msMITIC 2019

SEQ1 géoportails du canton de Vaud

21.05.2021

Beney Christophe avatar. Beney Christophe


 Contexte:
La géographie, comme discipline, est principalement vue par l'institution scolaire vaudoise et romande comme une science sociale dont les « Visées prioritaires sont :
 Découvrir des cultures et des modes de pensée différents à travers l'espace et le temps; identifier et analyser le système de relation qui unit chaque individu et chaque groupe social au monde et aux autres.
Développer des compétences civiques et culturelles qui conduisent à exercer une citoyenneté active et responsable par la compréhension de la façon dont les sociétés se sont organisées et ont organisé leur espace, leur milieu, à différents moments. » https://www.plandetudes.ch/geographie 
 
Il s’agit d’une vision très réductrice et très orientée de la géographie. En effet, tout le pan de la géographie physique semble totalement ignoré[1]. Les conditions naturelles ne sont vues que comme un substrat n’ayant que peu d’influence sur les individus et l’organisation des sociétés. Avec cette approche du monde et de la société, tout ne serait que construction sociale et il n’y a que très peu d’espace pour la Nature et l’environnement. Cependant les faits sont têtus et, avec les changements climatiques, il devient urgent de reconnaître l’importance de la géographique physique pour réinscrire et évaluer honnêtement les actions humaines. Le programme n’aborde absolument pas le fonctionnement et les perturbations du système «Terre», il s’intéresse surtout aux conséquences des changements. Toute la mécanique et la science des changements climatiques est totalement passée sous silence, comme si les mécanismes physiques n’avaient que peu d’intérêt.
Cependant, on voit une telle méconnaissance et une telle confusion entre les savoirs liés, par exemple aux changements climatiques, à l’énergie et aux ressources naturelles (le nucléaire provoque le réchauffement climatique, l’énergie verte est propre, le trou d’ozone provoque le réchauffement, une alimentation sans viande serait totalement vertueuse pour la nature, pour l’environnement et les humains, etc. ), qu’il serait nécessaire d’agir .
 
Avec cet enseignement, on a gommé le lien physique au territoire. On agit comme si notre vie était désincarnée de notre territoire, de notre environnement physique. Il ne s’agit pas bien évidemment de revenir au déterminisme géographique du XIXème siècle, mais nier l’existence de facteurs environnementaux physiques qui influencent les individus et sur certaines caractéristiques de nos sociétés serait tout aussi réducteur. 
 
C’est donc avec cette volonté de commencer à retisser un lien entre le substrat physique et les individus que j’ai décidé de développer cette séquence, il est vrai, un peu par la bande. 
 
Introduction
Aujourd'hui, la gestion du territoire ne peut pas s'envisager sans l'utilisation d'outils géographiques qui permettent de mettre en œuvre les concepts de base de l'analyse spatiale. Beaucoup de données et d’outils utilisant des concepts géographiques sont à disposition des citoyens, mais ils sont très peu connus. Au niveau fédéral, il existe le site de cartographie https://map.geo.admin.ch/?lang=fr qui propose une multitude de couches d'information sur le territoire suisse. Swisstopo, qui en est l'office responsable, offre aussi des activités autour de ce portail cartographique à destination de l'enseignement https://www.schoolmaps.ch/fr/category/1_enseignement/ ou encore https://www.swisstopo.admin.ch/fr/services/offre-pour-ecoles.html
 
Pour notre part, nous nous proposons de mettre en contact les élèves avec les multiples guichets cartographiques disponibles du canton de Vaud (canton, région, regroupement de communes, communes).  L'objectif est de leur permettre d'expérimenter l'utilisation de données publiques et les outils offerts à tous les citoyens pour initier ce lien avec les éléments physique de leur territoire de vie.  
 
Cette séquence est destinée à une classe de 10 VG en géographie. Elle se développe sur 4 périodes et sur deux semaines (2 heures consécutives).
 
Utilité du numérique : 
Avec le numérique il est possible de superposer des couches d'informations qui influencent des décisions ou des choix liés aux territoires, alors que sous forme papier, il faut juxtaposer les informations, ce qui demande des compétences plus complexes (repères géographiques à partir de données différentes notamment), avec des risques d'erreurs plus grands.
Il permet aussi de mettre en contact les élèves avec des outils et des informations qui sont disponibles pour tous les citoyens, ils peuvent ainsi voir un aspect très concret et pratique de la géographique qui dépasse l'approche plutôt descriptive et sociale de la géographie à l'école.  

Avec le numérique il est possible de fouiller, de faire plusieurs essais, de recommencer, de s’ajuster et de faire des variantes très rapidement. Les données étant très accessibles, les questions des élèves foisonnent car ils découvrent un nouvel univers sous leurs yeux. La multitude de données est particulièrement intéressante, ils commencent alors à poser des questions sur le comment, le pourquoi etc. de ces données. 
 
