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Canevas: continuité pédagogique Arts Visuels

27.05.2020

Manon Schaefer avatar. Manon Schaefer

Introduction 

Actuellement, je suis en stage B et j’enseigne les Arts visuels dans des classes d’enseignement spécialisé et des classes de langage du niveau du secondaire 1. L’effectif réduit des classes est généralement de 7 à 8 élèves. 
 
Le 16 mars 2020, suite à l’annonce du Conseil Fédéral de la fermeture des écoles due à la propagation du Coronavirus, les enseignants de l’établissement du CEP ont été réunis afin de discuter de la suite du semestre dans ce contexte si particulier. La directrice et le conseiller pédagogique ont demandé aux professeurs de classe de contacter tous leurs élèves. La demande prioritaire était de garder le contact avec les élèves et dans un second temps d’essayer de donner des tâches ou des travaux à réaliser aux élèves, sans espérer non plus pouvoir maintenir l’acquisition des connaissances comme en temps normal. Les consignes pour les professeurs de classe semblaient relativement claires contrairement à celles données aux enseignants de sport ou d’Arts visuels. 
 
L’établissement a décrété que les travaux en Arts visuels ne sont pas obligatoires pour les élèves comme il s’agit de branches secondaires. Le travail à distance que je propose est donc facultatif ce qui implique que je dois parvenir à motiver les élèves et à les stimuler au niveau créatif. 
 
 
Anticipation

Ma collègue d’Arts visuels et moi-même avons décidé de proposer aux élèves des activités créatrices à réaliser chez eux sous forme de défis. J'avais 2 classes en charge, une de 7 élèves et une de 8 élèves, pour le travail à distance.
 
La communication des consignes s’est faite en plusieurs étapes et par plusieurs biais. Tout d’abord, nous avons commencé par envoyer des courriers postaux car nous ne possédions au départ que les adresses postales des élèves. Nous avons donc envoyé quatre courriers de cette manière-là à chaque élève. Ce moyen de communication avait l’avantage de pouvoir envoyer le matériel nécessaire aux élèves et de pouvoir communiquer avec tous les élèves sans inégalités qui pourraient être créées avec les moyens numériques. 
 
L’enseignant de la classe 1 m’a transmis les numéros de téléphone de ses élèves. Avec l’autorisation du responsable pédagogique de l’école et du professeur de classe, j’ai contacté la classe par Whats App bien que j’étais un peu dubitative sur ce moyen de communication qui me semblait très informel. L’avantage de ce biais est le fait qu’il permette une communication très directe, d’avoir des retours par photos de leurs réalisations de manière relativement rapide. Cependant, une élève ne possède pas de smartphone. Après réflexion et dans le but de pouvoir interagir avec les élèves tout en étant égalitaire, j’ai décidé de communiquer avec les élèves en leur communiquant la consigne sur leur smartphone et à l’élève qui n’en possédant pas par courrier postal.
L’enseignant de la classe 2 m’a communiqué les adresses mail des parents de tous les élèves.
 
J’ai donc utilisé le mail et Whats App pour communiquer avec les élèves, ce qui ne demande pas de compétence particulière requise. 
 
Les élèves n’avaient pas besoin de compétences particulière à maîtrise en dehors du moyen de communication qui est le mail ou Whats App. Le mail a pu être un peu plus compliqué pour certains contrairement à Whats App qui est généralement très utilisé par les élèves. Il était cependant important qu’ils comprennent que ce moyen de communication était ici dans un cadre scolaire et que je gardais ma place d’enseignante.
 
Les élèves devaient également parvenir à photographier leurs réalisations et à me les envoyer. L’envoi des photos n'a pas posé de problèmes sur Whats App mais s’est révélé un peu plus difficile par mail. 
 

Pédagogie
 
Le travail à distance demande des adaptations de la part de l’enseignant et des élèves. Étant donné que le travail à distance que je propose est facultatif, cela implique de ma part un engagement différent et qui se doit d’être d’autant plus engagé.  
 
Mon rôle en tant qu’enseignant est de stimuler et motiver les élèves dans la production de travaux et de leur transmettre des connaissances techniques. L’idée est de leur proposer des consignes de dessins, de collages et autres tout en gardant une cohérence au niveau des apprentissages et en les reliant aux objectifs du PER. 
 
Le rôle des élèves, bien qu’ils n’y soient pas obligés, est d’être des producteurs c’est-à-dire de répondre aux consignes tout en développant leur créativité. La production finale est constituée de différents exercices et travaux qui leur permettent d’acquérir des connaissances et des techniques dans les Arts visuels. 
 
L’environnement numérique a un rôle essentiel pour la communication et permet de faire le lien entre l’enseignant et les élèves. Dans mon cas, la communication se faisait de manière individuelle avec chaque élève pour des raisons pratiques. 
 
