msMITIC 2019

SEQ2 - projet d'écriture collaborative grâce à framapad

30.06.2021

Camille Bezzola avatar. Camille Bezzola

CONTEXTE

Introduction

La séquence que je propose ici s’inscirt dans un projet à large envergure que je mène ce semestre de printemps avec ma classe. Mon collègue Fabien Chachereau a mené une séquence similaire dans un autre établissement lausannois afin de pouvoir comparer nos résultats: cette séquence a donc elle-même été écrite à quatre mains. J’effectue un stage B au collège de l’Elysée à Lausanne et la classe dont il sera ici question est un groupe de français de 9VG niveau 2. J’ai déjà mené avec eux plusieurs séquences incluant l’utilisation des MITIC, par exemple un travail de recherche autour de la semaine des médias dont l’un des outils était un padlet permettant de regrouper et donner l’accès à différentes sources. Pour le travail ici présenté, je souhaitais cependant construire une séquence où les élèves seraient amenés à s’approprier un outil numérique de manière plus personnelle et où celui-ci serait un support au développement de leur créativité.

La séquence que j’ai donc choisi de mener consiste en un travail d’écriture collaborative: sur environ 4 à 5 semaines, les élèves seront amenés à rédiger une parodie du conte de Barbe-Bleue par groupes de 3 ou 4, selon une adaptation du modèle COROME traitant du même sujet. L’entier de ce projet est basé sur l’utilisation du logiciel opensource « framapad », qui offre entre autres les avantages d’être gratuit et accessible - sans téléchargement - directement en ligne. Ce projet, basé sur une produciton initiale en tout début de séquence, se construit autour de différents moments de réécriture et de travail du texte afin d’arriver à une production finale plus riche et plus aboutie.

Utilité du numérique

A première vue, l’utilisation de ce logiciel présente plusieurs avantages:

Tout d’abord, en cette période instable due à la situation sanitaire, l’utilisation d’un logiciel en ligne pour un projet d’écriture collaborative permettrait de poursuivre l’activité si les écoles venaient à fermer, ou encore si certains membres du groupe se voyaient placés en quarantaine. Framapad assure ainsi la possibilité d’un suivi du travail: de même, il facilite l’organisation d’une partie du matériel du projet. En effet, grâce à l’enregistrement automatique des modifications du document et à l’outil « historique dynamique » qui permet de revoir les moindres changements apportés au texte, l’élève ne peut plus perdre ses brouillons - ce qui risque d’autant plus d’arriver dans un projet de ce genre, travaillant justement sur les réécritures successives d’un document. Ici, tout est enregistré et peut être consulté à tout moment.

Ensuite, d’un point de vue didactique, ce logiciel permet d’amener les élèves à prendre conscience de ce qu’est réellement un texte, soit le fruit de réécritures et de transformations multiples. Cette prise de conscience me semble essentielle à l’entrée dans l’analyse de texte, qui est déjà abordée en 9ème année et s’approfondira durant les deux années suivantes. Le fait que les élèves expérimentent cet état de fait par eux-mêmes, en étant dans la position de sujets auteurs, leur permettra une prise de conscience bien plus concrète qu’un simple cours théorique sur le sujet. Framapad me semble être le logiciel idéal pour aborder cette question, puisque son outil « horloge » évoqué plus haut permet de visualiser toutes les phases par lesquelles le texte est passé, ainsi que de matérialiser l’évolution effectuée entre la toute première écriture du texte et sa version finale. Les traces de ces procédés se perdent toujours plus aujourd’hui avec l’écriture sur des programmes tels que Word. Une élaboration manuscrite aurait quant à elle rendu fastidieuses les phases de réécriture centrales de ce projet et aurait risqué d’entammer la motivation des élèves à explorer leur texte.

En outre, le projet étant bien d’amener les élèves à explorer l’écriture collaborative, un logiciel tel que framapad leur permet d’agir sur le même texte de manière simultanée, ce qui ne serait pas possible sur papier. Les rôles des élèves sont donc redéfinis par la nature du support, puisqu’il n’est ni nécessaire que tous les apprennants écrivent en même temps le même contenu - ou se le répartissent, ni non plus de désigner un élève « scribe » qui prendrait en charge la mise à l’écrit du récit co-construit. Avec les différents arguments ci-dessus, ma démarche se situe donc au niveau de la modification du modèle SAMR (Ruben Puentedura, 2009), puisque le fonctionnement des élèves et du projet sont fortement impactés par l’utilisation de framapad, qui permet des expériences non réalisables sans l’utilisation des MITIC.

