msMITIC 2019

Continuité Pédagogique en FLS

06.06.2020

Chehih Maryam avatar. Chehih Maryam


La continuité pédagogique
Communiquer à distance avec des apprenants allophones
 
 
         Pour ce second semestre, j'ai entrepris, avec les élèves allophones débutants de l'École de la Transition de Morges, une séquence sur les 5 sens et les souvenirs associés. Je suis en stage A et j'enseigne le Français Langue Seconde. Ma séquence devait se dérouler sur 9 périodes, deux périodes ont établi la notion de souvenir ainsi que la pronominalisation, « je me souviens… », les 5 suivantes devaient chacune s'affairer à apprendre aux élèves le vocabulaire, adjectifs et verbes, lié aux 5 sens. Les deux dernières séances nous auraient permis de travailler sur l'élaboration d'un guide touristique des 5 sens lié au pays d'origine des élèves et un micro trottoir sur le même thème. Je n'ai pu réaliser en présentiel que 4 séances : deux sur les souvenirs, une sur la vue et l'autre sur l'ouïe. Les outils utilisés en classe étaient principalement des PPT montés sur canva.com et des vidéos trouvées sur Youtube. J'ai extrait de ces supports des activités interactives faisant appel aux sens des élèves. Celle que j'attendais particulièrement était celle sur le goût durant laquelle j’envisageais une dégustation… Des activités qui touchaient aux sens et qui nécessitaient donc du présentiel.  
 
         Lors de l’annonce de la fermeture des écoles, j'étais particulièrement inquiète pour mes élèves, peu scolarisés, pas très familiers des outils numériques, certains n'étant pas équipés d'une connexion internet viable, la plupart ne possédant qu'un téléphone portable comme interface numérique. Allais-je perdre mes élèves ? Pour ne pas les brusquer, j'ai d'abord pensé abandonner ma séquence et utiliser des ressources toutes faites de compréhension orale telle que celles que l'on trouve sur le site https://apprendre.tv5monde.com/fr, puis j'ai finalement décidé de relever le défi et d'adapter ma séquence. 
 
        Une bonne maitrise de l'outil informatique était nécessaire pour orienter mes élèves. J'avais une assez bonne maîtrise des fonctionnalités de base comme le pack office, Google Drive, Google Doc. J'utilise régulièrement canva.com pour faire des infographies, des flyers et toute sorte de visuels attractifs. Grâce aux différents échanges sur Sqily, j'ai pu découvrir de nouvelles approches, de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et me perfectionner. 
 
           Pour mener à bien les activités, il était nécessaire que les élèves comprennent ce qu'on attendait d'eux. Mais aussi et surtout qu'ils comprennent et apprennent à se créer des comptes sur diverses plateformes. La plupart des élèves n’avaient pas d'adresse Gmail permettant par exemple d'accèder au Drive Google ou de se connecter en un clic à Quizlet. 
 
https://drive.google.com/drive/u/0/mobile/folders/1Ul8xdwToz2RDBOJV16Kgty-0GrjAi82V?usp=sharing
 
          La priorité était de ne pas perdre les élèves, la stratégie a donc été celle d'utiliser un outil qui leur était familier pour la transmission des informations. Les mails n'auraient pas été judicieux, la plupart des élèves n'ont pu créer leur adresse mail que ¾ mois auparavant, il fallait quelque chose de plus présent dans leur quotidien. WhatsApp a été la solution la plus pertinente pour moi. Je pouvais envoyer tout type de contenu, liens, PDF, image, vidéos et surtout je pouvais à la fois rédiger les consignes mais aussi les enregistrer vocalement pour qu'ils puissent continuer à entendre le français et sa correspondance graphique. J'ai tout d'abord envoyé des liens Google Drive sur WhatsApp car c'était pratique pour moi de tout centraliser. Mais face à de nombreuses difficultés des élèves qui n'avaient pas de compte Google, j'ai décidé de tout détailler sur WhatsApp. J’ai donc commencé par donner des consignes, des liens de documents à consulter puis des exercices à faire sur un Google Doc modifiable. Ma pratique a ensuite évolué vers d'autres outils et des formats plus originaux et interactifs. 
 
