msMITIC 2019

SEQUENCE - RAPPORT REFLEXIF / Continuité pédagogique : enseignement des arts visuels à distance

18.08.2020

Freda Katia avatar. Freda Katia

msMITIC 2019 - Article proposé par Katia Freda (katia.freda@etu.hepl.ch), août 2020

Introduction
 
En stage B dans un établissement primaire et secondaire lausannois, j’ai enseigné en 2019-2020 les arts visuels dans six classes (1x 7P, 2x 8P, 1x 9VG, 1x 10VG, 1x 10VP) pour un total hebdomadaire de dix périodes d’enseignement (40%), réparties sur 3 jours. Je n’ai pas géré l’annonce du confinement et le départ de mes élèves le 13 mars 2020, car j’étais absente depuis 2 jours pour cause de maladie de ma fille cadette. Ils sont donc partis sans matériel ni fournitures particulières pour les AVI.
 
Mon établissement n’a pas pu mettre à disposition des élèves du matériel informatique, car les besoins auraient été trop grands et les ressources trop faibles. Il s’agissait donc pour les enseignants de proposer des tâches qui pourraient aussi être réalisées et transmises via un smartphone car la grande majorité des familles en possèdent, contrairement à l’ordinateur personnel.
 
Les instructions quant à l’enseignement à distance sont rapidement arrivées de ma direction, conformément aux directives du département. L’organisation et la communication avec les élèves ont rapidement et efficacement été mis en place par les maîtres de classe. Pour la file des arts visuels, les consignes ont été : « pas de travail à la maison, les élèves se concentrent sur le premier groupe ». Donc seuls les élèves avec OCOM AVI recevaient officiellement du travail obligatoire. 
 
Durant le premier semestre et jusqu’au fatidique 13 mars 2020, je n’avais encore jamais eu l’occasion d’intégrer l’outil informatique dans mon enseignement. Des projets étaient en gestation dans ma tête, notamment autour de la création d’une étiquette de vin dans ma classe de 10VP. Pour préparer ma séquence, j’avais emprunté l’un des ipad avec stylet dont dispose l’établissement. L’idée était pour moi de prendre connaissance des ressources disponibles, de me familiariser avec les logiciels -SketchBook *, iMovie *, gimp * - avant de demander au département, par l’intermédiaire de mon répondant MITIC, de les déployer sur l’ensemble des postes. L’usage de l’informatiques dans ma discipline AVI est nulle dans mon établissement. L’enseignement des AVI à distance n’a donc pas été coordonné ni organisé avec les médias informatiques. De mon côté, je souhaitais quand même être présente d’une façon ou d’une autre auprès de mes élèves, pour maintenir le lien. Grâce à mon travail accessoire pour les musées lausannois, j’ai rapidement découvert que beaucoup d’institutions et groupements culturels, avaient mis en ligne des activités artistiques et créatives à faire chez soi pendant le temps du confinement. Le département l’a aussi fait comme j’allais le découvrir dans un deuxième temps, par le biais de ma prafo.
 
Mon inspiration était dont toute trouvée : faire un tri dans la multitude d’activités disponibles afin de guider mes élèves sur la toile tout en leur donnant du travail. 
 
 
Anticipation
 
En tant qu’enseignante d’arts visuels, avec un parcours dans la communication et l’architecture, je suis apte à utiliser l’ordinateur au quotidien dans mon travail. Je connais les logiciels de PAO (suite Adobe) que j’utilise régulièrement. J’ai donc naturellement utilisé l’outil informatique pour créer les consignes « classiques » à l’attention de mes élèves. Je ne me suis en revanche pas lancée dans l’enregistrement de vidéo, car je ne maîtrise pas assez la technologie et mon temps était limité à cause de la gestion à domicile en solo de mes deux enfants en bas âge, avec lesquelles j’ai par contre réalisé deux films en Stop motion pour m’exercer toute en les occupant pendant le confinement.
 
Du côté des élèves, aucun nouveau savoir ne devait leur être transmis pendant l’enseignement à distance, il s’agissait donc de recourir à des compétences qu’ils possédaient déjà. J’ai pré-supposé que tous mes élèves étaient aptes à ouvrir un fichier sur une plate-forme communautaire de travail, à cliquer sur un lien, à surfer sur Internet et à réaliser des photos, le tout avec l’aide de leur smartphone. Je n’ai tablé sur aucune compétence informatique spécifique nécessitant un apprentissage et/ou une formation. La réalisation des activités par les élèves pouvait se faire sans outils informatiques spécifiques, hormis l’utilisation de leur smartphone pour produire une trace de leur travail sous forme photographique et la transmettre par le canal de leur choix.
 
 
Pédagogie
 
Je n’ai pas conçu de séquence pour mon enseignement à distance. J’ai proposé des activités rapides et simples à réaliser chez soi sans grand moyen afin de maintenir le lien principalement. Pédagogiquement parlant, je n’ai pas cherché à transmettre mais à motiver mes élèves et à susciter leur curiosité. N’ayant aucun savoir particulier à enseigner, je me suis attribué un rôle que je qualifierais de guide et de rassembleur autour d’une discipline artistique. En effet, je suis d’avis que les arts en général, et l’expression visuelle en particulier, offrent une opportunité d’échappée créative tout à fait salutaire dans des situations particulières et/ou difficiles. Une période de confinement est difficile à gérer au niveau émotionnel, relationnel, familial et personnel. 
 
