msMITIC 2019

séquence 2 arts visuels - le rapport entre son et image en vidéo: bruitage

18.06.2021

Colin Raynal avatar. Colin Raynal

CONTEXTE

Introduction
Cette séquence vise à faire travailler les élèves sur les deux composantes principales d’un film : le son et l’image en mouvement, En séparant l’enregistrement du son et de l’image, l’expérience cherche à déconstruire la « magie du cinéma » pour mieux faire prendre conscience aux élèves de l’importance de la mise en scène et du montage. Cette séquence expérimentale s’adresse à des 9 OCOM arts visuels. Les élèves auront auparavant été initiés à la photo, à la notion de cadrage, et à la retouche d’image. Ils auront aussi fabriqué des maquettes d’objets potentiellement utilisables pour être filmées.

Utilité du numérique
La plupart des élèves regardent probablement des vidéos tous les jours, et en produisent sans doute un certain nombre, mais ils n’ont jamais été formés à la grammaire de l’image. Bien qu’occupant une place centrale dans le domaine visuel de nos jours, la vidéo reste peu enseignée au secondaire 1, sans doute par peur du défi qu’elle représente en terme de technique et de gestion de classe. Il existe pourtant des moyens simples pour faire des films en classe, comme le montre des initiatives pédagogiques comme pocket films – empathie élaborée par Serge Tisseron, Benoît Labourdette et Sonia Winter (depuis 2018). De plus, la question du son semble souvent passer au second plan, alors que la bande sonore est tout aussi importante que l’image. Même si le son n’entre pas vraiment dans le champ des arts visuels tel que défini par le Plan d’Etude Romand, il a de fait largement fait son entrée dans les pratiques artistiques contemporaines depuis certain décloisonnement des disciplines et des artistes comme John Cage.

Retour après expérience
Cette séquence s’est plutôt bien déroulée. J’ai trouvé intéressant d’aborder la question du son et de l’image avec les élèves, d’autant plus qu’il s’agissait d’une classe d’OCOM, et donc d’un cours à visée professionnalisante. Les vidéos ont été tournées avec des téléphones ou des appareils photos compacts, et les sons enregistrés avec des téléphones ou des dictaphones. L’ensemble de ses outils permettait une prise en main rapide. Par contre, il m’a semblé que l’activité avait du mal à faire sens chez certains, et qu’il aurait été utile de se tourner vers un but plus précis et moins abstrait que « filmer une action et la sonoriser », par exemple en ayant une vraie séquence de film à sonoriser, ou en tournant une séquence plus narrative.

Compétences enseignantes
L’enseignant-e doit maitriser les bases de la vidéo : prise de vue, prise de son, montage.
Idéalement, les élèves doivent auparavant avoir été initiés à la notion de cadrage, avoir l’habitude de travailler en groupe, et doivent faire preuve d’un minimum d’autonomie et de sens de l’initiative.

ALIGNEMENT PÉDAGOGIQUE

Objectifs
La séquence touche de nombreux objectifs du Plan d’Etude Romand. Les principaux objectifs sont les suivants :

Objectifs en arts visuels :

A 31 AV — Représenter et exprimer une idée, un imaginaire, une émotion, une perception dans différents langages artistiques…
1 …en inventant, produisant et composant des images librement ou à partir de consignes
4 …en participant à une création collective
5 …en utilisant diverses technologies de traitement de l'image

A 32 AV — Analyser ses perceptions sensorielles…
1…en exerçant son regard pour restituer des volumes, des motifs, des rythmes, des couleurs, son environnement
5…en prenant en compte les différentes formes de langage visuel 
7…en distinguant le langage des images fixes ou mobiles

A 33 AV — Exercer diverses techniques plastiques…
1 …en utilisant des techniques audio-visuelles et numériques

A 34 AV — Comparer et analyser différentes œuvres artistiques…
8 …en prenant conscience de la multiplicité des formes d'expression artistique
7 …en exerçant une démarche critique face aux œuvres et aux phénomènes culturels actuels, en recourant à un vocabulaire adéquat et spécifique

Objectifs MITIC :

FG 31 — Exercer des lectures multiples dans la consommation et la production de médias et d'informations…
5 …en identifiant les différents médias, en distinguant différents types de messages et en en comprenant les enjeux
2 …en analysant des images fixes et animées au moyen de la grammaire de l'image

Capacités transversales :

La séquence développe principalement la collaboration, la communication et la pensée créatrice, mais aussi les stratégies d’apprentissage, la pensée créatrice et la démarche réflexive.

