msMITIC 2019

Séquence 2 - Cartographie interactive collaborative sur les migrations

12.06.2021

Lucas Martinez avatar. Lucas Martinez

Contexte 

Introduction

Cette séquence se déroule dans le cadre du thème des migrations du cours de Géographie de 10S. Ce dernier constitue le volet société du programme de 10ème année selon le PER, aux côtés des échanges internationaux (volet économie) et des changements climatiques (volet environnement). La séquence MITIC présentée ci-dessous fait office d'introduction à l'ensemble du thème censé durer entre 10 et 12 semaines à raison de 2 périodes hebdomadaires.

Le guide didactique mis à disposition sur le site du plan d'études romand propose des amorces basées sur des lectures d'images. Le guide didactique propose d'entamer la thématique par un module consacré à une reconnaissance du caractère omniprésent de situations de migrations dans une approche de l'altérité ("Module A : Sommes-nous toutes et tous des migrant·es?" d'après le MER). Cela dit, afin d'interpeler les élèves d'emblée, nous proposons une analyse d'image sur le second volet de la thématique, porté sur les migrations forcées ("Module B : Peut-on être forcé de partir?" d'après le MER). Dans ce cas, nous avons fait le choix d'entrer dans le sujet par l'analyse de cette image, estimant qu'elle constituerait un meilleur objet d'élément déclencheur pour  :
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A ce stade, il s'agit d'effectuer une évaluation diagnostique permettant de rendre compte des préconceptions des élèves sur le thème des migrations, en abordant le sujet avec une série de mini-problématiques :
  • Est-ce que les élèves arrivent à reconnaître une situation de migration?
  • Quelles sont leurs connaissances du sujet?
  • Quelles en sont leurs représentations a priori ?
  • Pourquoi est-ce que les gens migrent? 

Nous proposons ci-dessous une série de questions auxquelles les élèves doivent tenter de répondre pour effectuer cette amorce :
  • Que montre cette image?
  • Que font ces gens?
  • Pourquoi partent-ils à pied?
  • Qu’emportent-ils avec eux?

Les élèves sont amenés à noter individuellement (dans leur cahier, par exemple) des éléments de réponses relatifs à ces questions, puis nous proposons d'effectuer une bref moment de discussion en plénière. Après cette brève phase introductive sur l'aspect contraint et pénible de la question migratoire, nous proposons d'effectuer un retour sur une notion plus large des migrations telle qu'elle nous concerne toutes et tous. Les questions des migrations contraintes seront traitées dans un module à part entière à la suite de cette séquence.  Ainsi, nous reprenons la problématique proposée dans le guide didactique autour de la questions "sommes nous toutes et tous des migrant·es?".

L'activité au coeur de cette séquence est justement inspirée d'une activité proposée par le MER,  consistant à retracer les origines de chaque élève du groupe classe en notant :
  • Son lieu d'habitat
  • Son lieu de naissance
  • Le lieu d'origine de ses parents
  • Le lieu d'origine de ses grands-parents

Utilité du numérique

Le choix du numérique nous semble tout à fait approprié à cet exercice pour de nombreuses raisons :

Premièrement, l'usage d'un outil de cartographie interactive rend accessible les notions de localisation et d'échelle, fondamentales et transversales en géographie. La possibilité de retrouver sur la carte une ville ou un village, aussi bien en Suisse qu'à l'autre bout du globe offre non seulement un niveau grand niveau de précision, mais amène aussi les élèves à se déplacer ("panning") ou à zoomer et dé-zoomer (variation de l'échelle) sur la carte afin de retrouver un lieu d'origine. Ceci permet de comparer cette localisation avec le domicile actuel, permettant de rendre compte de la distance potentiellement parcourue au fil des générations.

Deuxièmement,  l'usage d'une plateforme en ligne permet de combiner travail individuel et collaboratif, dans la mesure où les élèves insèrent individuellement les localisations sur la carte, mais le résultat est visible par l'ensemble du groupe classe en direct via leur tablette ou via le projecteur. Nous estimons que ceci présente des avantages par rapport à d'autres modalités. Par exemple, l'usage d'une carte papier par élève compromettrait la comparaison des résultats (i.e. la différence d'étendue des origines des élèves), rendant caduque l'un des objectifs de l'activité. L'usage d'une seule carte pour le groupe (transparent projeté, grande carte sur laquelle ajouter des punaises) présente un défaut en terme de gestion de classe, les élèves étant amenés à se faire une place pour inscrire leurs localisation, ou à attendre leur tour.

