msMITIC 2019

Séquence Création de quiz «  Kahoot » par les élèves

20.01.2021

Sonia Gomez avatar. Sonia Gomez

  1. Contexte

J’enseigne depuis cette rentrée scolaire (août 2020), l’OS d’italien dans une classe de 11ème. Lorsque j’ai repris la classe, j’ai été surprise par leur manque d’initiative lors des interactions orales. En effet, ils comprennent très bien la langue de Dante tant à l’oral comme à l’écrit. Cependant, dès qu’il est question de s’exprimer oralement, je me trouve face à des élèves pétrifiés dans le silence. C’est pourquoi j’ai cherché par tous les moyens à les inciter dans les divers échanges de communication orale (soit entre eux, soit avec moi).
 
La question est donc de diversifier les méthodes d’apprentissage et surtout de les mettre au centre de ce dernier. Je souhaite réellement qu’ils en soient le moteur. 

D’autre part, une des grandes problématiques rencontrées entre la théorie dispensée par la didactique des langues secondes et la réalité du terrain est la question du vocabulaire. En effet, il nous est préconisé que les élèves ne « devraient » pas apprendre leur vocabulaire par liste pour un jour donné. En effet, pour ledit jour du test, les élèves intègrent par coeur les mots, puis les oublient dans la journée voire dans la semaine. Pour pallier à ce décalage, entre ce qui est préconisé et ce qui est demandé sur le terrain (par imposition de ses collègues ou des Prafo), j’ai eu à coeur de trouver une manière afin que les élèves puissent apprendre leur vocabulaire d’une manière proactive. 

Après avoir utilisé dans divers thèmes (lecture, vocabulaire, compréhension orale) le Kahoot dans la classe, j’avais comme objectif que eux-mêmes soient créateurs d’un questionnaire pour leurs camarades. De cette manière, ils apprennent leur vocabulaire en utilisant les mots à disposition mais dans une perspective active, puisqu’ils doivent formuler les questions, mais aussi réfléchir aux diverses possibilités proposées à leurs camarades. 

Utilité numérique

Pourquoi Kahoot? En effet, l’utilisation de cette plateforme est assez simple, presque intuitive. De plus, le graphisme du questionnaire Kahoot plaît énormément aux élèves. Il est très concret. Ils se sont très vite habitués au concept.  J’ai tenté de faire un autre questionnaire sur Quizziz, mais les élèves de cette classe étaient moins friands. De plus, il est tellement facile de se connecter aux questionnaires Kahoot avec le téléphone portable des élèves. Ceci ne prend pas beaucoup de temps et permet donc à l’enseignant d’intégrer un questionnaire sans devoir mettre en place toute la procédure de réservation du matériel informatique. 

Kahoot donne aussi à la fin de l’utilisation du questionnaire une évaluation des réponses récoltées. On peut donc de manière instantanée connaître les élèves qui ont compris la matière et ceux qui ont encore besoin de soutien. En outre, le caractère un peu ludique voire compétitif re-dynamise la classe. Les élèves se trouvent dans une posture active et montrent une plus grande motivation. Il est donc intéressant de varier les modalités d’enseignement, mais aussi le rythme. L' enseignant peut se mettre en retrait pour laisser les élèves être actifs. En ce qui concerne le modèle SAMR, si l’activité (quiz) est créée par l’enseignant, nous nous trouvons dans une approche pédagogique de l’ « amélioration » et s’insère dans l’étape de l’ « augmentation ». En d’autres termes, l’activité ne change pas les contenus (il n’y a donc pas de «transformation») . 

Dans un deuxième temps, la création d’un Kahoot par les élèves eux-mêmes complexifie donc la tâche et la porte vers une approche de «transformation», plus précisément dans l’étape de la « modification ». En effet, la technologie oblige les élèves à reconfigurer la tâche. Ils ne doivent pas seulement apprendre leur vocabulaire et répondre à des questions. Ils doivent surtout acquérir les mots (le sens et l’usage) pour « créer » leur propre questionnaire et ainsi proposer aux autres camarades un questionnaire élaboré et réfléchi. 

Retour après expérience:
De manière générale, le Kahoot a toujours apporté une nouvelle dynamique de classe. Les élèves sont plus preneurs et actifs. Ils se prennent au jeu et ont plaisir à participer de manière commune à une activité scolaire. Parfois, ils sont tellement pris par l’ambiance qu’ils disent des mots en italien entre eux ou tout simplement osent poser des questions en italien à la suite d’une question incomprise. L’ ambiance de classe silencieuse que je déplorais au début se transforme grâce à cette atmosphère détendue. 

