msMITIC 2019

SEQUENCE - MISE EN OEUVRE / Prise de vue avec iPad et strip BD 3 cases

10.05.2021

Freda Katia avatar. Freda Katia

msMITIC 2019 - Article proposé par Katia Freda (katia.freda@etu.hepl.ch), avril 2021
 

CONTEXTE
Introduction
Je suis en stage B à Lausanne au collège du Belvédère pour la 2ème année consécutive. En tant qu’architecte de formation initiale et enseignante d’Arts visuels (AVI) en devenir, j’ai réalisé qu’une chance unique dans ma carrière s’offrait à moi : vivre un chantier au quotidien. En effet, la vieille annexe de l’école a été démolie en octobre 2020 et un nouveau bâtiment sera inauguré à la rentrée 2022. 
 
A la rentrée d’août 2020, j’ai donc décidé de faire un lien pédagogique entre le chantier en cours et l’enseignement de ma discipline AVI. Avant que les travaux de démolition ne débutent, avec l’accord de ma direction, j’ai pu explorer le vieux bâtiment avec des élèves pour en garder une trace visuelle. Comme grande adepte de photographie, l’idée d’emmener des élèves faire de la prise de vue dans le bâtiment désaffecté est donc naturellement née, avec, à la clé, une séquence d’enseignement autour de l’image.
 
Utilité du numérique
J’ai été formée au dessin d’architecture à la main il y a plus de 20 ans à l’EPFL. A peine sortie de l’école, j’ai dû me mettre à la conception et au dessin assisté par ordinateur (CAO et DAO) et j’en ai rapidement saisi le potentiel infini, tant en termes d’efficacité et rapidité qu’en terme d’optimisation du processus de projet. J’ai ensuite longtemps travaillé dans la communication visuelle appliquée à l’environnement construit, un des nombreux secteurs dans lesquels les outils numériques sont aujourd’hui incontournables. Je suis intrinsèquement convaincue de l’utilité du numérique pour les fonctionnalités améliorées et modifiées qu’il amène, en plus de substituer plus efficacement certaines tâches. C’est dans cette optique que j’essaie dans la mesure du possible d’intégrer des outils numériques dans mon enseignement des arts visuels. Sans le numérique, il est évidemment possible d’enseigner les AVI de façon tout à fait classique, mais ce serait – à mon sens - maintenir les élèves hors de la réalité professionnelle. La présence des MITIC dans le PER n’est évidemment pas casuelle. J’y vois aussi un intérêt pour la motivation des élèves. Souvent ils arrivent en cours d’AVI en affirmant « ne pas savoir dessiner ». Je doute que l’on puisse apprendre à dessiner à un élève avec une seule période par semaine à la grille horaire (3 s’ils choisissent l’OCOM). Cette réalité ne peut que contribuer à les conforter dans leur idée d’incompétence. Les arts visuels couvrant un champ beaucoup plus large, dont le numérique, je pense réellement que les nouvelles technologies peuvent contribuer à motiver les élèves à acquérir des compétences dans ma discipline, grâce à des résultats plus immédiats d’une part mais aussi en la rendant plus concrète et utile au regard de leur futur professionnel.
 
Retour après expérience
Un peu pressée par le temps, car le bâtiment allait être interdit d’accès dès octobre 2020, j’ai rapidement réservé 24 d’iPads et suis partie en exploration spatiale et visuelle avec une classe de 11VP, un mardi matin de septembre pendant 2 périodes, assez spontanément. La classe que j’ai choisie pour cette activité présente des profils d’élèves intéressés et preneurs de mes activités, pour la plupart. Ils sont donc tous entrés sans aucune difficulté dans la tâche « prise de vue avec iPad » et réalisation d’un strip BD. Ils démontrent habituellement une belle motivation, même les plus faibles ; à défaut, ils répondent tous aux attentes du milieu scolaire. Ceci dit, je pense que plusieurs autres de mes classes pourraient aussi être preneuses, sous réserve de quelques adaptations. A tester donc.

Traces et illustrations: un élève en pleine manipulation d'iPad 
image.png 6.27 MB
 
Compétences enseignantes
Je recours à l’informatique comme interface pour mes cours (réalisation et projection de contenu spécifique par exemple), comme outil de production de mon matériel pédagogique (consigne, modèle, grille d’évaluation, etc.) et comme média d’information (recherche documentaire), notamment. Je suis une utilisatrice habituée et convaincue de son caractère incontournable pour tous. Les jeunes générations sont un public captif, car né avec un smartphone, mais elles ignorent souvent comment utiliser activement les outils numériques au sens plus large … C’est là que nous avons un rôle à jouer.
 