En outre, la séquence vise à développer l’autonomie des élèves, et à les valoriser en les faisant produire un objet visuel et sonore destiné à être regardé par toute la classe. Je cherche aussi à développer leur capacité d’écoute : quand on parle de son, les silences sont tout aussi importants que les bruits, et il faut apprendre à écouter les autres et à se taire pour s’extraire du brouhaha ambiant.

Style pédagogique
Dans cette séquence, les élèves sont d’abord guidés, puis ils bénéficient d’une liberté d’action de plus en plus grande. Ils commencent par travailler de manière individuelle avant de travailler par petits groupes. Ils doivent faire preuve d’autonomie et de collaboration.
L’enseignant prend en charge l’amorce du cours, puis guide les élèves dans leurs réalisations. Enfin, il commente et discute des résultats avec les élèves.
Au fil des cours précédents, une relation de confiance a été établie, une grande autonomie est laissée aux élèves, et une logique d’atelier a été mise en place : les élèves sont libres de se déplacer pour chercher du matériel, et travaillent de manière autonome dans la mesure du possible. Il sont parfois autorisés à sortir de la classe pour aller chercher du matériel ou prendre des photos.

Retour après expérience
Certains élèves ont eu du mal à mettre à profit l’autonomie qui leur a été laissée, malgré le fait que cette compétence ait été travaillée depuis le début de l’année. Les élèves ont aimé pouvoir sortir de la classe, et cela semble avoir encouragé leur créativité. La collaboration entre les élèves a plutôt bien fonctionné, et les groupes se sont parfois entraidés. Des consignes plus cadrantes pour le projet final auraient peut-être permis d’arriver plus rapidement à un résultat satisfaisant. J’ai parfois dû être plus directif avec certains élèves en difficulté, et j’ai donné des exemples sur les manières possibles de procéder.

Évaluation
Cette séquence ne fait pas l’objet d’une note. Par contre, le visionnement des vidéos réalisées à la fin de la séquence permet de revenir sur les apprentissages effectués, et de discuter collectivement des résultats, dans un esprit critique et bienveillant. 

Présentation des résultats
Les vidéos de bruitage produites lors de cette séquence sont visibles ici :
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Comme on peut le voir sur cette vidéo, l’exercice a plutôt bien fonctionné, puisque les élèves ont créé des bruitages pour différentes actions.
L’évaluation était formative, mais n’ayant pas vraiment opéré d’évaluation diagnostique en premier lieu, il m’est difficile de noter à quel point les élèves ont progressé dans les apprentissages. Les élèves ont pris connaissance du métier de bruiteur et de l’importance des bruitages. Ils ont utilisé des objets de manière inhabituelle pour produire des sons, et ils ont appris à faire une prise de son et à cadrer une courte séquence filmée de manière relativement spontanée. Ils ont dû fournir un effort de conceptualisation important pour déconstruire le rapport image/son, en imaginant des nouveaux sons qui collent aux images. Il a parfois fallu les guider dans cet effort de déconstruction. L’objectif global d’explorer le rapport image/son a été atteint, mais on pourrait aller plus loin, par exemple en superposant les pistes sonores, ou en ajoutant de la musique en plus des bruitages.

GESTION DE LA CLASSE

Éducation aux médias
Plutôt que de perdre du temps à apprendre à utiliser des outils professionnels, l'idée de cette séquence d’introduction est d’utiliser des outils simples et intuitifs pour mieux se focaliser sur ce qui est produit. Les élèves peuvent ainsi utiliser leurs smartphones pour réaliser des vidéos et enregistrer des sons. Se faisant, ils apprennent à utiliser des outils quotidiens d’une manière différente et plus réfléchie.