Finalement, l’avantage certain d’un outil de traitement de texte se révèle avec des apprenants présentant des troubles DYS ou de graphie, ce qui est le cas de plusieurs élèves de cette classe. En effet, certains d’entre eux ont acquis ces dernières années une certaine aisance à écrire avec un clavier - ce qui permet de les valoriser dans le domaine de l’écrit, cet exercice étant généralement un obstacle pour eux. De plus, la relecture de leur travail et de ceux de leurs paris devient plus aisée grâce aux possibilités de mise en page. L’aspect toujours modifiable du texte permet en outre de centrer dans un premier temps les efforts d’apprentissage autour de la qualité de la narration, et non de son orthographe.

Retour après expérience

L'expérience a démontré que certaines hypothèses formulées ci-dessus se sont avérées justes. Heureusement, aucun élève de la classe ne s'est trouvé placé en quarantaine durant ce deuxième semestre; l'outil "historique dynamique" s'est en revanche révélé particulièrement efficace et a été mobilisé par tous les groupes afin soit de retrouver la trace d'éléments perdus, soit de retourner à des versions précédentes du texte pour en comparer les effets. L'organisation du projet dans sa globalité a donc bel et bien été facilitée par l'outil informatique et a permis à des élèves moins "ordrés" que leurs camarades de bénéficier des mêmes outils réflexifs qu'eux, ce qui a contribué à réduire les inégalités au sein de la classe. Dans la suite de cette idée, la facilité d'accès aux versions antérieures du texte et la possibilité de l'observer "entrain de s'écrire" a amené plusieurs groupes à entamer une réflexion autour de la matière textuelle et de son caractère évolutif. Une question pour la suite de ma carrière d'enseignante est maintenant de savoir comment amener les élèves à généraliser ce constat autour des textes. Une utilisation répétée d'outils présentant les mêmes avantages que l'"historique dynamique" de framapad, appliquée à divers genres textuels, serait une piste de solution.
J'ai en outre pu observer au moins un frein à l'utilisation de ce logiciel, concernant en particulier les élèves souffrant de troubles "DYS". En effet, après plusieurs phases de réécriture, plusieurs apprenants ont été dérangés par l'apparence du texte et se sont trouvés face à des difficultés pour lire leur récit et en percevoir le sens global. En effet, chaque scripteur étant associé à une couleur sur framapad, la mise en page s'est très vite retrouvée submergée de coloris différents.
Pour remédier à ce problème, une élève dyslexique a par exemple copié le texte sur word, supprimé les couleurs associées à chaque scripteur, finalisé la rédaction de la parodie, puis re-collé le texte sur framapad. Bien que cette utilisation des couleurs fournisse de précieuses informations, on voit donc bien ici les freins de ce genre de procédé. Une solution envisageable serait d'utiliser un autre document de traitement de texte en ligne, tel que google docs, qui n'offre pour sa part pas cette fonctionnalité.

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- La multitude de couleurs de la mise en page a compliqué la lecture pour les élèves DYS -


Compétences enseignantes

1) Liées au matériel
Afin de mener à bien ce projet, différentes compétences devront être mobilisées: il sera nécessaire de maîtriser les outils informatiques utilisés (framapad, mais également un racourcisseur d’url permetttant aux élèves d’accéder plus facilement à leur page). Ce premier point permettra de créer une marche à suivre claire et efficace pour les apprenants.
2) Pédagogiques
La gestion des travaux de groupe sera une autre compétence qui devra être mise en oeuvre, s’appuyant entre autres sur une bonne connaissance de la classe (nécessaire par exemple à former des groupes d’apprenants hétérogènes et fonctionnels).
3) Didactiques
Bien sûr, il sera nécessaire de maîtriser les spécificités du genre du conte et de la parodie, qui pourront être élaborées et didactisées grâce au procédé de modélisation du genre: la maîtrise des outils didactiques sera donc un autre point important.


Afin de me préparer au mieux à la conduite de cette activité avec ma classe, j'ai au préalable effectué plusieurs essais liés au matériel. J'ai notamment testé différents outils en ligne d'écriture collaborative avec l'aide de mes collègues, framapad ayant été choisi pour les avantages cités ci-avant. Je me suis ensuite approprié la plateforme par diverses explorations, en particulier grâce à plusieurs moments synchrones d'écriture collaborative, toujours avec l'appui de mes collègues. Cette expérience m'a par exemple permis de constater la difficultés d'agir ensemble sur la même phrase, ce qui m'a poussé à donner des tâches d'écriture individuelles ciblées pour la production initiale de mes élèves.
En outre, de nombreuses recherches autour des différents aspects de la collaboration ont été menées en amont et durant le déroulement de la séquence, afin de mieux comprendre et accompagner les élèves dans les défis auxquels ils se trouvaient confrontés. Entre autres, les écrits de Philippe Meirieux (1997, 1999) ainsi que les critères d'une bonne collaboration tels qu'établis par Johnson et Johnson (1989) m'ont été d'une grande aide.