Pour transmettre les défis aux élèves, j’ai réalisé des consignes claires par point et j’y ai ajouté un exemple de réalisation parfois pour les guider. Ces consignes étaient sous formes pdf et j’ai également réalisé une vidéo pour faire une démonstration d’un travail plus technique.
Les élèves devaient ensuite m’envoyer des photos de ce qu’ils ont réalisés. 
 

Planification
 
Objectif prioritaire :
  • Garder un lien pédagogique avec les élèves
 
Objectifs principaux : 
  • Maintenir les apprentissages des élèves en Arts Visuels
  • Stimuler la créativité des élèves, développer un travail plus personnelle qu’en classe habituelle 

Matériel nécessaire (envoyé par la poste) :
  • Leur carnet de dessin
  • Crayon à papier et gomme
  • Stylo noir fin
  • Accès à internet soit via l’ordinateur ou via le smartphone, ou accès à la boîte aux lettres
  • Adresse mail, application Whats App ou adresse postale
  • Consignes envoyées par l’enseignant sous forme numérique ou papier
 
Canaux de communication :
Classe 1 : Whats App 
Classe 2 : mail et par poste pour une élève
 
Planning proposé :
J’ai envoyé des consignes hebdomadaires aux élèves avec les propositions d’activités. Je leur envoyais la consigne le mercredi à 10h, horaire du cours habituel, et je restais à disposition pour des questions jusqu’à 11h30. J’ai établi cet horaire afin de ne pas être trop débordée au niveau de la communication. Les élèves avaient un horaire pour me poser leurs questions, ce qu’ils ont d’ailleurs très peu fait. Lorsqu’ils me faisaient des retours en m’envoyant une photo de leur travail, je leur transmettais un feedback valorisant et constructif en donnant des pistes d’amélioration. Les élèves étaient également invités à entreprendre une démarche créative personnelle dans leur carnet de dessin. 


Déroulement et évaluation
 
J’ai envoyé un total de sept consignes que les élèves étaient invités à réaliser. Les consignes que j’ai envoié se doivent d’être claires. Les consignes étaient le plus brève possible faisaient généralement une page A4 voire deux. Je donnais les consignes parfois accompagnées d’un exemple que je réalisais moi-même. J’ai demandé ultérieurement aux élèves ce qu’ils ont pensé des consignes. Ils m’ont dit qu’elles étaient claires et que les exemples les aidaient à la compréhension de la tâche à réaliser. Pour optimiser au maximum la compréhension, j’aurais pu envisager de réaliser des vidéos montrant comment réaliser les tâches en faisant une démonstration des techniques comme je le fais régulièrement en classe. 
 
Les élèves m’envoyaient leurs travaux par photo. A partir de ces retours, j’ai pu donner des feedbacks aux élèves. Pour qu’une rétroaction soit efficace, il faut que deux composantes soient réunies et dialectiquement bien articulées. La première composante de la rétroaction est appréciative-affective. Si cette composante exerce une force positive, elle apporte du soutien, de la régulation et stimule l’élève (Marsollier, 2004). Il est primordial de porter un regard positif sur les élèves dans cette période particulière. Les élèves travaillent à la maison, dans un climat familial chamboulé avec des membres de la famille peut-être débordés, stressés… L’enseignant peut alors par son regard positif signifier à l’élève qu’il est prêt pour l’aider et qu’il croit en ses capacités à évoluer. La deuxième composante est cognitive. Elle doit apporter à l’élève des réponses à sa réussite, à ses doutes ou à son échec et va permettre à l’élève d’évoluer (Marsollier, 2004).
 
Le type de rétroaction que j’ai utilisé ici sont sous forme écrite, par message ou par mail. Il aurait également été possible de les formuler par message oral enregistré ou par vidéo. J’essayais de composer mes feedbacks en deux parties : l’une était par l’encouragement ou les félicitations afin de stimuler l’élève à poursuivre de manière active. La seconde était de donner des pistes d’amélioration ou d’expliquer pour quelle raison son travail était réussi. Un aspect qui renforçait mes feedbacks était le fait de démontrer visuellement les pistes d’amélioration des élèves. Par exemple, pour un travail de perspective, j’ai ajouté des lignes de fuite sur leur image à partir d’un logiciel (Illustrator) pour qu’ils puissent comprendre leurs erreurs et comment les corriger. 
 
Exemple de consigne, de travaux d'élèves et de feedback:
Consigne2_retours_feedback.pdf 2 MB
Le comportement des élèves

Les retours des travaux des élèves ont révélé de belles réalisations. Au niveau didactique, de nombreux éléments pourraient être relevés. L’un des aspects particulièrement intéressants était la réinterprétation des élèves. Du fait que les élèves recevaient une consigne sans la présence de l’enseignante, ils n’étaient pas influencés par celle-ci. Les élèves se sont montrés particulièrement inventifs et libres dans leurs réalisations. Certains ont également entrepris une démarche personnelle qui s’est révélé être créatrice riche. Ces retours témoignent pour moi du plaisir qu’ils ont pu avoir en réalisant les consignes. 
 