Les activités proposées sont plutôt situées du côté de la redéfinition des tâches du modèle SMAR de M. Puentedura (2205). En effet, ils doivent combiner des informations de différentes natures pour répondre à des hypothèses ou à des questions de localisation.
 
De plus, les élèves peuvent présenter leurs résultats directement sur l'outil informatique, le portail.
 
Un autre avantage du numérique est d’offrir à l’enseignant la possibilité de répondre directement et visuellement à certaines questions à partir de ces guichets cartographiques. 

Retour d’expérience
Il est fascinant de voir les différences d’aisance entre les élèves lorsqu’il s’agit de s’approprier un nouvel outil numérique. Certains se sentent tout à fait à l’aise, essaient, se trompent, recommencent, furètent, tentent des approches différentes. Ceci a même pu conduire à une forme de distraction, l’objectif étant de visualiser le plus de couches possibles, en perdant de vue les consignes. Pour d’autres, l’approche est beaucoup plus précautionneuse, avec une certaine appréhension de naviguer entre la multitude des couches d’informations. La question de l’utilité de disposer d’autant d’information se pose aussi. 

L’un des éléments le plus remarquable de la part des élèves est leur étonnement face à la multitude d’informations sur leur environnement proche sous une forme numérique disponible à tout un chacun. 

Compétences enseignantes.
Pour mener à bien cette activité il faut avoir soi-même une bonne connaissance du contenu et des outils de ces portails géographiques (géoportail).  En effet, rien n'est plus rébarbatif que de voir l'enseignant chercher un jeu de données pour démontrer un point ou pour illustrer une réponse. 
Il est aussi important que l'enseignant comprenne bien ce que sont les méta-données, elles sont essentielles à la compréhension de ce qu'offre un géoportail en termes de données. Ces informations permettent de connaître la nature, l'origine et la date des données, ce qui est essentiel pour comprendre leur validité et leur pertinence par rapport à la question de base que l'on se pose. 
 
Retour d’expérience
Même si on maîtrise bien les outils de navigation et de présentation des données de ces géoportails, les questions posées peuvent parfois nous mettre en difficulté, même avec les métadonnées. En effet, il est nécessaire de connaître les moyens avec lesquels ces informations sont inventoriées, classées et traitées. Il a fallu que je sois en mesure d’expliquer comment obtenir une carte des pentes, des orientations ou des risques. De plus, les questions ont aussi concerné les caractéristiques des attributs, autrement dit, quelle réalité ces attributs recouvrent. Par chance, avec mon expérience professionnelle de plus de 20 ans dans le domaine des Systèmes d’information géographique et des géoportails, je n’ai pas été pris en défaut, mais ce n’est pas une garantie que cela ne puisse pas arriver. J’imagine donc que pour un jeune enseignant n’ayant pas eu des cours orientés SIG, cette séquence peut-être un exercice intimidant.
 

  Alignement pédagogique
 Objectifs
Pour nous, l’un des objectifs majeurs de cette séquence vise à répondre au SHS 33 — S'approprier, en situation, des outils et des pratiques de recherche appropriés aux problématiques des sciences humaines et sociales, qui précise : en représentant des organisations avec des cartes topographiques et thématiques de différentes échelles, ainsi qu'avec des représentations graphiques de données statistiques.  C'est surtout la partie représentation des cartes topographiques et thématiques de la nature qui nous intéresse ici, et de voir comment cela peut influencer des décisions quant à l'organisation sociale, notamment en termes de localisation d'une activité.
  
Quant à la principale compétence transversale, nous voulons toucher la démarche réflexive. En effet, nous voulons que les élèves, en connaissant la nature de certaines données de géographie physique à disposition, en viennent à réfléchir en termes de localisation en combinant des données de sources et de nature différentes. 

Style pédagogique 
Si l'on se base sur les styles pédagogiques de Sarazzin et al. (2006), notre activité commence par une petite partie demandant une structure élevée et un contrôle important. En effet, il s'agit de présenter les outils et les données disponibles sans lesquels l'activité peut devenir très pénible. Il s'agit d'un encadrement par un mode d'emploi, lequel sera déroulé par l'enseignant. 
 Par la suite, il s'agira plutôt d'une activité demandant une structure élevée, mais un faible contrôle. En effet, il est nécessaire de suivre les façons de faire imposées par l'utilisation du site et de la démarche, mais de laisser une grande liberté dans le choix de la réalisation de l'activité. Ils devront faire appel à leur jugement pour valider leur approche et pour juger de la pertinence des résultats. L'enseignant sera plutôt là pour les encadrer et les motiver.