ALIGNEMENT PEDAGOGIQUE

Objectifs

PER: Objectifs de français

L1 32 — Écrire des textes de genres différents adaptés aux situations d'énonciation…

  • en organisant ses idées, en personnalisant son message et en précisant sa pensée
  • en analysant la situation d'énonciation et en s'y adaptant
  • en organisant son texte en fonction des lois du genre (organisateurs, mise en page, systèmes temporels,…)
  • en respectant les règles de l'expression écrite (temporalité, orthographe, syntaxe, reprises,…) et en utilisant un vocabulaire adapté à la situation
  • en enrichissant le contenu du texte (idée, vocabulaire, grammaire,…)
  • en utilisant la prise de notes et les technologies à disposition
  • en sélectionnant des outils de référence
  • en améliorant sa production (relecture, réécriture, réorganisation, enrichissement,…)
  • en utilisant la dimension créative de la langue et sa propre créativité

Eléments de la progression des apprentissages:

  • Genres conseillés : conte, récit, nouvelle, scène de roman,…
  • Identification des composantes de situations d'énonciation diverses (auteur/émetteur, public destinataire, visée, lieu social, contexte)
  • Organisation du texte (planification du texte, choix ou respect du registre de langue, du système de temps, de la forme du texte,…)
  • Respect d'une progression thématique
  • Utilisation du programme informatique approprié pour produire un texte et, le cas échéant, l’illustrer
  • Utilisation de médias électroniques (site Internet, forum sécurisé, blog de classe, courrier électronique,…) dans le cadre d'un projet de production
  • Utilisation du schéma narratif (situation initiale, complication/ élément modificateur ou déclencheur, action, réalisation, situation finale/morale)
  • Respect de la chronologie et/ou de la logique des événements

PER: objectifs MITIC

FG 31 — Exercer des lectures multiples dans la consommation et la production de médias et d’informations, entre autres…

  • en étudiant et en utilisant les principales règles d'ergonomie et de lisibilité
  • en analysant les formes et les finalités de sites Internet et de supports électroniques
  • en vérifiant les informations reçues des médias et en en produisant selon les mêmes modes

Eléments de la progression des apprentissages:

  • Recours aux moyens audiovisuels et informatiques adaptés à la tâche à effectuer jusqu'à la production finale (impression de documents illustrés, de séquences filmées, de documents sonores,…)
  • Repérage et utilisation autonomes de ressources numériques d'apprentissage (moyens officiels, didacticiels disciplinaires, outils d'aides en lignes, devoirs électroniques,…)
  • Choix et utilisation autonomes (jusqu'à la gestion et l'organisation des documents) de diverses ressources numériques adaptées à la tâche projetée (texte, présentation, feuille de calcul, dessin, musique,…)
  • Entraînement à la dactylographie par l'utilisation d'une ressource d'entraînement (frappe des 10 doigts, utilisation des touches standard et spéciales du clavier)

PER: Objectifs transversaux

  • collaboration (prise en compte de l’autre, connaissance de soi, action dans le groupe)
  • communication (codification du langage, analyse et exploitation des ressources, circulation de l’information)
  • stratégies d’apprentissage (gestion d’une tâche, acquisition de méthodes de travail, choix et pertinence de la méthode)
  • pensée créatrice (développement de la pensée divergente, reconnaissance de sa part sensible, concrétisation de l’inventivité)
  • démarche réflexive (remise en question et décentration de soi)


Style pédagogique

Je souhaite construire cette séquence d’écriture collaborative en mettant les élèves au centre des tâches et des apprentissages, afin de les valoriser en tant qu’indivius auteurs de leur textes, et non en tant que simples « receveurs » des connaissances enseignées. Je m’inspire ici du modèle du « sujet écrivant », notamment porté par Dominique Bucheton dans son ouvrage Refonder l’écriture (2014). Mon but est donc que les élèves développent un rapport valorisant à l’écriture, alors que mon rôle sera de les accompagner dans le travail et l'amélioration de leurs textes, en leur fournissant des consignes et un cadre favorisant le développement de leur réflexion et de leur pratique d’écriture (Bucheton, 2014). Ce positionnement peut être traduit par les termes de « posture d’accompagnement » selon la typologie établie par Bucheton & Soulé (2009). Le rôle des élèves, considérés comme auteurs à part entière, sera donc d’explorer et de développer leur rapport au texte, processus soutenu au travers des échanges amenés par le processus d’écriture collaborative. De même, grâce aux cercles de lecture prévus dans la séquence, ils seront amenés à approfondir leur réflexion et cultiver leur posture d’auteurs au travers du travail sur les écrits de leurs camarades.