         Pour réguler les apprentissages ma PraFo m'a accordé un  créneau d'une heure par semaine. Je contactais donc mes élèves via Zoom. L'activation du son a été une rude aventure mais nous avons fini par réussir à se mettre en contact. Au fil des séances j'ai mis à profit cette heure hebdomadaire, non plus pour voir où en étaient mes élèves mais pour leur donner un cours. La fonction du partage écran a été salvatrice sur bien des points, techniques et pédagogiques. J'interviens via Zoom une fois par semaine pendant 1h00- 1h30 et propose un feedback dans la semaine via la fonction enregistrement audio de WhatsApp. 
 
         Pour asseoir les apprentissages des élèves, j'ai d'abord mis en place une série de Quiz avec la fonction classe de Quizlet. Malheureusement, les élèves n'ont pas été intéressés par ce format contre toute attente, les exercices classiques à faire sur Google Doc ont été pris au sérieux mais pas les Quiz. 
 
https://quizlet.com/join/DB4ytmUc3 
 
 
       Pour permettre aux élèves de réviser, j'avais commencé en classe à leur faire créer des supports visuels avec www.canva.com. Ils ont pu créer 4 planches avant le confinement, j'ai donc continué ce support et j'ai enregistré ma voix plutôt que la leur pour aboutir à une vidéo révision. 
 

 
Les élèves étant très peu autonomes, ils ont davantage été utilisateurs que producteurs. Et je suis davantage apparue comme transmetteur de connaissances. Toutefois, l’une des productions finales a fait appel à leurs habilités, 80 % de la classe est très portée sur le dessin. Ils ont pu mettre en avant leurs compétences artistiques dans l'élaboration du guide touristique qu'ils ont ensuite montré sur Zoom à leurs camarades. Les interviews sur Zoom leur ont fait prendre en main l'interface. 
 
         Les objectifs principaux de cette continuité pédagogique ont été pour moi de proposer un contenu familier aux élèves et surtout de garder contact avec eux afin qu'ils ne décrochent pas. 
 
      Mes principaux supports de cours ont été au départ des vidéos et des PDF. Pour la deuxième séquence que j'ai menée, face aux difficultés liées à l'utilisation des outils numériques, taper des textes sur un smartphone n'étant pas des plus pratiques et ne permettant pas de consulter plusieurs documents à la fois, ou du moins de les avoir sous les yeux en même temps, nous avons décidé avec ma Prafo de préparer un petit dossier pendant les vacances scolaires et de l'envoyer par la Poste aux élèves. Nous avons bien sûr continué les séances sur Zoom, mais avoir ce support écrit nous a paru important et moins anxiogène pour les élèves qui faisaient face à des problèmes techniques chronophages. Voyant que les Quizlet n'avaient pas motivé je les ai remplacés par des challenges sur le site en ligne Kahoot auxquels les élèves pouvaient participer tous ensemble simultanément. 
 
       Ce dernier point met en exergue la question de communauté. Le travail aussi ludique soit-il semble toujours plus attrayant lorsqu'il est partagé avec les pairs. Malheureusement utiliser une plateforme de communauté d'apprentissage n'a pas été parmi les options que j'ai choisies mais si je pouvais m'assurer que tous les élèves accèderaient aux différentes fonctions avec le matériel de bord j’aurais aimé essayer. L'outil framevr.io qui nous a été présenté en fin de formation a par ailleurs aiguisé ma curiosité mais intégrer ce nouvel outil maintenant me semble peu porteur en dehors du fait que mes élèves ne soient pas familiers des nouvelles technologies.  
 
      L'autre réflexion qui a émergé concerne le travail d'équipe. Je n'étais pas la seule à donner des cours puisque les élèves ont 4 enseignants différents qui interviennent au cours de la semaine, chacun avec son matériel de référence, ses consignes, ses outils. Dans le contexte actuel, cela demande aux élèves de s'adapter aux exigences et préférences de chacun et… de s'emmêler les pinceaux ou plutôt les doigts. Submergés d'informations, ils risquent de décrocher. 
 