D’autre part, ce qui m’a le plus motivée a été de les voir dans la phase de conception du quiz. En effet, j’ai apprécié tout le travail d’acquisition du vocabulaire de manière proactive entre eux. Se mettre par groupe de 3 a favorisé la collaboration et l’échange. L’ apprentissage n’était plus seulement question de mémorisation, mais bien de compréhension du mot par l’usage. Ils doivent donc élaborer des phrases personnelles, imaginer des réponses possibles pour piéger leurs camarades. 

Compétences enseignantes
Pour mener à bien cette activité, j’ai pris le temps de créer plusieurs Kahoot. C’est donc une étape importante de familiarisation de l’outil et de ses fonctions. Il faut aussi bien s’assurer que chaque élève puisse se connecter au questionnaire pour participer (par exemple: leur demander d’amener leur téléphone portable pour telle leçon si les Ipad ne sont pas disponibles par exemple). Le questionnaire doit être bien élaboré et réfléchi, car il doit proposer un niveau de difficulté accessible pour tous, mais en même temps apporter un certain challenge afin que les élèves ne décrochent pas. Il faut aussi être attentif à l’ambiance de classe. S’assurer que l’activité produise le niveau d’intérêt favorisant la motivation et non pas que cette dernière mène les élèves dans un état d’excitation incontrôlable. 



  1. Alignement pédagogique

Objectifs du PER

Objectifs disciplinaires travaillés (éléments de progression du PER):
Italien 36 – Observer le fonctionnement de la langue et s’approprier des outils de base pour comprendre et produire des textes...en découvrant et en s’appropriant les principales régularités de construction et de fonctionnement du mot, de la phrase et du texte.
 
Objectifs MITIC travaillés (y compris éducation aux médias): Utilisation d'un environnement multimédia -> Repérage et utilisation autonomes de ressources numériques d'apprentissage (moyens officiels, didacticiels disciplinaires, outils d'aides en lignes, devoirs électroniques,…).

Objectifs transversaux travaillés (FG/CT): 
D’une part, ils sont dans une démarche réfléxive, puisqu’ils doivent eux-mêmes faire des liens avec leurs connaissances et formuler des hypothèses pour de potentielles propositions. Ils ne sont pas seulement les récepteurs d'un quiz, mais surtout les « créateurs » de celui-ci. Pour effectuer la tâche, ils sont obligés de collaborer et de communiquer entre eux. Le travail de groupe les pousse à se mettre d’accord sur le produit à soumettre à la classe.

Style pédagogique
L’ enseignant a servi de guide pour les premières approches de Kahoot. Les quiz proposés précédemment constituent des exemples pour l’élaboration de leur propre questionnaire. Lors de cette activité de création de questionnaire, l’élève se trouve au centre de l’apprentissage, puisqu’il est lui-même responsable de l’activité proposée au reste de la classe. L’ enseignant joue donc le rôle de guide, d’accompagnant ou de conseiller. Il dirige les élèves sur l’outil informatique proposé, il répond aux questions soit d’informatique soit de la langue et peut parfois motiver ou suggérer des propositions lorsqu’ils se trouvent coincés. 

Ce processus incite donc les élèves à être plus autonomes et à développer des compétences personnelles pour élaborer une activité numérique seuls, c’est-à-dire entre pairs. L’ enseignant ne constitue qu’une ressource possible dans l’environnement des élèves. 

Retour après expérience:
Les élèves avaient déjà eu contact avec Kahoot. Il n’a pas été difficile pour qu’ils se connectent (Wifi de l’école) et qu’ils aillent sur la page. Ils ont de suite insérer le numéro du quiz généré par la plateforme. Ce sont des élèves consciencieux et sérieux ce qui ne m’a donné aucun problème quant au matériel à avoir (téléphone portable). De plus, ils sont toujours très réceptifs à ce genre d’activité qu’ils considèrent comme un cadeau. Je n’ai donc pas eu de souci avec une ambiance de classe trop bruyante ou dissipée. 
A la fin de cette activité, ils ont témoigné leur satisfaction de pouvoir manipuler eux-mêmes l’application. De plus, le challenge était d’autant plus grand, car ils voulaient créer un questionnaire assez difficile pour mettre leurs camarades en difficulté et ainsi leur montrer qu’ils devaient mieux apprendre leur vocabulaire. La régulation de l’apprentissage s’est donc faite entre pairs.