Les élèves n’ont malheureusement pas été très preneurs des activités AVI proposées. Celles-ci n’avaient pas été annoncées comme obligatoires, ce qui a peut-être joué un rôle dans leur motivation. Néanmoins quelques élèves ont joué le jeu et rendu des photographies documentant leur travail. L’environnement numérique a donc représenté un media de communication plus qu’un outil de production. Tous les élèves qui ont rendu un travail l’ont réalisé de façon « traditionnelle » y compris dans la première activité qui laissait pourtant une liberté totale d’interprétation du thème « Fleurir ensemble » (La grande lessive®). 
 
Les productions des élèves ont été valorisées par le retour formatif que j’ai fait (voir copie écran sms). Je n’ai pas pu publier les travaux en ligne, par manque de ressources et moyens essentiellement. Je n’ai pas souhaité monter une exposition physique (même un simple affichage en classe) au retour en présentiel, car les conditions dans lesquelles l’enseignement a repris après le confinement étaient trop particulières. L’utilisation des réseaux sociaux, type Instagram qui se prête bien à la diffusion visuelle, n’est pas autorisée au sein de l’établissement et il n’existe pas de blog. Il y a en revanche un site web qui est géré par un responsable informatique de l’école. Il semblerait qu’il était en pleine refonte et je n’ai de toute façon pas accès au CMS directement ; le fait d’avoir un intermédiaire est une barrière supplémentaire pour moi, je préférerais pouvoir publier directement moi-même mes contenus. Pour La grande lessive®, j’ai envoyé les travaux pour publication sur le site officiel de l’événement (https://www.lagrandelessive.net), certains élèves ont eu la chance d’être publiés, je les ai alors informés personnellement, les élèves concernés étaient contents.
 
J’ai toujours privilégié le facteur humain, dans la mesure où j’ai systématiquement fait un retour formatif à chaque élève qui m’envoyait son travail. J’ai pu procéder ainsi car je n’ai eu qu’un faible taux de retour. Cet « échec » au niveau de la participation m‘a donné du temps pour une personnalisation de mes retours, régulation bienvenue dans ce cadre d’enseignement à distance où les contacts proches ont manqué.
SEQ-continuite-pedago-retour-formatif-WhatsApp.jpg 1.69 MB
 

Planification
 
Comme indiqué précédemment, l’objectif principal de la continuité pédagogique dans mon enseignement à distance a été le maintien du lien et du sentiment d’appartenance à un groupe et une communauté. Il s’agissait aussi de stimuler la créativité et d’insuffler le plaisir de créer. Je n’avais aucun objectif d’apprentissage nouveau à transmettre, encore moins d’objectif d’évaluation. Mon intention première était d’offrir une bulle créative à des élèves enfermés chez eux avec une majorité de devoirs scolaires classiques à rendre.
 
Le matériel nécessaire à la continuité pédagogique se résumait à du matériel basique de dessin et à un smartphone du côté des élèves ainsi qu’à mon ordinateur personnel du côté enseignant. Pour la diffusion et la transmission de mes consignes, j’ai utilisé l’agenda Teamup ainsi que l’application WahtApp choisie par certains maîtres de classe pour communiquer avec leurs élèves. En effet, les instructions de ma direction étaient de limiter les canaux à ceux officiellement mis en place au sein de l’établissement et par le département. J’ai ainsi découvert des fonctionnalités nouvelles que je ne connaissais pas auparavant pour gérer des groupes sur WahtApp et je me suis très facilement formée à l’usage d’un nouveau calendrier en ligne, j’ai aussi pu raffraîchir mes compétences à utiliser le serveur one-drive. J’ai organisé la transmission de consignes et la réception des travaux d’élève par les mêmes canaux.
 
L’usage du smartphone est généralisé chez tous les élèves, le cas échéant chez leurs parents. Parmi les participants, j’ai eu un seul élève qui devait passer par l’appareil de son père. J’ignore si le smartphone était un problème pour tous les autres élèves qui n’ont pas répondu, mais je ne le pense pas. En effet, la plupart ont répondu et fourni le travail demandé dans les autres disciplines.
 
Sur les deux mois d’enseignement à distance, j’ai proposé deux activités. La première a été proposée dans le courant de la deuxième semaine. Elle était identique pour mes six classes. J’ai choisi d’encourager les élèves à participer à un événement plastique international qui avait lieu le 26 mars, « La grande lessive ® » (voir consigne en p.j.). Cette activité intergénérationnelle et interculturelle me paraissait appropriée pour créer du lien et insuffler un sentiment d’appartenance à un groupe, j’allais moi-même la faire avec mes propres enfants. Dans un deuxième temps, pour accompagner la reprise et me rappeler à la mémoire de mes élèves, j’ai décidé de donner une seconde activité après les vacances de Pâques. Il s’agissait, cette fois, de six consignes différentes (voir les consignes en p.j.) - une pour chacune de mes classes - inspirées des activités développées par la DGEO et mises à disposition sur Teamup pour l’ensemble des élèves vaudois. Ces activités m’ont été transmises par ma prafo qui m’a indiqué pouvoir en disposer librement, je les ai donc modifiées et adaptées à mes besoins et à ceux de mes classes. 
 
