La séquence que je vais présenter ici est donnée au gymnase dans une classe de 2ème année Culture générale. J’enseigne en effet également au Secondaire 2 et j’ai choisi de réaliser cette séquence à ce niveau pour une raison très simple : donner à une classe la possibilité de faire de la musique. Il faut dire que c’est une classe à laquelle j’enseigne l’histoire de la musique dans un auditoire sans instruments... Nous avons donc passé toute l’année à faire de la théorie et à écouter de la musique. Pour que ce que nous avons appris durant cette année prenne encore plus de sens et de manière ludique en cette fin d’année – les évaluations étant terminées, j’ai plus de libertés dans le programme – j’ai donc décidé de mettre les élèves dans la peau de compositeurs et compositrices dans le but de créer une musique grâce à un site fait par l’artiste « Madeon » :       

 

Je me suis renseigné auprès de la direction de l’établissement avant de commencer la séquence, et pas de problème pour utiliser les portables des élèves à des fin pédagogiques. Génial ! je peux prévoir ma séquence que je vais décrire plus bas, et dans laquelle je vais présenter d’abord le site aux élèves, avant de les laisser partir à la découverte de celui-ci, pour que finalement chaque élève présente son résultat devant la classe. Il s’agit ici d’une intégration ponctuelle de MITIC, dans le but d’apporter un aspect ludique au cours d’histoire de la musique.

 

Cette séquence est bien sûr réalisable également au Secondaire 1. Il sera alors important de penser à réserver des tablettes, ce qui est possible dans mon établissement.

 

 

Étant donné que la salle dans laquelle le cours est donné ne possède pas de matériel de musique autre que des haut-parleurs, les outils numériques permettent d’amener un aspect plus axé sur la pratique musicale. Durant toute l’année, nous avons écouté énormément de musique afin de comprendre comment les compositeurs imaginaient leur musique. L’idée dans cette activité est d’aller dans le prolongement de ce travail en utilisant le numérique pour que les élèves créent à leur tour de la musique. Dans cette idée, nous avons une amélioration grâce au numérique selon le modèle SAMR d’Alain Levy, dans le sens où les élèves ont un matériel en plus dans la salle et peuvent donc faire de la musique ce qui n’était pas le cas sans les outils numériques.

L’avantage du numérique est également que les élèves n’ont pas besoin de maîtriser un ou plusieurs instruments pour créer une musique, ce qui leur prendraient plusieurs années. Toujours selon le plan SAMR, le numérique constitue alors également une substitution des instruments traditionnels.

 

Lors de la mise en œuvre de la séquence, je me suis confronté à un problème informatique que je penserai à mieux anticiper une prochaine fois. En effet, le seul défaut à mes yeux de ce site, c’est qu’il n’est pas possible d’enregistrer la création depuis le site. J’avais anticipé cet élément en prévoyant de demander aux élèves de faire une capture d’écran en filmant directement depuis leurs téléphones portables, pour me l’envoyer par email après. La partie enregistrement n’a posé aucun problème, c’est l’envoi qui a été plus compliqué. En effet, si la création durait plus de 50 secondes, le fichier était trop gros pour passer par mail. J’ai donc dû créer un Google drive pour récolter les travaux des élèves. Cela a malheureusement pris du temps sur la séquence et j’anticiperai donc cette partie dans le but d’être plus efficace et de laisser plus de place à la partie créative.

Une autre solution serait de trouver une application qui permettent d’enregistrer les musiques créées par les élèves. Il sera alors important de vérifier que cette application soit téléchargeable sur IPhone et sur Android. Une dernière option serait de faire des duos d'élèves, avec un élève qui test le site et crée une musique, et l'autre élève qui enregistre depuis son téléphone la création de son camarade. Cela permettrait d'avoir un trace audio plus facilement transférable par mail.

 

 

Pour mener à bien cette activité, l’enseignant doit bien maîtriser le site. Celui-ci n’est pas très compliqué d’utilisation est c’est bien ici l’avantage de l’utiliser ! Ce qui à mon sens est très important, c’est également que l’enseignant donne des consignes claires par exemple sur la forme que doit prendre les créations des élèves. Il est donc important que l’enseignant puisse bien définir et expliquer la structure d’un morceau aux élèves.