Sarazzin et al. 2006, Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches  
 
Retour d’expérience
Cette vision, axée sur deux étapes – fort contrôle durant la phase d’apprentissage, puis contrôle plus lâche lors de la phase réalisation -, n’est pas aussi simple. En faisant référence au retour d’expérience quant à l’emploi du numérique, il apparaît que l’aisance face un nouvel outil informatique, hors application de type smartphone, n’est pas une évidence pour tous les élèves de cette génération millénale. La partie de l’activité qui demande un contrôle est plus importante qu’anticipée. Pour ma classe, j’ai expérimenté que près de la moitié des élèves avaient besoin de plus de soutien qu’estimé initialement. Il s’agit principalement ici d’un soutien en ce qui concerne la navigation et la recherche de couches appropriées, et moins pour ce qui concerne la nature des informations.
 
 Évaluation 
La variété des outils et des moyens d'analyse et de représentation varient beaucoup d'un géoportail à l'autre. Notre objectif n'est pas de vérifier le niveau de maîtrise d'un portail spécifique, mais bien plutôt de les initier à l'existence de ces outils de connaissance et d'analyse du territoire. L’important était de vérifier qu’ils avaient pris conscience de l’existence de ces géoportails et de l’attrait de la géographie physique pour la localisation d'actions sur le territoire Nous avons donc décidé d'utiliser cette séquence pour faire un diagnostic quant au niveau de compréhension et de maîtrise des outils géographiques interactifs. Nous voulons vérifier ici qu'ils soient en mesure de sélectionner des données appropriées à partir d’une liste et qu'ils justifient leur choix. Nous demandons aussi quelles autres données non présentes dans la liste fournie pour l'exercice pourraient être intéressantes et pourquoi. L'analyse des réalisations effectuées lors de la séquence (voir "Résultats geoportail.pdf" ci-dessous) nous a permis de comprendre que les aspects de communication liés à la carte ne sont pas perçus.
 
Piste de régulation
Les résultats de l’évaluation ont démontré que les élèves avaient bien compris les concepts de base de la localisation à partir de données disponibles., mais qu'ils étaient totalement indifférents à toute une série d'éléments en lien avec la carte, que ce soit l'impact de la représentation utilisée, la lisibilité de la carte, etc. Il s'agira donc, pour la suite, de faire précéder cette séquence par une séquence qui puisse définir un certain nombre d'éléments clés quant à la cartographie, notamment les faire expérimenter l'impact des couleurs, la lisibilité des cartes, etc.
 
 
Gestion de la classe
Éducation aux médias 
Les informations utilisées lors de la séquence sont des données ouvertes provenant de sources officielles qui favorisent l’utilisation de ces données. Le site de cartographie est lui aussi libre de droit puisqu’il est utilisable à partir du Web. Il est cependant prévu, à partir des métadonnées, de les rendre attentifs à la valeur des informations disponibles (pas de foi publique, années de la collecte des informations, etc.).

Pour ce qui concerne l’ergonomie des documents, une version pour élèves avec des troubles du langage est prévue. Je n’ai pas connaissance d’autres troubles (dyscalculie, ou daltonisme par exemple). Par contre, si tel devait être le cas, je dispose d’outils pour simuler la vision des principaux types de daltonisme qui pourrait me servir au besoin. 

 
Retour d’expérience
Les élèves ont eu de la peine à appréhender la valeur des informations selon leur nature, leurs caractéristiques de collecte, leurs attributs en rapport avec une problématique sélectionnée. Pour eux, ces informations sont le reflet de la réalité et ils portent difficilement un regard critique sur les informations diffusées. La lecture des mises en garde d’utilisation des données les plonge dans le doute : ils ont tendance à réfléchir en mode oui ou non, avec très peu de place pour la nuance. Par exemple, les cartes de risques sont vues comme des cartes que j’appelle Oui/Non, c’est-à-dire ; ici c’est oui, car pas de zones de danger, là c’est non car il y a une zone de danger inventorié, même si ce risque est faible ou soumis à des mesures de mitigation. Tout comme l’évaluation de la véracité d’une information dans les médias s’apprend, cette compétence avec la nature des informations sur les géoportails doit aussi s’apprendre, même s’il s’agit d’informations scientifiques et de référence.
  
Planification
Cette séquence est une activité un peu hors programme en ce sens qu'elle n'est pas directement liée à une thématique du PER. Cependant ces compétences me semblent indispensables à tout citoyen qui se respecte et il est nécessaire de l’introduire assez rapidement dans le cursus. En effet, étant dans un établissement disposant de toute une infrastructure multimédia dans chaque classe, je compte faire appel à tout le potentiel des SIG lors des cours, peu importe la problématique traitée durant l’année. 
 
