msMITIC 2019

SEQ : Poésie numérique

03.05.2021

Chloé Revelly avatar. Chloé Revelly

Contexte
Enseignant le français dans une classe de 1C au gymnase de Nyon, j'ai mené une séquence d'enseignement sur la poésie numérique, à travers les oeuvres de Maëlle Perrier, auteure romande publiant sur instagram (https://www.instagram.com/maelle.perrier/)
Lors de cette séquence, les élèves ont dû analyser un poème et en faire une présentation orale. Chaque élève a reçu une feuille de consignes, présentant des éléments spécifiques à analyser. Voici un exemple de consignes et de poème :
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Initialement, je pensais demander aux élèves de créer un powerpoint pour soutenir les présentations orales. Néanmoins, pendant la planification de cette séquence, je me suis rendu compte qu'utiliser un PowerPoint complexifierait la tâche aux élèves, sans apporter une réelle plus-value. Projeter les poèmes au bimer me semble amplement suffisamment pour permettre à la classe de suivre l'analyse de l'élève présentant, simplement. Celui-ci peut pointer les éléments qu'il juge importants du doigt ou avec la souris. J'ai donc décidé de renoncer au powerpoint. Toutefois, je pense que cette séquence poétique s'intègre tout de même dans l'univers des MITIC, puisque le genre que nous aborderons est celui de la poésie numérique.
Aborder un tel genre en cours de français permet d'intégrer l'éducation aux média en classe. Si la dimension instagram rentre déjà tout à fait dans les attentes du PER, car c'est l'occasion de sensibiliser les élèves à la portée réelle de cette application tant sur le plan personnel qu'auctorial (droit d'auteur notamment), je pense que la réelle plus-value d'un tel projet réside dans la sensibilisation des élèves à l'interaction de différents médias. Qu'est-ce que le numérique apporte de plus à la poésie ? Quel est l'intérêt de joindre des images ou animations à un texte ? Qu'est-ce que le poème : le texte ou l'assemblage des différents médias ? Le texte fait-il toujours sens si l'on supprime l'image ou l'animation ? Le poème perd-il du sens si l'on décide de l'imprimer ? etc. Cette séquence permet donc de pleinement tirer parti de l'interdisciplinarité des MITIC et du français.
En outre, lors du déroulement de cette séquence, les élèves ont semblé être particulièrement interpelés par un tel sujet. De par la proximité avec l'application instagram (tous les élèves de cette classe possèdent un compte), cette oeuvre poétique leur a semblé plus accessible et plus parlante que celles d'auteurs classiques par exemple. Par ailleurs, cette classe, étant habituellement très peu motivée et peu active, plusieurs élèves se sont montrés très preneurs et intéressés par ce sujet. Un grand nombre se sont même abonnés au compte de Maëlle Perrier. Certains ont même échangé quelques mails avec l'auteure, après une visite en classe en fin de séquence.

Pour mener à bien cette séquence, en tant qu'enseignante, il me semble nécessaire de maîtriser d'une part la question de la littérature numérique (cf à mon mémoire universitaire : https://serval.unil.ch/lien L'Anthologie poétique à l'ère du numérique), mais également d'être à l'aise avec les ressources numériques du gymnase (https://www.sqily.com/msmitic-2019/skills/2425), car il me semble important de pouvoir accéder à la page instagram de l'auteure pendant les cours (préparation des analyses et présentation orales), mais également de pouvoir projeter au bimer l'oeuvre lors des réalisations, et enfin utiliser le logiciel instagram semble être une compétence nécessaire pour mener à bien cette séquence. 

Alignement pédagogique 
Les objectifs propres au français sont les suivants :  
  • Analyser un texte poétique (PER : Repérer les caractéristiques du style: textuelles, syntaxiques, lexicales, etc., identifier la spécificité de divers types de discours; mettre en situation, analyser, interpréter, évaluer une oeuvre, la confronter avec d’autres dans une perspective synchronique et diachronique )
  • Mettre en rapport la littérature avec d’autres formes d’expression artistique 
  • Présenter une analyse de texte devant une classe (PER : S’exprimer oralement et par écrit,  interpréter de manière personnelle des textes d’autrui; organiser logiquement des informations et des argumentations)

Les objectifs propres aux MITIC sont les suivants :  
  • Evaluer les plus-values du numérique, notamment dans l'interaction entre les différents média (texte, image, animation) (PER : porte une analyse personnelle étayée sur des représentations (images) et des productions médiatiques en général)