 

Le site utilise un système qui se construit avec des sample (échantillon musical) qui tournent en boucle. Pour que les élèves comprennent au mieux ce principe de composition qui consiste à superposer différentes boucles rythmiques, mélodiques et harmoniques, je commence le cours en leur montrant une vidéo dans laquelle nous voyons l’artiste Stromae qui construit la chanson « Alors on danse » avec Jamel Debouze :

En plus de son aspect humoristique très sympa, cette vidéo permet à l’enseignant de bien mettre en lumière les différentes boucles qui sont superposées et qui donnent finalement le caractère de cette chanson.

 

Mises à part ces quelques éléments, la séquence ne demande pas plus de compétences musicales, ce qui permettraient à des enseignants d’autres discipline de donner également ce cours.

Mais comment ai-je trouvé ce site? Et bien comme souvent, c'est en cherchant et finalement grâce aux connaissances dans le domaine d'un élève. Lorsque j'ai commencé l'élaboration de cette séquence, j'avais envie de trouver une application qui permette aux élèves de créer de la musique depuis les téléphones portables. En cours de didactique de la musique, nous avions exploré plusieurs application comme "Edjing Mix" ou "Dubstep Pads". En me replongeant dans cet univers, la deuxième me semblait idéale et j'ai commencé à élaboré ma séquence avec. Par la suite, j'ai voulu la montrer à quelqu'un qui possédait un iPhone, mais impossible de trouver l'application, il n'existait qu'une version pour Android. J'ai donc continué mes recherches en explorant d'autres applications et en discutant de cela avec mon entourage. C'est finalement un élève que je suis dans le cadre d'un travail de maturité qui m'a parlé de ce site. Il connait bien la composition avec musique électronique et m'a dit que c'était avec ce site qu'il avait commencé à essayer. Je me suis dit alors immédiatement qu'il fallait que je parte à la découvert de ce site et effectivement, il marchait parfaitement et très instinctivement! En plus, le fait que ce ne soit pas une application mais un site, permet d'y accéder depuis tous les portables, ordinateurs ou tablette et nous évitons les éventuels problèmes lors du téléchargement. Merci à cet élèves qui m'a permis de trouver le site parfait pour cette séquence!

 

 

Objectifs du PER :

A 31 Mu – Représenter et exprimer une idée, un imaginaire, une émotion, une perception dans le langage musical en inventant des ambiances sonores, librement ou à partir de consignes, et en utilisant diverses technologies de traitement du son.

EN 33 – Exploiter des outils numériques pour réaliser des projets en utilisant les fonctionnalités des logiciels adaptés à la tâche.

 

L’objectif disciplinaire principal est donc d’exprimer une idée. Pour cela je choisi d’exploiter des outils numériques. Le but est donc de travailler sur cet aspect transversal dans le but de favoriser la créativité des élèves.

 

 

Le rôle de l’enseignant dans cette activité est d’abord de transmettre les connaissances nécessaires et de donner les bonnes informations pour la bonne réalisation d’une musique, surtout en ce qui concerne la structure. Par la suite, l’enseignant a un rôle plus en retrait et régule l’activité selon les besoins des élèves. Dans cette deuxième partie, l’enseignant guide les élèves dans le processus d’apprentissage, mais en s’impliquant uniquement sur le processus et non sur la musique que les élèves créent. L’idée est d’éviter à tout prix que l’enseignant donne des conseils de créations, ce sont les élèves qui doivent créer par eux-mêmes.

Les élèves sont donc justement rapidement mis dans une posture de producteur. Ils devront, selon la structure demandée par l’enseignant, produire une musique et la présenter devant la classe. Il y a ici une transposition didactique au monde de la musique, dans lequel ils seraient alors compositeurs et producteurs.