Evaluation
Cette évaluation se veut diagnostique. En effet, il n’est pas question de mettre une note (sommative), mais bien d’identifier quels mots les élèves ne connaissent pas et surtout pour quels élèves faudrait-il revoir le vocabulaire. D’autre part, pour le groupe qui élabore le Kahoot, il est aussi question d’une évaluation formative puisqu’ils acquièrent le vocabulaire à travers l’usage même de celui-ci dans une activité spécifique. 

Illustration des résultats

Voici donc les résultats pour le Kahoot sur la lecture suivie:

Capture d’écran 2021-01-14 à 18.44.01.png 91.88 KB





  1. Gestion de la classe

Education aux médias
Pour préparer ce projet, je me suis intéressée à l’environnement numérique du travail, mais aussi à la ludicisation et la gamification tout en intégrant des quiz numériques pour l’apprentissage d’une L2. 
En ayant intégré ces outils dans mon enseignement, j’ai pu constater que les élèves étaient motivés et que cela donnait une nouvelle dynamique à l’apprentissage. Comme expliqué plus haut, je souhaitais que l’apprentissage du vocabulaire soit une tâche proactive dès le départ et le fait d’élaborer eux-mêmes les quiz les oblige à acquérir le sens des mots avant même de les mémoriser. Voici un exemple de Kahoot créé pour les élèves dans le cadre d’une activité de compréhension écrite (lecture suivie d’un livre):


C’est pourquoi j’ai assez vite présenté les outils numériques nécessaires pour la création des quiz: Kahoot, pixabay.com (pour les images libres de droit et gratuites à télécharger).
Les élèves ont de suite adhéré à l’expérience et j’ai été surprise par leur facilité à découvrir la plateforme Kahoot. Après l’inscription et la mise en route de départ, ils ont de manière assez intuitive démarrer la création du questionnaire. 

Planification

Planification du matériel nécessaire
Les élèves viennent avec leur manuel d’italien où se trouve leur vocabulaire. 
En ce qui concerne le matériel informatique, il est nécessaire de réserver la ressource informatique (par exemple: la valise d’iPads), mais aussi une salle libre. En effet, la valise d’iPads est située dans un autre bâtiment que celui de la classe habituelle. Pour éviter de devoir aussi réserver un Beamer, lors de ces séances de création des questionnaires, j’ai photocopié la marche à suivre pour démarrer sur la plateforme Kahoot. 
Pour les séances de jeu, je n’ai besoin d’aucun matériel très spécifique. En fait, leur classe habituelle est équipée d’un tableau blanc interactif et d’un Beamer. Il est juste important de leur rappeler d’amener leur téléphone portable.

Retour après expérience: 
L’accès au matériel informatique peut parfois être problématique, car d’autres classes ont déjà réservé les différentes ressources à disposition. Néanmoins, je trouve important de mettre l’élève au coeur de leur apprentissage et de les laisser explorer ces outils numériques. Ils acquièrent ainsi des nouvelles compétences informatiques et surtout ils peuvent s’auto-former. Il est fréquent de voir des élèves plus compétents informer et conseiller ceux qui n’ont pas autant de compétences. 

Déroulement
La séquence suivante s’intègre dans le cursus traditionnel à merveille. En effet, le contenu des Kahoot sont en lien avec le vocabulaire du moment ou bien sur un sujet qui est travaillé (grammaire, expressions orales, etc.). 
La dynamique de création donne un nouveau souffle dans le processus d’apprentissage. En d’autres mots, l’élève est acteur dès le départ dans le processus d’acquisition du vocabulaire. L’élève doit donc comprendre les mots pour élaborer le questionnaire. De plus, ils doivent aussi imaginer des réponses possibles pour mettre en difficulté leurs camarades. Au moment du jeu, les élèves responsables de la tranche de vocabulaire en question sont déjà experts. Ils réalisent donc qu’en manipulant le matériel ils ont déjà investi la matière. 
Pour ces premiers Kahoot, je les ai laissés libres pour les paramètres du questionnaire et je leur ai demandé de créer au moins 15 questions par questionnaire. 

Première leçon:
  1. 5’ Accueil de la classe. Présentation de l’objectif: création d’un questionnaire en lien avec un thème travaillé en classe. Explication de différents moments de la séquences: création des groupes, détermination du thème du questionnaire, présentation de la plateforme Kahoot et création d’un compte et prise en main du matériel numérique (manipulation et exploration).