Cette séquence sera donc structurée en quatre grands moments :
1. Introduction (4 périodes)
- Découverte et théorisation du genre de la poésie numérique
- Rappel sur le déroulement d'une analyse de texte
2. Temps à disposition aux élèves pour analyser un poème et préparer leur présentation orale (4 périodes)
3. Présentations orales (7 périodes)
4. Rencontre avec Maëlle Perrier : création d'un poème collaboratif numérique
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Ces quatre grands temps comprennent des moments de travaux individuels, collectifs et en groupe.  Il semble important de pouvoir passer par ces différentes étapes afin de favoriser diverses habiletés cognitives, mais également de varier les activités, afin de changer de rythme et éviter la monotonie. En outre, il m'a semblé important de laisser un maximum aux élèves des moments d'appropriation et d'exercices, où ceux-ci sont mis à la tâche; le but n'étant pas de retransmettre des informations mémorisées, mais bien qu'ils puissent analyser une oeuvre par eux-mêmes. Cette habileté cognitive étant assez élevée dans la taxonomie d'Anderson et Krathwohl, les élèves doivent apprendre à l'atteindre, l'introduction a permis de montrer et d'apprendre aux élèves à analyser une oeuvre.
Il a été intéressant de noter que durant la phase de préparation, les élèves sont régulièrement allés sur leur compte instagram pour analyser leur poème et les remettre dans un contexte particulier.
Seules les productions orales ont été sujettes à une évaluation sommative; la production écrite finale (soit le poème collaboratif) avait seulement pour but de les sensibiliser à des processus d'écriture (allitération, rythme, etc.) et valoriser leur créativité. Celle-ci a été par ailleurs beaucoup appréciée des élèves. Les présentations orales se sont quant à elles déroulées dans le respect et l'écoute. Plusieurs élèves ont même régulièrement participé et posé des questions à leur camarade présentant. Ceux-ci ont su oser proposer d'autres pistes d'interprétation et ouvert des débats d'analyse stimulant et intéressant. Cette classe étant jusque-là peu preneuse semble s'être un peu épanouie lors de ces moments de partage, renforçant ainsi leur intérêt, leur estime et leur solidarité.

La grille suivante a permis l'évaluation des élèves :
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Globalement, les résultats sont très bons. Seuls deux élèves n'ont pas eu la moyenne et plusieurs ont eu 5,5 ou 6. L'exercice étant à mon sens difficile, de tels résultats sont révélateurs de l'investissement des élèves. J'aime à croire que le sujet les a motivés. Il est néanmoins aussi à prendre en considération qu'arrivant à la fin de l'année, beaucoup d'élèves de cette classe sont en échec et qu'une certaine pression les a peut-être incités à se mettre au travail. En outre, j'ai souvent pu constater un investissement plus important pour les évaluations orales; une peur de s'humilier devant le reste de la classe joue probablement un rôle.
Si la question de l'interaction des médias ne représentait qu'une partie de l'évaluation, celle-ci a été globalement assez bien comprise des élèves. Ces notes d'une élève lors de la phase de préparation de l'analyse semble bien le montrer :
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L'élève en question a ici bien compris l'importance de l'interaction entre les médias (texte et le dessin).

Gestion de la classe 
La question des droits d'auteurs a été abordée lors de la visite de Maëlle Perrier. Celle-ci leur a parlé des dangers de publication sur internet. Elle a notamment explicité une expérience de plagiat qu'elle a vécu.
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Les documents préparatoires des élèves ont été adaptés aux normes 360° (arial, 12, interligne 1,5), afin de faciliter la lecture pour tous les élèves. Les poèmes, par leur caractère artistique, n'ont en revanche pas pu être adaptés. Ceci n'a pas semblé poser problème aux élèves. S'il y a plusieurs DYS dans la classe, aucune autre affection présente dans cette classe n'aurait pu être handicapante. En outre, les élèves possédaient tous un polycopié imprimé contenant les poèmes, facilitant ainsi la lecture et l'analyse individuelle.

Cette séquence était donc longue et complète, car elle correspondait à l'une des 6 oeuvres à analyser durant l'année. Elle a donc occupé un moment important du semestre. Pour des raisons d'horaire, je ne vois cette classe qu'à raison de deux périodes par semaine. Les moments de présentations étaient parfois longs pour les élèves. Je pense qu'à l'avenir, entre-caler ces présentations avec d'autres moments (français technique par exemple) serait profitable; cela permettrait de changer de rythme. En outre, ayant un peu sous-estimé le temps de préparation, initialement prévu à 2 périodes, la visite de l'auteure est arrivée avant la fin des présentations orales, ce qui était un peu regrettable. 

Comme dit plusieurs fois lors de cet article, cette séquence semble avoir beaucoup plu aux élèves. En outre, elle a permis d'apaiser certaines tensions élèves-enseignants. ça a donc été sur un plan personnel une expérience enrichissante et plaisante. Enfin, j'étais quelque peu sceptique lors de la préparation de cette séquence face à la capacité des élèves à cerner les enjeux entre poésie et numérique, alors que ceux-ci s'en sont finalement très bien sorti.
Lors du déploiement d'une telle séquence, je pense qu'il est nécessaire de vérifier qu'aucun n'élève ne souffre de troubles de la vue, notamment dans la perception des couleurs, car cela pourrait poser d'important problème.
Cette séquence ayant été appréciée des élèves, je pense la réutiliser lors de prochaines années. Cette fois-ci je planifierai en revanche plus de temps pour son application (notamment pour le temps de préparation des élèves). Enfin, lors de cette séquence, l'expression orale des élèves n'a pas été enseignée, car mon PraFo l'a fait durant ses périodes d'histoire. Il me semble important pour une prochaine mise en application d'intégrer dans cette séquence une partie consacrée à l'apprentissage de l'expression orale, si cette dernière est évaluée (afin de respecter un alignement curriculaire).