Enfin, l'usage du numérique permet d'apporter une modalité sympathique et différente d'un cours traditionnel, aspect généralement attractif pour les élèves, bien qu'il faille veiller à éviter tout débordement dans l'usage de ce genre d'outils en classe. En terme de méthode SAMR, nous considérons donc que l'activité se situe au niveau de la modification dans la modalité pratique en raison de tous les apports en terme de gestion de classe, de la possibilité de se localiser plus en détails que sur une carte figée mais surtout en permettant de se rendre compte des localisation insérées des autres en temps réel et en naviguant soi-même sur leurs localisation et de les explorer aux différentes échelles (usage du zoom). Cela dit, elle demeure au niveau de l'amélioration dans son institutionnalisation, la phase de conclusion étant juste facilitée mais ne changeant guère davantage.

L'exécution de cette séquence en classe a permis de mettre en avant ces avantages, les élèves étant notamment affairés à observer les localisations insérées par leurs pairs, suscitant intérêt et étonnement ("Ah mais tu viens de là?", "Ah je savais pas", "Ah c'est là-bas le/la[pays], je pensais que c'était plus près." ). Nous avons toutefois constaté quelques légers débordements de la part d'élèves s'amusant soit à ajouter de fausses localisations pour y inscrire des informations impertinentes dans les marqueurs. Une régulation par le biais de suppressions pure est simple accompagnée d'un avertissement verbal se sont avérés efficaces pour calmer le jeu et recentrer les élèves sur l'activité.

Compétences enseignantes 

Afin de mener à bien cette activité, nous proposons certaines capacités dont l'enseignant·e doit disposer. Tout d'abord, les compétences informatiques et celles la gestion du matériel semblent indispensables : utilisation de Padlet (mise en place de la page, gestion des accès et droits d'écritures notamment), des tablettes/ordinateurs (support technique), de la cartographie interactive et enfin du projecteur afin que les élèves aient accès au résultat en temps réel. 

Ensuite, un certain niveau de gestion de classe est requis : l'utilisation de matériel informatique doit s'inscrire dans un cadre précis clairement annoncé en début de cours et les débordements en tous genre doivent être encadrés si ce n'est sanctionnés. Il est important de préciser que les tablettes/ordinateurs sont un outil de travail et rien d'autre. Nous recommandons de demander aux élèves de fermer le matériel pour toute intervention, que ce soit en cours d'activité ou en fin de période lors de la présentation/discussion des résultats.

Enfin, la compétence la plus importante se situe au niveau du tact qu'il faut avoir à inviter les élèves à partager des éléments de leur sphère privée à travers la classe. L'information liée au lieu d'origine de ses ainé·es peut avoir un caractère sensible selon leur parcours, leur vécu ou encore le lien que l'élève a avec ce parcours (rejet, distance, ignorance...), la thématique des migrations étant très sensible. Nous proposons donc d'être attentif·ves à ne pas être trop intrusif·ve ou à respecter scrupuleusement tout·e élève désirant ne pas mentionner tout ou partie du parcours de ses parents. Toujours par rapport à la tolérance, il nous semble aussi impératif de cadrer strictement toute forme de discrimination de la part des pairs liée à une origine ou une autre.  Nous proposons que l'enseignant·e fasse l'exercice et indique les origines de ses parents sur la carte avant l'exercice, d'une part pour s'inclure dans l'activité et s'exposer aussi, d'autre part pour inviter au respect des élèves et éviter des commentaires déplacés. 

Alignement pédagogique 

Objectifs

L'objectif de l'activité est de sensibiliser les élèves à la question des migrations, tout d'abord en se questionnant individuellement au travers de leurs origines, puis de manière décentrée en observant le parcours de leurs pairs. En ce sens, nous proposons les objectifs d'apprentissages suivants :
  • Localiser et légender correctement une série de lieux sur une carte interactive
  • Élaborer une carte thématique collaborative à l'aide de Padlet
  • S'interroger sur son propre lien à la migration
  • Constater les différences d'échelles entre les origines des membres du groupe classe
  • Mettre en évidence la diversité des origines au sein du groupe classe