Dans ce cadre, le rôle de l’environnement numérique rejoint les points abordés plus haut: le travail de réécriture et de développement d’une posture autoriale est soutenu par le logiciel framapad en ce qu’il permet aux élèves de prendre conscience des différentes phases d’écriture d’un texte et de son évolution. De même, la création de textes grâce aux outils informatiques rejoint la réalité concrète des métiers de l’écrit actuels, qui sont bien loin des pratiques manuscrites employées traditionnellement en milieu scolaire.

Retour après expérience

L'expérience montre que, si certains groupes ont bien sur profiter du format collaboratif de ce projet pour approfondir leurs connaissances et apprendre de leurs pairs, d'autres ont au contraire vécu cette même collaboration comme l'obstacle principal au développement de leurs apprentissages. Une analyse de ces difficultés a entre autres démontré que certains critères nécessaires à une bonne collaboration (confiance mutuelle, fiabilité, respect des règles - Johnson et Johnson, 1989) n'avaient pas été respectés par les groupes en question. Une piste de régulation serait donc un enseignement explicite de ces critères et des exercices de mise en pratique de la collaboration en tant que telle en amont de toute séquence collaborative, par exemple au travers de moments d'improvisation ou de jeux de rôles.
Concernant la prise de conscience des différentes phases d'écriture d'un texte et de son caractère évolutif, j'ai pu en remarquer la trace au sein de plusieurs groupes. En effet, dans un questionnaire au sujet de leur expérience durant de projet rempli par chaque élève de la classe, plusieurs d'entre eux ont relevé leur fierté quant au résultat final du texte, alors qu'ils avaient émis des doutes quant à leurs capacités de scripteurs en début de séquence. Ce constat amène également l'idée d'un développement des capacités métacognitives des élèves.
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Evaluation

S’agissant d’un travail d’écriture collaborative, les élèves seront évalués en deux temps afin de pouvoir être jugés sur leurs compétences propres et non uniquement sur le travail effectué en groupe. La note finale sera donc composée d’une première partie des points commune aux membres du groupe, portant sur la version définitive de leur parodie de conte, ainsi que d’une seconde partie des points qui évaluera cette fois-ci un travail de parodie (partiel) effectué individuellement. Ce deuxième travail se déroulera une fois le projet terminé et toujours selon les mêmes critères que ceux entraînés durant le module. Les objectifs de l’évaluation seront construits en commun avec les apprenants en cours de déroulement du projet selon les modules travaillés en classe, chacun de ces modules étant développé au fur et à mesure des besoins observés dans les différents textes.


Evaluation des acquis et régulation
Les apprentissages effectués pas les élèves peuvent être décrits en 4 pôles interdépendants. Tout d'abord, les élèves ont acquis des compétences collaboratives: ceci a été observé dans tous les groupes, y compris ceux ayant rencontré de plus grandes difficultés à coopérer. En réponse au questionnaire déjà mentionné, presque tous les élèves ont en effet partagé leur conscience d'avoir appris à écouter les idées des autres. Ce constat rejoint le deuxième type d'apprentissage développé par la séquence, à savoir les compétences métacognitives. En effet, au travers de leur posture de lecteurs des écrits des membres de leur groupe, et grâce aux interactions orales autour du texte nécessaires à l'écriture collaborative, les élèves ont développé leurs capacités à parler du texte et à le prendre pour objet. En outre, les travaux de chaque groupe témoignent d'apprentissages langagiers correspondant aux objectifs de la séquence et travaillés durant les modules. On citera par exemple l'utilisation des verbes dans le système du passé, le maintient des idées dans une cohérence globale au fil du texte ou encore l'utilité de décrire les éléments significatifs de l'histoire en début de récit.
Finalement, de nombreux apprentissages autour de l'outil informatique et du traitement de texte ont été observés au long du déroulement de la séquence: outre la nécessité de se relire et de prendre en considération les versions antérieures du textes permise par l'outil "historique dynamique" déjà cité, je souligne ici tout particulièrement l'utilisation de l'outil "commentaire" qui a été mobilisé par tous les groupes. Cette fonctionnalité étant inconnue de la plupart des élèves de la classe, ils en ont tous découvert l'utilité dans les moments d'écriture intermédiaire. Les commentaires ont en effet permis aux différents groupes de se laisser des indications directement dans le texte, sans pour autant supprimer ou modifier des éléments écrits par leurs camarades, ce qui aurait pu donner lieu à des situations de conflit avec leurs camarades.
Il n'y a pas eu de changement majeur apporté à la séquence initialement planifiée, puisque celle-ci se voulait dès le départ évolutive en fonction des besoins observés chez les élèves.
Après le déroulement de la séquence, je songe à une possible piste d'amélioration touchant aux apprentissages informatiques: il me semblerait pertinent que les élèves puissent en garder une trace autre que le texte final du projet et soient amenés compiler les connaissances informatiques acquises au fil de leur scolarité. Il serait intéressant de créer un "portfolio virtuel", par exemple grâce à la plateforme "padlet", où les apprenants pourraient non seulement recenser les créations réalisées en ligne, mais également les astuces acquises au fil de leurs expériences, telles que la fonction commentaire, les raccourcis de clavier, un site hébergeant un dictionnaire des synonymes qu'ils auront trouvé particulièrement utile, etc...
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GESTION DE CLASSE