Retour d’expérience
Avoir prévu de réaliser cette séquence tôt dans l’année est une très bonne idée. En effet, étant dans un établissement disposant de toute une infrastructure multimédia dans chaque classe, je fais appel à tout le potentiel des SIG lors des cours, peu importe la problématique traitée. La richesse des informations disponibles à l’échelle d’un canton se retrouve au niveau national (https://map.geo.admin.ch/ , https://www.geoportail.gouv.fr/producteurs, https://www.geoportal.de/portal/main/ ), international (https://inspire-geoportal.ec.europa.eu/index.html)  et mondial (https://geoportal.dfs.un.org/arcgis/home/) et selon différentes thématiques (https://livingatlas.arcgis.com/fr/browse/#d=2 ). 
Avoir utilisé des informations de géographie physique pour réfléchir aux problématiques de localisation me permet de tenir compte de ces aspects lorsque l’on aborde toute autre question géographique. Le développement d’une approche faisant appel à la combinaison d’informations localisées par couche est riche de potentiel. Cette séquence ne peut être que le point de départ, mais elle n’est pas suffisante pour développer cette approche par combinaison et intersection de couches d’information. 
 
 Quelle organisation dois-je prévoir ?
L’organisation est assez simple. L’école dispose d’une armoire mobile d’ordinateurs portables qu’il suffit de réserver. On peut ensuite amener ces ordinateurs en classe, les connexions Web sont garanties par Wifi. Il faut un ordinateur par groupe de deux personnes. Comme enseignant, je dispose d’un tableau électronique avec un ordinateur branché, ce qui me permet d’être face à la classe et de projeter tout ce qui est nécessaire. Chaque groupe va disposer d’une marche à suivre pour se connecter sur le géoportail, ainsi que d’un document pour les aider et les guider dans la justification de leurs choix cartographiques. 
 
Déroulement
 
Cette séquence se développe sur 4 périodes et sur deux semaines (2 heures consécutives).
Pour cette séquence, le déroulement est le suivant: l'enseignant démontre les principales fonctions du géoportail, notamment comment trouver des données spécifiques et comment utiliser les méta-données. Puis les élèves, à l'aide du guide, accèdent au guichet cartographique vaudois et suivent les instructions fournies (localiser l'emplacement de leur logement et chercher différentes informations à partir de plusieurs thématiques de géographie). Il s'agit pour eux de réaliser une carte qui montre les éléments de géographie physique trouvés. 
Par la suite, ils devront trouver un emplacement pour une construction à partir d'une série de conditions liées aux dangers naturels, à la pente, à l'orientation.
doc geoportail.pdf 945.53 KB
Pistes de régulation
Le fait d’avoir 2 heures consécutives est un avantage certain. Il permet de limiter les moments de régie, que ce soit en début et en fin de cours. Cependant, même avec cette configuration, j’ai sous-estimé la difficulté que pouvait représenter pour certains élèves de se retrouver dans un nouvel environnement informatique. Une partie des symboles utilisés pour représenter des fonctions géographiques (recherche, navigation, affichage, etc.) ne sont pas connus des élèves et créent de l’insécurité, même avec le document d’accompagnement. 
Le document d’accompagnement devrait être plus développé pour faciliter l’entrée dans le fonctionnement du site. 
Il est aussi possible de réaliser cette séquence avec des heures non consécutives, mais il faudrait alors repenser son découpage et certainement ajouter au minimum deux périodes pour tenir compte des aspects de régie et de réadaptation au géoportail et à ses caractéristiques. 
  
Les facteurs de réussite de cette séquence sont que les élèves soient capables réfléchir d'une façon spatiale (superposition des informations, nature des informations disponibles, etc.). 


[1] La géographie physique au programme du secondaire est la suivante : SHS 31 — Analyser des espaces géographiques et les relations établies entre les hommes et entre les sociétés à travers ceux-ci…Explicitation des :
  • conséquences des changements climatiques
  • des enjeux et des conséquences des changements climatiques
Présenter les notions de base de la géographie physique pour l'étude des risques naturels
Choisir pour les changements climatiques des exemples visuellement concrets (désertification, élévation du niveau des mers, fonte des glaciers, migration de la faune, de la flore et des habitants,…) https://www.plandetudes.ch/web/guest/SHS_31/
  

Bibliographie et références
Ruben R. Puentedura (2005)-.  SAMR: A Brief Introduction,   Ruben R. Puentedura’s Blog http://hippasus.com/blog/archives/227
Sarrazin P. & Trouilloud D. (2006). « Comment motiver les élèves à apprendre ? Les apports de la théorie de l’autodétermination ». In P. Dessus & E. Gentaz (éd.), Comprendre les apprentissages, sciences cognitives et éducation, Paris : Dunod, t. 2, p. 123-141.