Par son aspect transversal, l'activité s'apparente à de nombreux objectifs du PER :
  • SHS 31 — Analyser des espaces géographiques et les relations établies entre les hommes et entre les sociétés à travers ceux-ci…
    • 4) en étudiant une même problématique à différentes échelles (locale, régionale, planétaire) pour percevoir les effets d'échelle
    • 5) en reconnaissant les effets de « localisation », de « polarisation » ou de « diffusion » dans la structuration de l'espace
    • 6) en analysant des espaces (localité, région, canton, continent,…) à l'aide de données statistiques et de l'outil cartographique
  • SHS 34 — Saisir les principales caractéristiques d'un système démocratique…
    • 2) en s'interrogeant sur l'organisation sociale et politique d'autres communautés du passé ou du présent…
    • 3) en se sensibilisant à des problématiques liées aux rapports entre les hommes (minorités, déséquilibres Nord-Sud,…) et à l'environnement (naturel et social)
    • 8) en portant un regard critique et autonome, et en se positionnant en fonction de connaissances et de valeurs
  • FG 31 — Exercer des lectures multiples dans la consommation et la production de médias et d'informations
    • 4) en analysant les formes et les finalités de sites Internet et de supports électroniques
  • FG 35 — Reconnaître l'altérité et la situer dans son contexte culturel, historique et social…
    • 1) en recherchant les raisons des différences et des ressemblances entre diverses cultures
    • 2) en exerçant une attitude d'ouverture qui tend à exclure les généralisations abusives et toute forme de discrimination
    • 4) en identifiant les phénomènes de groupes et leur dynamique
  • FG 37 — Analyser quelques conséquences, ici et ailleurs, d'un système économique mondialisé…
    • 2) en étudiant les multiples conséquences des déplacements de personnes et des échanges de marchandises, de biens, de services
    • 3) en étudiant l'évolution des références et des pratiques culturelles en fonction des brassages de population, des échanges et des médias
  • FG 38 — Expliciter ses réactions et ses comportements en fonction des groupes d'appartenance et des situations vécues…
    • D) en analysant de manière critique les préjugés, les stéréotypes et leurs origines
    • F) en situant sa place au sein du groupe-classe, de l'établissement et des autres groupes d'appartenance
  • Capacités transversales
    • Collaboration : Prise en compte de l'autre (manifester une ouverture à la diversité culturelle et ethnique; reconnaître son appartenance à une collectivité; accueillir l'autre avec ses caractéristiques), 
    • Communication : Circulation de l'information (adopter une attitude réceptive)
    • Démarche réflexive: Élaboration d'une opinion personnelle (cerner la question, l'objet de la réflexion; cerner les enjeux de la réflexion) et Remise en question et décentration de soi (prendre de la distance;  renoncer aux idées préconçues ; reconnaître ses préjugés et comparer son jugement à celui des autres)

Style pédagogique 

Comme précisé dans la partie présentant l'utilité du numérique et les compétences de l'enseignant·e, son rôle dans cette activité est tout d'abord de superviser l'activité d'un point de vue technique, de gérer et guider les élèves dans leur participation (ou non en cas de vécu sensible) et de modérer les discussions entre pairs afin de valoriser une partage d'expérience et de constats tout en encadrant toute forme de discrimination.  Ceci permet son bon roulement en terme de gestion de classe et d'autonomie des élèves dans la réalisation de l'exercice, mais il est également important de guider les élèves dans les constats à faire sur la base de l'activité, qui sont au coeur des apprentissages. Ainsi, il faut les inviter à se questionner les différences de localisation de leurs origines et les distances qui les sépare, le moment du déplacement, son contexte, ses raisons, puis effectuer observer des différences ou des similarités avec les parcours des pairs.

Le rôle des élèves est d'une part de partager leur expérience, d'y réfléchir et de la mettre en perspective avec celles d'autres, et si possible d'en discuter. Les élèves peuvent également s'aider dans l'utilisation de l'outil en ligne en cas de besoin.

Enfin,  le rôle de l'environnement numérique et d'offrir une base commune aux élèves pour qu'il·elles puissent discuter des résultats de l'activité et ainsi partager leurs constats.

Dans l'ensemble ces éléments se sont bien déroulés et la plupart des élèves ont pu indiquer des informations relativement précises sur l'origine de leurs ainé·es. Cela dit, certain·es n'ont pas eu d'informations très précises concernant leurs grands-parents et se sont contentés de mentionner sur la carte une région voire un pays, réduisant légèrement la précision et l'intérêt du numérique pour cette activité.

L'utilisation de Padlet étant relativement intuitive pour des élèves de 10S, il·elles n'ont pratiquement pas eu besoin d'aide, la plus grande difficulté des élèves étant de copier l'adresse du site (nous avons constaté une grande confusion entre l'insertion d'une adresse précise et sa copie approximative dans un moteur de recherche). 

Evaluation

L'activité constitue en elle-même une forme d'évaluation diagnostique : elle vise à rendre compte des préconceptions des élèves sur la thématique des migrations, leurs origines et leurs impacts. En soit, l'évaluation prend forme lors de la phase de discussion et d'institutionnalisation. Le but de ces dernières est que les élèves se rendent compte que, selon l'échelle temporelle ou géographique considérée, tous·tes sont des migrant·es, enseignant·e y compris·e. Ceci est censé permettre de remettre en perspective la notion de "migrant·e" au sens large et de permettre les élèves de s'en rapprocher.