Cependant, les élèves qui se sont montrés motivés étaient généralement ceux qui sont déjà à l’aise ou qui ont des affinités avec cette discipline. Le risque est de perdre certains élèves en cours de route. Les élèves qui ont le plus de difficultés sont ceux qui ont le plus de peine à poursuivre l’apprentissage à distance. Je ne pouvais évidemment pas exiger des élèves qu’ils m’envoient des retours hebdomadaires de leurs travaux vu le caractère optionnel de ces travaux. Je les ai donc simplement incités à m’envoyer leurs dessins même si ça n’était pas dans le cadre des consignes, et à me faire part de leurs questionnements ou de leurs doutes.
 
Effets de l’enseignement à distance
 
Au niveau des échanges, j’ai pu constater la proportion de retours que j’ai eu suivant les différents canaux de communication. Par Whats App, j’ai reçu des retours de 4 élèves sur 7 donc plus de la moitié. Par mail, 2 élèves sur 8 m’ont envoyé des retours, donc un quart. Je n’ai pas reçu de réponse par courrier postal. Whats App semble donc être un moyen de communiquer de manière relativement directe. Le mail, étant celui des parents, était probablement moins à disposition pour les élèves.
 
Il me semble que cet enseignement à distance est difficile à tenir sur la durée. Certains élèves étaient assidus au départ puis se sont découragés à partir d’un certain moment. Avec d’autres élèves, il n’y a pratiquement pas eu de dialogue possible. Il me semble que l’écart et les inégalités se créent davantage avec cet enseignement à distance. Des inégalités se forment à différents niveaux. La possession d’outils numériques tels qu’un ordinateur ou un téléphone portable impacte la régularité dans le travail. Certains en ont à leur propre disposition, d’autres doivent les partager avec plusieurs membres de la famille et quelques-uns n’en ont pas. Pour ces derniers, ils recevaient des courriers postaux et pouvaient me faire des retours en m’envoyant un courrier. Il est évident que ce biais limite le dialogue. Une autre inégalité est le contexte familial. Des élèves ont une famille qui est disponible pour les soutenir ou au contraire qui ne peuvent pas le faire. Tout particulièrement dans l’enseignement spécialisé, les élèves ont besoin de soutien de la part d’un enseignant ou d’un parent. Il s’avère généralement difficile de travailler de manière réellement autonome et individuelle.
 
Ainsi, l’enseignement à distance avec des consignes a amené à des résultats très distincts. Quelques élèves ont démontré une bonne implication avec une notion de plaisir. D’autres élèves y ont consacré très peu de temps voire pas de temps. Il n’est évidemment pas question de juger les uns ou les autres mais plutôt de faire preuve de compréhension des différents contextes de chacun. Je pense que l’enseignement à distance creuse certaines inégalités entre les élèves. 


Éducation aux médias
 
Au niveau de l’éducation aux médias, il était important pour ma part de faire comprendre aux élèves que lorsqu’ils utilisaient Whats App, application largement utilisée par les élèves pour communiquer avec leurs amis, ils devaient garder à l’esprit que c’était dans un contexte scolaire. Un vendredi soir, un des élèves m’a appelé sur Whats App en appel vidéo groupé. Il était avec un ami à lui. Je n’ai bien entendu pas répondu. Et j’ai repris cet élément avec lui en début de semaine en lui demandant qu’est-ce qu’il s’était passé et en lui disant que ça ne devait pas se reproduire. L’élève en question s’est excusé, m’a dit qu’il s’agissait d’une fausse manipulation mais que ça ne se reproduirait plus. En effet, ça ne s’est pas reproduit.
 
Le recours à la technologie me semble évidemment fondamental aujourd’hui. L’application que nous avons utilisée pour communiquer, c’est-à-dire Whats App, ne me semble cependant pas en adéquation avec une utilisation pour un cadre scolaire. Mais cette utilisation a été dû à la situation urgente du moment et m’a été proposé par un enseignant de classe. A l’avenir, je pense qu’il serait intéressant de discuter avec l’établissement afin de trouver des solutions plus adéquates. 
 
La technologie a permis de garder le lien pédagogique au niveau relationnel et d’avoir une communication relativement fluide. Cependant, j’ai pu constater avec les élèves à besoins particuliers que cet enseignement à distance ne peut pas remplacer un enseignement en présentiel. Les élèves à la fin du travail à distance sont à des niveaux très différents au niveau de l’acquisition des apprentissages de la discipline.