Education aux médias

Cette séquence prend la forme de l’un des grands projets de français mené avec cette classe durant leur 9ème année. La parodie de conte étant au programme de cette année, elle s’inscrit à la fois dans le programme « officiel » de l’année scolaire, mais également dans le programme culturel de cette classe. En effet, cette séquence menée ce printemps permettra d’une part aux élèves de mobiliser les éléments de langue, mais aussi les expériences d’écriture et de lecture explorés durant la première partie de leur année scolaire. Elle a en outre l’ambition de participer au projet de festival de littérature concernant l’ensemble de l’établissement scolaire prévu en fin d’année: pour toutes les classes de l’Elysée, l’avant-dernière semaine précédant les vacances d’été sera en effet consacrée à un grand festival de littérature, auquel toutes les classes sont invitées à participer. Différentes activités seront proposées: les parodies écrites par les élèves de cette classe seront à la base de l’une d’elles, puisqu’ils pourront être invités à aller lire leurs productions devant d'autres classes. Le but est ici de donner une finalité concrète à ce projet, tout en continuant à valoriser les élèves dans leurs postures d’auteurs. Ce sera également l’occasion de faire un travail de préparation autour de l’expression orale, avec des exercices de diction, de fluidité, de posture, de pose de voix, etc…

Dans un premier temps, concernant le projet initial de produciton de texte, l’élément majeur à prévoir sera la disponibilité des outils informatiques: l'école dans laquelle j'effectue mon stage dispose entre autres de caisses contenant des ordinateurs portables, qui peuvent être réservés et emmenés en classe. C’est le moyen que je compte utiliser (et non nécessairement des visites en salle d’informatique), afin de transformer l’espace de la classe en atelier d’écriture et de permettre aux élèves de se l’approprier différemment que durant les heures de cours plus « traditionnelles ». C’est aussi un rapport plus intime aux outils de traitement de texte que je souhaite développer avec les élèves: un ordinateur peut s’emmener partout et devenir notre « compagnon d’écriture ». Concernant les questions d’entraînement à l’écriture sur clavier, les élèves suivent actuellement - dans le cadre de la formation générale donnée par leur enseignante de classe - plusieurs ateliers visant à fluidifier cette pratique.

Par ailleurs, chaque groupe sera muni d’une adresse personnelle donnant accès à sa propre page framapad, où les élèves seront identifiés individuellement par leur nom et une couleur de texte associés. Cela me permettra, ainsi qu’aux apprenants, de suivre la progression de toutes et tous, ainsi que de rendre réellement visible la collaboration mise en oeuvre dans chacun des textes. Chaque élève possédera également un dossier papier qui l’accompagnera dans ses démarches et réflexions, dans lequel il trouvera notamment la marche à suivre pour une bonne utilisation de framapad ainsi que son adresse.
Par le biais de la thématique de la parodie, les questions des droits d'auteur et du plagiat ont également pu être abordées avec les élèves: ils ont été amenés à constater qu'un texte peut en inspirer un autre, voire même en reprendre certains éléments tels quels, à condition que le texte d'origine soit cité en référence. De même, les couleurs associées à chaque scripteur ont permis, bien qu'il s'agisse d'un travail collaboratif, de faire reconnaître aux élèves la nécessité d'identifier les auteurs d'un texte et d'en informer le lecteur. Il est prévu que les élèves fassent part de leur démarche individuelle et de groupe autour de ce sujet au moment des lectures des parodies aux autres classes de l'établissement.