En ce qui me concerne, comme la plupart de mes élèves, je maîtrise la fonction appareil photo d’un smartphone. Pour ce qui est de la tablette, de taille plus grande, le rapport physique avec le medium est un peu différent mais les fonctionnalités du soft sont pour l’essentiel les mêmes. Le prérequis de manipulation était donc déjà présent pour tous, moyennant une légère adaptation au format de la tablette, qui est manipulé à deux mains plutôt qu’une. 
 
Dans cette séquence, ma plus-value didactique consiste à amener aux élèves des connaissances en lien avec la culture de l’image (composition, lecture, rôle, symbolique, etc.). 
 
 
ALIGNEMENT PEDAGOGIQUE
 
Schéma Lagoutte
En phase de sollicitation, les élèves réalisent les prises de vue, après que l’enseignante ait expliqué les concepts en lien avec l’image et la mise en scène (cadrage, zoom, plongé, contre-plongé, gros plan, lumière, contre-jour, etc.). 
La phase divergente consiste à distribuer leurs photos aux élèves en leur demandant de les observer et d’en choisir une seule pour écrire une phrase qui raconte ce qu’ils voient dans l’image. Après cela chacun reçoit la photo d’un autre camarade et refait le même exercice d’écriture. Les deux phrases sont ensuite affichées avec l’image et lues à haute voix par l’enseignante qui relève au passage les différentes lectures possibles d’une même image en lien avec la personnalité, l’histoire et le vécu individuel de l’observateur. On procède ensuite à un vote pour choisir la phrase qui colle le mieux à l’image. Les élèves n’ont pas de consignes particulières pour effectuer leur choix, ils doivent juste ressentir une émotion de façon assez spontanée, et exprimer leur préférence. La phrase qui remporte le plus de voix servira d’in-put à l’auteur de la photo au moment de créer sa narration pour réaliser son strip BD 3 cases. L’élève auteur de la photo devra accepter cette contrainte même si sa propre phrase ne remporte pas le vote (à main levée) de la classe. 
Ensuite quelques exemples d’auteurs sont montrés aux élèves avant qu’ils se lancent dans la conception de leur strip BD en phase convergente
En phase d’approfondissement, ils doivent d’abord analyser leur photo d’un point de vue graphique, identifier quel type de plan elle représente pour déterminer la position qu’ils vont lui donner dans le strip BD. Est-ce un plan général (information), un plan rapproché (détail) ou un plan moyen (explication) ? En s’inspirant de la phrase, ils doivent ensuite inventer une histoire qu’ils vont dessiner. Il s’agit de dessiner les deux cases manquantes en respectant les codes de cette narration visuelle spécifique. Ils ont la liberté d’insérer du texte ou non. Pendant leur recherche au crayon sur papier brouillon, l’enseignante régule le travail des élèves en leur donnant des retours formatifs réguliers, en fonction des besoins individuels. Une fois leur projet ficelé, les élèves peuvent se lancer dans le dessin au propre. 
La phase divergente d’expression personnelle termine la séquence. Pour ce travail, ils disposent d’une feuille A4 blanche à utiliser en format paysage, de leur photo imprimée (format environ 8cm), d’un stylo noir pour l’encrage et de crayons pour la mise en couleur. Ils ont une relative liberté de style, l’unique consigne concerne le respect des caractéristiques typées d’un bonhomme playmobil, qui doit être reconnaissable. Un soin doit être porté à la mise en page générale : cadrage, alignement, équilibre, choix des couleurs, découpage et collage de la photo imprimée.
 
 
Objectifs du PER
 
A 31 AV — Représenter et exprimer une idée, un imaginaire, une émotion, une perception dans différents langages artistiques…
…en inventant, produisant et composant des images librement ou à partir de consignes

A 32 AV — Analyser ses perceptions sensorielles…
…en distinguant le langage des images fixes ou mobiles

A 33 AV — Exercer diverses techniques plastiques…
…en utilisant des techniques audio-visuelles et numériques

FG 31 — Exercer des lectures multiples dans la consommation et la production de médias et d'informations…
…en analysant des images fixes au moyen de la grammaire de l'image : recours aux moyens audiovisuels et informatiques adaptés à la tâche à effectuer jusqu'à la production finale

CT — Communication
… Codification du langage : respecter les règles et les conventions propres aux langages utilisés

CT — Stratégies d’apprentissage
… Acquisition de méthodes de travail : gérer son matériel, son temps et organiser son travail

CT - Pensée créatrice
… Concrétisation de l'inventivité :  tirer parti de ses inspirations, de ses idées
 
Objectifs d’apprentissage spécifiques
Je conçois une mise en scène avec un playmobil dans un bâtiment désaffecté (ancienne annexe).
Je prends en photo ma mise en scène à l’aide d’un iPad. 
J’invente une histoire à partir d’une phrase et de ma photo. 
Je dessine un strip BD de trois cases (2 dessins et 1 photo) figurant 3 plans différents (général, rapproché, moyen).
 