Retour après expérience
Les élèves ont eu de la facilité à utiliser les outils numériques. Ils n’avaient jamais utilisé de dictaphone, mais ils l’ont vite pris en main. Par manque de temps, la phase de montage n’a pas vraiment pu être abordée, mais on a pu effectuer des premiers tests en jouant la vidéo d’un côté le son de l’autre. En écoutant les sons, on se rend compte de la difficulté à avoir le silence requis pour enregistrer des sons proprement. Pour y remédier, l’idéal serait d’utiliser une salle libre comme studio d’enregistrement. Les élèves ont eu d’avantage besoin d’être guidés pour créer les bruitages, une pratique sans doute inhabituelle pour eux. Imposer quelques objets avec lesquels créer les sons permettrait peut-être paradoxalement une plus grande inventivité de la part des élèves.

Planification
La séquence s’adresse à une classe de 10 élèves de 9 OCOM arts visuels. La séquence s’insère dans la suite d’un programme commencé depuis le début de l’année qui vise à aborder différents aspects des arts visuels et à aller plus loin que le cours ordinaire d’arts visuels. Les élèves ont d’abord fabriqué des objets en trois dimensions, puis ils les ont mis en scène pour les prendre en photo dans différents décors et selon différents cadrages. Les photos ont ensuite été retouchées sur l’ordinateur. Il s’agit désormais d’aborder l’image en mouvement et le son. Pour cela, les objets précédemment fabriqués pourront à nouveau être utilisés.
Au vu du programme annuel, la séquence se veut une simple introduction à la pratique du son et de l’image, et se déroule sur 4 périodes.

Matériel à prévoir : les élèves peuvent utiliser leurs smartphones. Il est aussi possible d’utiliser des petites caméras (ou des appareils photo) ou des dictaphones. Une petite salle adjacente sera utilisée pour la prise de son. Il faut prévoir un beamer pour les projections.

Déroulement

Phase 1 : amorce
Les élèves sont sollicités de la manière suivante : l’enseignant leur présente un clap de cinéma. A quoi cet objet sert-il ? Pourquoi a-t-on précisément besoin de l’image et du son du « clap » ? Le clap sert à synchroniser le son et l’image au montage. En effet, traditionnellement, le son et l’image sont enregistrés sur des bandes différentes, si bien qu’il faut les synchroniser après coup pour avoir le bon bruit au bon moment.

Phase 2 : bruiteur, tout un métier
Visionnage d’une courte vidéo montrant un bruiteur pour le cinéma au travail. Divers objets sont utilisés pour créer l’illusion d’un son réel. Par exemple, deux moitiés de noix de coco servent à recréer le bruit des pas d’un cheval. Les élèves prennent conscience de l’ajout de sons sur certaines séquences. 

Phase 3 : feuilles musicales
A notre tour d’explorer le potentiel sonore des objets. D’abord avec un objet emblématique d’une classe d’arts visuels : la feuille de papier. Chaque élève se munit de quelques feuilles de brouillons, qu’il-elle doit « recycler » en son. Le papier peut être froissé, déchiré, plié, effleuré… Les élèves explorent plusieurs possibilités.

Phase 4 : mise en commun
Chacun doit élaborer un son particulier avec la feuille de papier, puis les élèves se réunissent en cercle avec leur « instrument ». Une fois le silence établi, l’enseignant-e joue les chefs d’orchestre en désignant des élèves pour qu’ils produisent leur son. Les élèves écoutent ainsi toute une gamme de sons possibles, et découvrent des combinaisons possibles de son.