Au sujet des possibilités de différenciation, ce travail a pour but de mettre à profit l'hétérogénéité des groupes participants au projet, ainsi que celle de la classe. Ainsi, en anticipation des difficultés que certains élèves pourraient rencontrer lors de l'utilisation des moyens informatiques, il est possible d'imaginer différentes solutions. Il est ici utile de préciser que ces solutions - comme tous les éléments mis en place au cours de l'année avec mes classes, qu'il s'agisse de mise en page, de formulation des consignes ou d'autres types de soutien - sont pensées dans une optique inclusive, et s'adressent donc autant que possible à tous les élèves de la classe.
Tout d'abord, afin de seconder les élèves à besoins particuliers et dans l'idée de les rendre autonomes, toutes les informations nécessaires à l'utilisation de Framapad seront recensées sur une page de leur dossier personnel. Les apprenants pourront alors à tout moment revenir à cet outil de référence et retrouver les éléments nécessaires à la démarche.
Il serait en outre pertinent de créer en amont de la phase d'écriture des binômes regroupant un élève en difficulté et un autre présentant une certaine aisance dans l'utilisation des moyens informatiques: ceci aurait le double avantage d'à la fois valoriser les élèves possédant les compétences en question et de donner aux autres les bases nécessaires au travail à venir. On pourrait par exemple fournir aux groupes une liste de défis à relever leur permettant d'expérimenter différents aspects de la plateforme en question.
Dans la suite de cette idée, il serait également envisageable de nommer des "experts informatiques" au sein de la classe pour toute la durée de la séquence, qui pourraient apporter leur aide à leur camarades dans des moments d'utilisation de Framapad. Il faudrait cependant veiller à ce que ce rôle ne péjore par les apprentissages et l'avancée du travail des élèves experts: une solution serait alors d'établir un tournus parmis les élèves désignés, chacun occupant la place de référent une ou deux fois durant le projet.


Retour après expérience

La mise en pratique du projet a montré une grande aisance de l'entier de la classe face à l'utilisation de Framapad, à tel point qu'une activité préparatoire n'a pas été nécessaire. Quelques mises au point sur les couleurs et les pseudonymes des différents scripteurs ont largement suffit, puis la découverte de la plateforme s'est déroulée de manière très intuitive, au fur et à mesure que les besoins des groupes apparaissaient. J'ai constaté qu'une activité préparatoire à l'utilisation de la plateforme aurait été superflue et par là infantilisante pour les adolescents de cette classe, j'ai donc décidé de supprimer cette étape.
J'ai cependant remarqué quelques manquements au niveau de la maîtrise des codes spécifiques à l'écriture digitale, notamment concernant l'utilisation de la ponctuation et des espaces qui l'accompagnent. Cet aspect mériterait d'être travaillé de façon ciblée et sera donc intégré à un futur projet avec la classe.

Le dernier écueil constaté autour de la gestion de la classe et du matériel a été a plusieurs reprises un réseau internet instable: la plateforme utilisée n'étant consultable et modifiable qu'avec une connexion internet active, cela a causé quelques retards et moments de déconcentration au sein des groupes. Une solution à cela serait de remplacer Framapad par une application de traitement de texte hors ligne, mais elle n'offrirait alors pas les mêmes possibilités de synchronisation qui rendent des outils tels que Framapad ou Google Docs intéressants. Une amélioration du réseau internet au sein de mon établissement est cependant prévue, ce qui laisse donc présager une diminution des problèmes qui y sont liés.

Planification

Cette séquence, qui se déroulera sur environ 5 semaines du semestre de printemps 2021, est prévue en plusieurs étapes: la production initiale (environ 6-7 périodes), les modules permettant un travail ciblé des difficultés observées (environ 4 périodes par module, environ 4 modules), la production finale (environ 4 périodes). Les élèves seront placés par groupes (3 groupes de 3 et un groupe de 4) que je composerai en amont afin d’en garantir l’hétérogénéité. L'entier des étapes de rédaction se fera sur Framapad.