Style pédagogique
Mes collègues de file AVI ne jurent que par le crayon, et se refusent à aborder les technologies numériques tant que les élèves ne maîtrisent pas les médiums classiques (crayons, stylos, pinceaux, etc). Pour ma part, j’ai une posture un peu différente. Il me semble aujourd’hui indispensable que les élèves souhaitant s’orienter vers des métiers demandant une formation artistique aient déjà touché aux outils numériques à l’école obligatoire, avant leur entrée dans le monde professionnel. A fortiori encore plus s’ils souhaitent s’orienter vers des écoles d’art comme l’eracom ou l’ecal par exemple. Mon rôle est donc de les initier, celui des élèves d’en prendre conscience et de s’y intéresser.
 
Selon le modèle SAMR, je dirais que le rôle de l’environnement numérique dans cette séquence, se situe entre Amélioration et Modification du travail. Les élèves peuvent en effet mieux comprendre les notions de plans et de cadrage en visualisant directement leur production photo. Ceci ne serait pas possible avec un appareil argentique où un délai d’attente est imposé entre la prise de vue et le développement de la pellicule. De même ils peuvent recommencer directement la prise de vue si le résultat ne leur convient pas, sans coût supplémentaire, sans délai. L’enseignant peut interagir et réguler en direct. La tâche est aussi modifiée grâce à l’outil numérique, la réalisation d’un strip BD multimodal, plutôt qu’entièrement au dessin, amène une dimension réflexive supplémentaire. Il s’agit, pour les élèves, de développer la capacité à prendre de la distance, à s’éloigner de l’environnement dans lequel la prise de vue a été initialement réalisée pour créer une narration originale. 
 
Retour après expérience
Les productions finales exploitent toutes correctement l’image réalisée avec l’ipad. Les narrations sont quant à elles plus ou moins inventives.
  
Evaluation
Les élèves ont été notés selon le paradigme de l’AFL (Assessment for Learning), autour de 4 critères minimaux et 5 critères supplémentaires. 
 
Critères (minimaux en gras italique)
1. Cadrage et plan : la première case représente un plan général (informatif)
2. Cadrage et plan : la deuxième case représente un plan rapproché (détail) 
3. Cadrage et plan : la troisième case représente un plan moyen (explicatif) 
4. Illustration : le playmobil est minutieusement observé, ses caractéristiques sont reconnaissables
5. Encrage : le dessin crayon est repassé à l’encre
6. Couleur : le dessin encré est mis en couleur aux crayons
7. Timing-engagement : le travail est fini dans les temps en respectant les consignes
8. Originalité : la narration a un sens (situation de l’action, action, chute)
9. Expression et créativité : la composition finale sur format A4 paysage est originale et équilibrée  
                                                                                                                                                                                                                  Echelle: Critères -> Note
0 critère min  -> 2
1 critère min  -> 2,5 
2 critères min -> 3 
3 critères min -> 3,5 
Les 4 critères min + un -> 4,5
Les 4 critères min + deux -> 5
Les 4 critères min + trois  ->5,5
Les 4 critères min + quatre ou cinq -> 6

L’ensemble de la classe a obtenu la moyenne, il n’y a aucune note insuffisante, neuf élèves ont même obtenu un 6. La partie numérique de la séquence a été très prisée. Tous les élèves ont produit des images, la plupart trop… Il n’y a pas eu besoin de remédiation, juste un temps supplémentaire accordé à deux élèves plus lents…

Traces et illustrations: production finale des élèves
GESTION DE CLASSE
Education aux medias
Dans nos sociétés où l’image est omni-présente, les élèves qui ont pris le temps de produire eux-mêmes des images, de les analyser et de les utiliser devraient être mieux armés pour porter un regard critique sur leur environnement visuel. La photographie fait partie des notions à aborder dans le PER à travers des concepts tels que point de vue, cadrage, plan large, plan rapproché, etc. L’analyse de l’image aussi. C’est aussi dans ce même état d’esprit que j’ai fait venir le musée de l’Elysée dans cette même classe pour animer un atelier autour des identités numériques (https://photomobile.elysee.ch/mes-identites-numeriques).
 