Phase 5 : objets détournés
Les élèves explorent librement le potentiel acoustique des objets à disposition.
Option A : apporter une série d’objets qui ne servent normalement pas à faire de la musique : fouet de cuisine, râpe à fromage, cuillère, feuille morte, caillou, papier d’alu…
Option B : travailler uniquement avec les objets disponibles dans la classe : ciseaux, règle, clavier d’ordinateur, trousse, tabouret, pinceau, craie…

Phase 6 : mise en commun
Après la phase d’exploration, les élèves choisissent un son particulier à faire écouter à leurs camarades. En cercle, les élèves écoutent et produisent leurs sons les uns après les autres. L’enseignant-e lance la discussion : ce bruit ça vous fait penser à quoi ? Et celui-ci ?

Phase 7 : exercice principal : sonorisation de courtes vidéos
Maintenant que les élèves ont exploré le potentiel sonore des objets, ils vont devoir jouer avec en y ajoutant la vidéo. Les élèves travaillent par petits groupes. Ils peuvent utiliser leurs téléphones (en mode avion) pour filmer et enregistrer des sons. Des appareils photos et des dictaphones sont aussi à disposition. La consigne consiste à sonoriser des actions simples.
Option A : les élèves filment une action simple : quelqu’un qui marche, une porte qui claque, un sac qui s’ouvre… Ensuite, ils sonorisent les films en enregistrant un son.
Option B : ça peut aussi marcher dans l’autre sens : les élèves produisent un son qui fait penser à quelque chose, et filment l’action en conséquence.
Les sons peuvent soit être enregistrés, soit les films peuvent être sonorisés en direct, comme à l’époque du cinéma muet.
L’enseignant-e passe d’un groupe à l’autre, aident les groupes qui sont bloqués, poussent les élèves à aller plus loin.
Dans le cas présent, les élèves auront des objets qu’ils ont réalisés en papier mâché (chaussure, cactus, avion, couteau…), ça sera donc une occasion d’essayer de produire quelque chose avec ces objets.

Phase 8 : mise en commun des résultats : présentation à la classe
Chaque groupe réfléchit à la manière de présenter ses créations. Faut-il projeter au beamer, montrer sur un ordinateur, sonoriser en direct ou lancer le son et l’image de manière séparée et synchronisée ? Chaque groupe introduit son projet et présente le résultat. L’enseignant-e mène ensuite la discussion avec un regard critique et bienveillant. Que crée le décalage avec la réalité (effet comique, amplification, absurdité…) Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui fonctionne moins bien ? Comment pourrait-on développer le projet ?

Phase 9 : débriefing
En conclusion, discussion avec les élèves : qu’est-ce que les élèves ont appris ? Quelles étaient les difficultés rencontrées ? Comment pourrait-on donner suite au projet ?

Retour après expérience
Globalement la séquence s’est bien déroulée. J’ai senti que les élèves étaient parfois déstabilisés par les propositions d’exercice, mais ils ont aussi pris un certain plaisir à explorer cette dimension sonore. Par manque de temps, la séquence s’est déroulée sur deux périodes au lieu des quatre initialement prévues. Toutefois la structure de la planification a pu être conservée. Simplement, la phase de montage n’a pas pu avoir lieu (j’ai effectué le montage après coup), et la discussion avec les élèves a dû être écourtée. Comme évoqué plus haut, la proposition de « filmer une action et la sonoriser » qui me semblait simple était peut-être un peu abstraite pour les élèves, l’action étant un peu prétexte, et il est toujours mieux d’utiliser les MITIC avec un objectif précis en tête. On pourrait imposer une séquence à sonoriser, ou sonoriser une séquence narrative produite par les élèves. La liberté laissée aux élèves est à la fois un danger et un point positif de cette séquence. La phase des feuilles musicales n’a pas très bien fonctionné. Les élèves ont eu du mal à s’écouter les uns les autres et à prendre l’exercice au sérieux. Peut-être que leur laisser choisir des objets différents aurait permis une meilleure implication de leur part. Cette séquence était gérable car les élèves étaient peu nombreux.
En plus de travailler avec les MITIC et de développer des compétences en arts visuels, les élèves ont travaillé sur la collaboration, l’écoute et l’autonomie.