Concernant le planning, il n’y avait aucune obligation de rendu. Par contre la date fixe de l’événement La grande lessive®, impliquait un retour à une date précise de la première activité. Quant à la deuxième série d’activités, j’avais suggéré qu’elles soient rendues pour le retour à l’école en présentiel. 
 
Déroulement et évaluation
 
Comme indiqué plus haut, aucune évaluation n’a été réalisée pendant l’enseignement à distance dans mon établissement. Les acquis en AVI sont difficilement qualifiables et quantifiables. Les travaux des élèves constituent des traces de leur implication et de leurs capacités individuelles. J’ai eu deux-trois jolies surprises de la part d’élèves qui se sont « révélés » à distance, mais pour la plupart, j’ai retrouvé mes élèves plutôt égaux à eux-mêmes. Pour la première activité, j’ai reçu les travaux de 17 élèves en retour, sur 121 (14%). Pour le deuxième tour d’activités, j’ai récolté 18 travaux, ce qui représente un taux à peine meilleur.
 
Les travaux d’élèves sont - de manière générale - conformes aux consignes données (voir quelques exemples montés en mosaïque ci-dessous à titre d'illustration). En revanche, j’ai trouvé que très peu étaient véritablement expressifs et originaux. A part un seul élève, déjà connu pour son originalité, aucun n’est sorti de sa zone de confort… Il semble que les élèves n’aient pas su profiter de la grande liberté qui leur était laissée pour ces activités à domicile sans cadre. Ceci me questionne : ai-je vraiment été assez explicite quant à mes attentes, alors que je n’avais pas de moyen de réguler en direct ? Mon questionnement est d’autant plus grand qu’aucune activité n’était destinée à être évaluée, et que les élèves le savaient. Si je devais être amenée à travailler à nouveau à distance, peut-être faudrait-il que je sois plus explicite quant à mes attentes (plus de créativité ou recherche d’originalité, etc.). 
Éducation aux médias
 
En termes d’ergonomie, mon objectif était de contenir mes consignes sur un pdf format A4 portrait, lisible facilement sur un smartphone, imprimable si nécessaire. Je souhaitais y inclure des liens directement cliquables, et offrir différents niveaux de lecture. J’ai aussi souhaité que mes instructions soient illustrées afin de les rendre plus attractives. J’ai délibérément limité les opérations « logistiques » supplémentaires, car je suis convaincue qu’elles représentent un frein ou du moins une barrière pour les élèves.
 
En matière de média informatiques, l’unique action qui était explicitement demandée aux élèves était la réalisation d’une photo pour documenter et restituer leur travail. Dans un seul cas, j’ai fait un retour formatif à une élève sur la manière dont elle avait réalisé sa prise de vue (voir copie écran sms ci-dessous). J’ai commenté son cadrage et expliqué comment elle pouvait faire pour que la photo soit meilleure. La photographie fait en effet partie des notions à aborder dans le PER à travers des concepts tels que point de vue, cadrage, plan large, plan rapproché, etc. J’ai eu le sentiment d’enseigner en donnant ces conseils. 
 
La deuxième série d’activités proposées m’a été utile pour appréhender la question des droits d’auteur dans le monde de l’enseignement, en particulier celui de ma discipline AVI. En effet, il semble y avoir une très forte sensibilité lorsqu’il s’agit de partager des ressources entre collègues, réalité que j’ignorais. D’une part, aucun échange n’a eu lieu au sein de l’établissement. D’autre part, après avoir informé ma prafo du travail que j’avais donné à mes élèves en lui transmettant mes pdf, j’ai eu droit à un commentaire (formatif) en retour. Je n’aurais apparemment pas dû modifier les ressources et les « signer FRK » au risque de froisser des sensibilités d’auteur. J’avoue être un peu tombée des nues car je ne m’y attendais pas du tout. Une piste pour la suite serait de mieux citer mes sources iconographiques et de m’assurer de l’accord des auteurs.
En conclusion, cette expérience d’enseignement à distance était intéressante d’un point de vue pédagogique et relationnel plus que d’un point de vue informatique.  Je me suis rendue compte que le plus difficile à obtenir dans mon enseignement classique, la motivation, reste une difficulté dans un enseignement à distance. La motivation globale des élèves pour les AVI n’est pas beaucoup plus grande en ligne qu’en présentiel…même en utilisant régulièrement les médias numériques (projection d’images ou de vidéo notamment). L’utilisation des TIC par les élèves, comme outil de production par exemple, serait-elle une piste à creuser ? A suivre lors de la mise en œuvre d’une séquence intégrant les TIC l’année prochaine.
 
Katia Freda 11.08.2020