Retour après expérience
Je suis très satisfaite par l’expérience menée avec cette classe de 11VP, public idéal. J’ai fait le choix de travailler sur des projets personnels au 2ème semestre avec cette classe et, bonne surprise, plusieurs groupes d’élèves ont choisi de travailler avec les outils numériques (stop motion). Je me réjouis d’ores et déjà du résultat final. 
 
Planification
La leçon de prise de vue avec iPad s’insère dans une séquence sur la réalisation d’un strip BD de 3 cases, une case étant l’impression d’une photographie et les deux autres cases étant dessinées. 
Concernant l’organisation, les tâches de l’enseignant avant, pendant et après, sont les suivantes :
Avant :
  • Prévoir la sortie de classe, aviser la direction et la cheffe de projet chantier
  • Réserver les iPads, aller les chercher à l’avance, vérifier qu’ils sont chargés, les numéroter
Pendant :
  • Distribuer son iPad à chaque élève
  • Expliquer comment on prend des photos avec une tablette (éviter le zoom numérique pour des questions de qualité d’image, ne pas bouger pour des questions de netteté)
  • Donner les consignes de prise de vue pour les deux exercices prévus : d’abord neuf images abstraites du bâtiment, puis une mise en scène de personnage playmobil 
  • Guider les élèves sur les lieux de prise de vue et donner les consignes de sécurité
  • Gérer le temps pour chaque exercice (par la distribution des playmobil à la mi-leçon)
  • Retourner en classe 
  • Récupérer les images de chaque élève par airdrop
  • Sauver les images dans des dossiers individuels nominatifs sur ordinateur personnel
Après :
  • Vider les iPads
  • Ramener les iPads
 
Retour après expérience
La partie la moins réussie et la plus longue à gérer a été le tri des photos avant transfert. Dans ce type de travail, il est important de ne pas sous-estimer la tendance des élèves à prendre énormément de photos. La plupart des élèves en ont fait beaucoup plus que ce qui était demandé et n’ont pas réussi à faire le tri et choisir. Au final, j’ai dû procéder au transfert moi-même et j’ai tout imprimé avant choix, ce qui n’était pas très "développement durable" malheureusement.
 
Déroulement
Les tâches que les élèves doivent faire sont les suivantes :
  • prendre en main l’iPad et réaliser les prises de vue selon les consignes données : photo d’un playmobil mis en scène dans l’ancienne annexe
  • trier les images en surnombre
  • sauvegarder les images choisies
  • analyser les images
  • exploiter les images pour une création personnelle : concevoir et dessiner au crayon un strip BD de 3 cases (3 plans différents)
  • rendre une production aboutie : coller la photo, encrer le dessin au stylo et le colorier aux crayons de couleurs
 
A la fin de cette séquence les élèves auront abordé et acquis les compétences suivantes :
  • Compréhension du langage technique autour de la photographie
  • Pratique de la photo avec tablette
  • Connaissance des codes graphiques de narration par strip BD 3 cases 
  • Analyse d’éléments inhérents à la composition d'une image fixe (cadrage, couleur, lumière, profondeur de champ, rythme, mouvement, champ/hors champ, plans, mise en scène,…)
  • Adoption d’une posture « d’auteur artiste » car c’est leur regard et leur inventivité qui aura dicté la prise de vue puis la narration finale
 
Evaluation et ressenti après expérience
La prise de vue s’est déroulée en totale autonomie des élèves qui ont très bien géré leur déambulation et exploration visuelle d’un bâtiment désaffecté. Même si les élèves n’ont pas eu de difficulté à gérer 2 tâches différentes, si c’était à refaire, je choisirais probablement d’aller deux fois faire le shooting, pour être plus confortable en termes de timing. 
 
Pistes d’amélioration
Pour aller plus loin et exploiter davantage l’outil informatique, j’aurais pu demander aux élèves de préparer les cases du strip BD sur un logiciel de mise en page et d’y insérer la photo avant d’imprimer le canevas sur le papier A4. En évitant les découpages et collages, la production finale aurait pu gagner en qualité de rendu. La partie vote pourrait aussi être rendue plus ludique et interactive en implémentant un menti avec les phrases proposées par les élèves.
 
 Traces et illustrations: production finale des élèves
image.png 8.71 MB

 
Katia Freda 15.04.2021