1) Production initiale. Après une brève introduction autour de la thématique du conte et de sa parodie, les élèves découvriront le conte de Barbe Bleue qu’ils seront amenés à transformer. Si nécessaire, une introduction du moyen informatique accompagnée de plusieurs exercices de prise en mains sera faite juste avant la première phase de rédaction. Une discussion par groupes leur permettra ensuite d’asseoir les premières idées d’écriture, après quoi ils réaliseront la rédaction initiale des textes. Chaque membre du groupe sera nommé responsable d’une partie du récit correspondant au schéma narratif: un élève rédigera la situation initiale et la complication de la parodie, un autre (ou deux autres pour le groupe de 4 élèves) la péripétie et le troisième la résolution ainsi que la situation finale. Ces rôles d’écriture seront imposés et répartis dans le but d’éviter aux élèves de se conforter dans la tâche rédactionnelle avec laquelle ils sont déjà le plus à l’aise (Meirieu, 1997), afin de pouvoir profiter ensuite au mieux des mutualisations possibles grâce au travail collaboratif.
 Après cela, les quatre productions initiales seront analysées grâce à une grille d'évaluation diagnostique et divers modules, élaborés sur un modèle inductif, seront menés en classe selon les besoins que les textes auront révélés. Les constats réalisés durant chaque étape seront inscrits par les élèves dans l’aide-mémoire situé au début du dossier distribué à chacun pour le projet.

2) Modules. Note: ce passage a été rédigé après la réalisation de la séquence en classe, le contenu des modules étant dépendant du déroulement de celle-ci.
Le premier module, précédé d’un tour de classe sous la forme de comités de lecture, a clarifié les rôles et les caractéristiques des personnages du conte de Barbe Bleue et a mis en lumière quels éléments de l’histoire originale devaient être conservés dans la parodie. La deuxième étape a permis de définir les éléments nécessaires devant figurer au début d’un conte, alors que le troisième module a traité de la cohérence du texte dans son ensemble. La quatrième partie a été consacrée à la collaboration afin de réguler différentes tensions qui commençaient à se faire trop présentes dans les séances de travail. L’étape des comités de lecture a ensuite permis aux groupes de recevoir et de formuler des commentaires à l’intention des textes de leurs camarades.


3) Production finale. La production finale sera précédée d’une mise au point sur les différents éléments rencontrés durant le projet: il s'agira des différents constats permis par le travail inductif effectué dans les modules. Les critères permettant l’évaluation des textes seront définis en commun avec les élèves sur la base de ces constats.

La seconde partie de l’évaluation ainsi que la préparation à la production orale se feront par la suite, dans une nouvelle séquence. Outre les élèves présentant de légers troubles DYS (dyslexiques et dysorthographies) pour lesquels des aménagements ont été mentionnés plus haut, il est important de relever que l'un des élèves de la classe est atteint d'un TSA. Il est prévu que l'enseignante spécialisée qui l'accompagne reprenne le sujet de la collaboration avec lui lors de moments de discussion individuels et intervienne en classe si cela s'avère nécessaire. De même, un module autour de la thématique de la collaboration devra probablement être mené afin d'en clarifier les enjeux et les outils. Il est à noter que la conduite d'un tel module, si elle a lieu d'être, sera alors profitable à l'entier des apprenants de la classe. A ce sujet, l'utilisation du logiciel Framapad comporte plusieurs avantages, entre autres la possibilité de s'isoler du bruit et des stimulations de la classe sans pour autant être exclu du projet, mais en continuant de collaborer à distance avec ses camarades.

Retour après expérience

Comme expliqué plus haut, l'expérimentation de la séquence faisait partie de sa planification, avec le résultat mentionné ci-dessus sous le titre "modules". On peut relever la présence d'une phase d'apprentissages autour de la collaboration, qui s'est finalement avérée utile à l'entier de la classe. Ce moment a permis a la classe de formuler la nécessité de s'entendre sur leurs idées pour avancer et de chacun accepter de faire un pas vers l'autre. Ce travail leur a également permis de commencer à prendre conscience de l'utilité d'un conflit positif au sein des groupes qui en pousse les membres à argumenter pour prendre la meilleure décision à l'issue de la conversation.


Déroulement

La séquence s'est globalement bien déroulée. Les élèves ont tous volontiers participé au projet et ont tous joué le jeu de la parodie. Cependant, certains groupes ont rencontré de sérieux problèmes de collaboration, ce qui a freine leur acquisition dans les apprentissages visés. Afin d'observer plus précisément le comportement des élèves, je décrirai donc ici les observations que je retiens pour deux des groupes ayant pris part à la séquence.