  1. 5’ Création des différents groupes. Comme c’est une classe peu nombreuse, j’ai proposé de faire des groupes de 2 ou 3.
  2. 5’ Discussion par groupe du thème choisi pour le questionnaire (vocabulaire, grammaire, lecture, culture).
  3. 5’ Distribution des iPads et des marches à suivre pour la création d’un compte Kahoot.

https://drive.google.com/file/d/1ym600EkU3SAXs7IZUQxkMf5tLT5Ybiq-/view?usp=sharing

4. 10’ Création par groupe d’un compte Kahoot. L’enseignante reste à disposition pour les diverses questions
5. 10’ Prise en main de la plateforme et essai de questions (choix multiples, vrai/faux), insertion de photos (pixabay.com)
6. 5’ Sauvegarde de leur questionnaire et rangement du matériel informatique emprunté. Mise en place de la classe et salutations.


Deuxième leçon:
  1. 5’ Accueil de la classe. Reprise de l’objectif de la leçon du jour: finaliser le questionnaire. Demande aux élèves sur leurs éventuelles questions.
  2. 5’ Distribution des iPads et formation des groupes.
  3. 20’ Elaboration des questions et des potentielles réponses, création du Kahoot. L’enseignante répond aux questions de contenu.
  4. 5’ Sauvegarde de leur questionnaire, partage de leur création avec l’enseignante et rangement du matériel informatique dans la valise.
  5. 5’ Mise en commun: retour sur leurs expériences personnelles, difficultés, intérêt et motivation autour de cette approche numérique.



Leçons suivantes: 
Lors des leçons concernées par le thème choisi, l’enseignante invite le groupe à mettre en marche leur questionnaire et à le partager avec leurs camarades. En effet, si le sujet est le vocabulaire, l’enseignante demandera à tous les élèves d’apprendre leur vocabulaire pour une date précise. Ce jour-là, le groupe en charge de cette tranche pourra donc animer le moment. 

Voici donc un des questionnaires créés par trois élèves de la 11VP3:

https://create.kahoot.it/share/vocabolario-da-dayane-sara-e-acelya/4310c3ae-410d-4003-ad84-1756a9b29a58

Retour après expérience:
Après cette séquence didactique, j’ai été conquise par la démarche. En effet, j’ai été surprise par le niveau de collaboration et coopération entre les élèves. Chacun s’est investi avec ses compétences et a aidé son voisin. C’était intéressant de voir que l’élève plus à l’aise en informatique guidait volontiers ses camarades et celui qui avait de meilleures compétences langagières expliquait avec entregent les subtilités de certains mots et de leur usage. 

  














En reprenant cette classe en cours de route, car ils ont eu une autre enseignante en 9H et en 10H, j’ai malheureusement pris acte de leur manque de participation active au niveau de l’échange oral. De plus, je peinais à comprendre pourquoi les italophones (4 dans la classe) ne partageaient pas leurs connaissances. Ils restaient en retrait et n’osaient pas intervenir pour enrichir les échanges. Dans cette nouvelle dynamique, j’ai apprécié l’apprentissage dialogique qui s’est installé. Le rôle de chaque élève est devenu totalement naturel et l’enseignante n’était que là comme animatrice ou comme conseillère pour certaines propositions. 
Finalement, le questionnaire servait donc comme évaluation diagnostique. Chaque élève était à même de savoir de manière autonome s’il avait bien appris son vocabulaire. Le petit challenge donné par l’enseignante (gain d’une récréation pour le gagnant) apportait un relief supplémentaire à leur investissement. Ils ont montré un plaisir non dissimulé d’apprendre leur vocabulaire d’une autre manière, moins sommative et rébarbative. 


Bibliographie

  • Bonvin, G., Sanchez, E., & Gonçalves, C. (2019). Ludicisation de la gestion de classe avec Classcraft : une étude empirique. In J. Broisin, E. Sanchez, A. Yessad, & F. Chenevotot (Eds.), Actes de la conférence EIAH 2019 Paris. Site de l’événement: Actes.

  • Delamare, P. (2007). La mobilisation des élèves ? ERES, Enfant et Psy. 2007/1 No 34, (pp. 134-143), C. (1969). Comparison of reinforcement and test trials in pairedassociate learning.  Journal of Experimental Psychology, 81, (pp. 600–603).

  • Levy, A. (2017). SAMR, un modèle а suivre pour développer le numérique éducatif.  Technologie: Techno sans frontière, 206.