     Dans cette continuité pédagogique l'un des élèments important est donc selon moi de trouver un équilibre entre un cheminement personnel d'innovation de ses cours et de leurs formats et le dialogue avec les autres enseignants pour qu'une certaine cohérence puisse émerger et que l'élève ne se retrouve pas submergé. Cela peut passer simplement par une homogénéisation des outils et une limitation de ceux-ci. Il serait par exemple inutile pour l’élève de télécharger plusieurs outils qui ont la même utilité. Je pense notamment à faire un choix entre Zoom, Skype, Discord ou entre Quizlet et Kahoot. L'idée est de faciliter l'accès aux informations. La communication entre les enseignants est donc un point important. À l'heure actuelle je ne sais toujours pas comment procèdent les autres enseignants de mes élèves et je sais que c'est problématique. 
 
       Dans l'ensemble, la trame de la séquence n'a pas beaucoup été écorchée par la distance. J'envoie les activités (exercices, vidéos à regarder etc) sur WhatsApp, puis lors de la prochaine réunion Zoom nous corrigeons les exercices, nous échangeons sur les différentes difficultés rencontrées puis je partage mon écran pour proposer un cours, enfin les élèves achèvent la séance avec des exercices de production orale. Les séances Zoom étaient des séances en classe entière de régulation puis de cours. J'ai d'abord proposé des tâches à faire avec un support décrivant la leçon puis j'ai donné le cours. 
 
         Les élèves ont eu un comportement assez peu détendu pendant ces semaines de confinement, entre les différents soucis de connexion internet et l'adaptation au nouveau format, beaucoup d'anxiété est ressortie. Malgré tout, les élèves se sont investis. À savoir qu’il ne s'agit pas pour eux d'école obligatoire, le risque de les perdre de vue est important mais tous ont répondu présent. 
 
        Suite à notre séquence à distance, les élèves ont réalisé un guide touristique autour des 5 sens et des souvenirs, ils ont également pu interviewer leurs pairs en utilisant le vocabulaire adéquat et en formulant les questions en fonction de leur interlocuteur. Lors de la séquence actuelle sur le futur proche, j'entends revoir la formulation des questions qui restait encore hasardeuse lors de la production orale de fin de séquence précédente. Proposer des exercices en ligne plus systémiques pourrait finalement être une solution à envisager car la pratique est un manque important. Négocier l'autorisation d'appeler les élèves pour des cours en individuels, ½ heure via Zoom peut être également bénéfique pour les élèves les plus détachés et timides qui ne participent pas spontanément et qu’on entend uniquement lorsqu’ils sont interrogés et n'osent pas exprimer leurs inquiétudes et incompréhensions. 
 
Pour ma première séquence, l'évaluation via Quizlet ayant été un échec, j'ai choisi de transformer le micro trottoir initialement prévu en interview en ligne sur Zoom entre élèves. Cela m'a permis d'évaluer leur expression orale et la maîtrise du vocabulaire travaillé pendant la séquence. Ensuite, j'ai souhaité qu'ils créent le guide touristique prévu en ligne ou sur l'ordinateur mais c'était trop demander. Ils ont donc réalisé le guide en papier. Finalement pour ma dernière petite séquence sur le futur proche, j'ai évalué les élèves via un challenge Kahoot. En effet, en plus d'être amusante, cette fonction permet de voir quelles notions sont plus ou moins assimilées et par qui. J'ai donc eu l'occasion de revoir avec eux les difficultés que l'application avait mises en exergue. 
 
https://kahoot.it/challenge/0447750?challenge-id=80b203a0-3584-4503-b61d-3ccf43ce2f4b_1588966748106 
 
        Comme dit plus haut, nous avons estimé plus pratique d'utiliser les outils quotidiens des élèves pour la communication, WhatsApp a donc été notre outil de référence quotidienne. Après une première expérience à distance fructueuse mais pas optimale, et le manque de moyens des élèves  nous avons voulu utiliser le papier. Combiné à l'outil numérique, nous avons ainsi trouvé un équilibre. Pas de mauvaises surprises. Arrivant désormais en fin de stage et après plusieurs tentatives. J'ai pu observer que ce qui fonctionnait le mieux avec mes élèves allophones ce sont les échanges et la pratique orale via Zoom. 
 
    Pour conclure et après réflexion, je pense que nous aurions gagné à sonder les élèves pour connaitre le matériel dont ils disposent, quels outils et applications ils utilisent régulièrement et pourquoi pas leur demander comment ils imaginent poursuivre les cours. Les impliquer dans cette réflexion autour de la continuité pédagogique aurait été une bonne chose. Cela aurait servi d'indicateur mais aussi de motivateur.