement présent pour mes élèves et ma praFO.

 


 

BIBLIOGRAPHIE

 

Houssaye J. (2000). Le triangle pédagogique. Théorie et pratiques de l'éducation scolaire. Peter Lang, Ber
 


 
 Traces de préparation de séquence
 
 
 

 
 
 Traces d'enseignement à distance