Dans la pratique, le constat visé a rapidement été formulé par les élèves : le partage de ce constat parmi le groupe d'élèves nous invite à considérer cette première activité comme une réussite, au moins pour les élèves pour qui il était clair. En effet, 3 des 15 élèves présent·es n'avaient aucune origine au-delà des frontières suisses et ont montré plus de difficulté à participer ce constat. Il a fallu alors zoomer sur la carte et mettre en avant les limites cantonales, les différences de langue (français et suisse-allemand) ou de paysage (plaine, vallée alpine) pour les inviter à se questionner (il n'était en aucun cas question de les inciter, encore moins de l'affirmer contre leur gré) sur leur statut de migrant·e par des déplacements effectués de génération en génération. Cette discussion étant restée au stade d'échange en plénière, nous proposons en guise de trace le padlet tel que rempli par les élèves : https://padlet.com/lucasmartinezgeo/geo10vg

Gestion de la classe 

Éducation aux médias

Au-delà de l'acquisition des compétences pratiques en cartographie collaborative, le but est de permettre aux élèves de se rendre compte du caractère large de la notion de migration qui peut concerner chacun·e d'entre eux·elles. Un autre aspect est de se rendre compte que n'importe qui peut publier une information cartographique sur internet et ce avec plus ou moins d'exactitude. Il s'agit donc de les inviter à prendre du recul sur les informations trouvées sur les sites de cartographie d'une part, et sur la notion de migrant·e telle qu'utilisée dans la presse (ceci sera évidemment travaillé tout au long de la séquence).

Planification

La planification en géographie en 10S étant libre, la séquence sur les migrations peut avoir lieu à n'importe quel moment de l'année. A titre personnel, nous proposons de la placer au premier semestre de l'année, la 10ème année proposant des thématiques d'un degré de complexité potentiellement plus élevé tel que le changement climatique. Comme précisé en introduction, l'activité sert d'introduction au sujet se positionne donc en tout début de séquence. 

En terme d'organisation, il est nécessaire de disposer d'un ordinateur/tablette par élève et d'un projecteur pour afficher les résultats en direct. Lors de sa mise en pratique en classe, tous ces éléments se sont bien déroulés, au-delà de la difficulté qu'ont eu les élèves à trouver la page en ligne. 

Déroulement 

L'activité se déroule de la manière suivante sur une période :
  • Introduction par la lecture d'image et réponses aux questions (voir introduction)
  • Introduction à l'activité et présentation des consignes et du cadre
  • Distribution des tablettes/ordinateurs
  • Ajout des localisation sur la carte
  • Échange entre les pairs sur les constats faits en temps réel lors de l'activité
  • Débriefing et conclusion : sommes-nous tous des migrant·es?

L'activité étant relativement courte, la durée prévue de une période s'est avérée tout à fait adéquate.
Nous avons constaté un défaut dans l'implémentation de l'activité concernant la faiblesse du choix de couleurs dans l'application padlet, bien que celle-ci présente (Google Maps ou Mymaps demandent en effet de disposer d'un compte pour effectuer des cartes collaboratives, ce qui complique significativement la mise en place de l'activité).

Les quelques débordements (élèves insérant de fausses localisation ou de faux labels) sont restés très marginaux (2 élèves parmi 15) et ont notamment étés régulés par les membre du groupe classe eux-mêmes, considérant "que ce n'est pas drôle de rigoler avec cela", "que cela casse tout". Il semblerait que placer clairement un cadre d'utilisation au début de l'activité a permis d'éviter des débordements d'une autre genre, aucun·e élève faisant tout autre chose sur les tablettes n'ayant été remarqué·e. Nous supposons que le fait de circuler auprès des élèves de manière continue durant l'activité (pour du support, des questions ou juste du suivi) a contribué à ce bon déroulement.

En terme d'apprentissage et de réflexivité personnelle, l'activité semble avoir été une réussite, en tous cas pour les élèves ayant pu effectuer un constat relativement rapide. Cela dit, même si les objectifs s'avéraient pertinents d'un point de vue didactique afin d'ouvrir la discussion, inclure les élèves dans une première réflexion et les introduire à la thématique, ils demeurent relativement modestes en terme de progression. On notera également le manque lien entre la réalisation de l'activité numérique et le constat oral, la difficulté à mener à bout l'évaluation diagnostique pour les élèves ne s'exprimant pas (que ce soit pour manifester leur accord ou leur désaccord) et la relative pauvreté de la conclusion de l'activité, tributaire des interventions des élèves.