1) Premier groupe.
Il semble que ce groupe n’ait pas bien fonctionné d’un point de vue collaboratif. Les trois élèves (que je nommerai ici V., L. et Y.) ont eu de la difficulté à se mettre au travail: ils étaient très souvent déconcentrés, bruyants, et hors de la tâche. Leur groupe a nécessité plusieurs régulations et reformulations des consignes. En outre, de fortes tensions sont apparues à plusieurs reprises, au moment de prendre des décisions et de sélectionner des idées pour le texte. Ces trois élèves ont éprouvé des difficultés à accepter les avis des autres membres du groupe et à faire preuve de flexibilité face à la divergence des opinions rencontrées, en particulier L. et V. . Ces confrontations ne semblent donc pas avoir eu d’effets positifs sur les apprentissages, puisqu’ils n’ont réussi à dépasser leurs mésententes que très tard et après plusieurs interventions de régulation.
 La principale différence de comportement qui a pu être observée entre les deux élèves a été que V. affirmait son désaccord haut et fort, refusant d’exécuter la tâche si ses conditions n’étaient pas respectées, alors que L. défendait certes son avis, mais sans trop insister pour ensuite faire de son côté ce qu’elle avait décidé. Finalement, c’est L. qui a terminé la rédaction du texte à elle seule et en a assumé la plus grande partie de la réécriture.

2) Second groupe.
Le groupe D (dont je nommerai ici les membres A., M. et R.) semble avoir très bien fonctionné d’un point de vue collaboratif. Une grande qualité d’écoute a pu être observée durant leurs discussions, mais également ce qui paraît avoir été une véritable réflexion commune autour du texte, ainsi qu’un effort pour se mettre d’accord sur leurs idées afin de les rendre cohérentes d’une partie à l’autre. La seule étape quelque peu difficile a été pour eux d’accepter de modifier leur texte peu avant leur production finale, après avoir reçu un retour de leurs pairs et de ma part. Cependant, leur désaccord ne s’est pas manifesté entre eux, mais à l’encontre des personnes leur suggérant des modifications (principalement des suppressions de passages trop riches). La collaboration des trois membres du groupe ne semble cependant pas avoir été impactée par cette étape nécessaire.

Facteurs de réussite et/ou d'échecs
Une réflexion autour des critères de Johnson et Johnson (1989) décrivant les conditions à une bonne collaboration permet de relever que le second groupe les a tous respectés, alors que certains ont fait défaut au premier groupe. Ainsi, le critère désigné par les termes de "compétences sociales" et regroupant la confiance mutuelle, la fiabilité et le respect des règles nécessaires entre les membres du groupe leur ont manqué: on peut citer entre autres le désengagement de Y. et V. qui ont choisi de se reposer sur les capacités de L. comme un facteur de non-fiabilité entre les membres du groupe. De même, plusieurs moments d'écriture collaborative portent la trace "d'opérations de sabotage" dans les textes des autres membres du groupe, ce qui bien entendu pose des problèmes de confiance mutuelle et de respect des règles. On peut observer ces éléments grâce à l'outil "historique dynamique de Framapad" sur ce lien, par exemple le 22 avril entre 11h43 et 11h47.
Une piste de régulation serait donc de travailler en amont les compétences collaboratives, ce qui pourrait par exemple être fait en traitant de manière explicite les critères établis par Johnson et Johnson (1989) et en accompagnant ces apprentissages d'exercices pratiques.





ANNEXES

Sous ce lien, vous trouverez le dossier distribué aux élèves (trop volumineux pour être directement joint à cet article), ainsi que les grilles d'évaluation employées pour la production commune et la production individuelle, sur les 4 dernières pages du document.




Bibliographie

Bucheton, D. (2014), Refonder l’enseignement de l’écriture. Vers des gestes professionnels plus ajustés du primaire au lycée, Retz.

Bucheton, D., Soulé, Y. (2009), Les gestes professionnels et le jeu des postures de l'enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées, Education et didactique (3), 29-48.

Puentedura, R. (2009, 04 février), Transformation, Technology, and Education. hippasus. http://hippasus.com/resources/tte/puentedura_tte.pdf

Marmillon, D. (2001), La Parodie de conte, S'exprimer en français : Séquences didactiques pour l'oral et l’écrit (IV), DeBoeck & COROME.

Meirieu, P. (1999). Pourquoi le travail en groupe des élèves ? Objectifs et méthodes du travail en groupe pour les pratiques de classe. In Berbain J.-M., Caujolle, M., Étévé, C., (Dir.), Repères pour enseigner aujourd'hui, Lyon: ENS Editions. Accès https://www.meirieu.com/ARTICLES/pourqoiletdgde.pdf

Meirieu, P. (1997). Groupes et apprentissages, Connexions, 68. Accès https://www.meirieu.com/ARTICLES/groupesetapprentissages.pdf

Johnson, D. W. & Johnson, R. T. (1989). Cooperation and Competition. Theory and research.