L’accès au numérique est simple à mettre en place étant donné que chaque élève possède un téléphone portable. Si l’on reprend le modèle SAMR, nous avons également dans cette séquence une dimension de redéfinition. J’ai déjà parlé plus haut des dimensions de substitution et d’amélioration. La redéfinition est ici présente car l’approche de création musicale était jusque-là impossible étant donné le manque de matériel. Le rôle du numérique est donc très important et permet aux élèves de d’accéder à un exercice de création musicale.

 

Ce qui était important pour moi, c’était que les élèves créent LEUR musique. C’est pour cela que j’ai choisi de me mettre le plus en retrait possible. Lorsque certains avaient des questions, je leur répondais en leur posant des questions en retour afin qu’ils trouvent la réponse par eux-mêmes. Cela a très bien fonctionné, les élèves ont réussi à s’autoréguler j’ai même eu un groupe qui, pour se souvenir de l’enchainement des boucles, a écrit un schéma qui faisaient office finalement de partition !

 

Évaluation 

 

Étant donné que cette activité arrive en fin d’année et ne fera pas l’objet d’une note, il s’agit donc ici d’une évaluation formative. Cette évaluation sera sous forme de présentation orale. Chaque élève doit pouvoir expliquer la structure de son morceau – A / B / A’ ou A / B / A – et définir l’atmosphère de chaque partie.

 

L’objectif lié à l’informatique est ici vérifié par la production des élèves. Dans un certain sens, si l’élève a pu créer une musique, l’enregistrer depuis son portable et me l’envoyer d’une manière ou d’une autre, l’exploitation des outils numériques pour réaliser des projets est acquise.

L’objectif lié à la musique est vérifiable alors dans la présentation orale des élèves. Si l’élève est capable d’expliquer quand commencent les différentes parties et de les décrire en définissant l’atmosphère de ces dernières, l’objectif est atteint. 

 

Ce que les élèves ont appris d’après moi, c’est qu’il est tout à fait possible de créer une musique sans être forcément un musicien professionnel et accompli. D’après les retours et les discussions que j’ai eus avec les élèves, je pense qu’ils ont réussi à sortir de la vision de l’artiste créateur qui claque des doigts et qui a l’inspiration. Ils ont compris que si l’on définit une structure et que l’on procède de manière méthodique, il est tout à fait possible de créer de la musique, et plus particulièrement avec des outils informatiques.

 

 

 

Les élèves ayant l’habitude d’utiliser leurs portables, je n’ai pas eu besoin de mettre en place des éléments particuliers par rapport à l’ergonomie, si ce n’est de demander aux élèves d’amener des écouteurs pour que le cadre de travail soit agréable pour tout le monde. 

 

Quelques semaines auparavant, j’avais fait un cours sur le sample qui est beaucoup utilisé dans la musique actuelle. J’avais donc présenté des musiques plus anciennes qui avaient été reprises par des artistes d’aujourd’hui pour mettre en lumière ce phénomène. Nous avons eu après un moment de discussion sur les droits d’auteurs et les élèves étaient donc sensibles au fait de devoir dire d’où vient un son en particulier. Le site que nous utilisons dans la séquence est créé par l’artiste Madeon, les élèves étaient donc conscients qu’ils créaient avec la musique de Madeon. Ils ne pouvaient pas dire ensuite que c’était uniquement leur musique. Pour cela, il faudrait créer les boucles soi-même, ce qui est plus complexe mais qui peut rentrer dans une idée de continuité du cours.

 

 

Comme évoqué plus haut, cette séquence s’insère à la fin du programme d’histoire de la musique, dans une idée de continuité. Nous avons discuté et analysé les différents moyens de composer de la musique durant toute l’année. Cette séquence permet alors aux élèves d’expérimenter à leur tour la composition, afin d’amener une dimension plus concrète au cours.

Pour le matériel, il est nécessaire d’avoir un ordinateur relié à un écran et des haut-parleurs pour les explications du fonctionnement du site. En dehors de cela, les élèves ont besoin de leurs portables et il n’y a pas d’autre matériel à préparer. Il est donc nécessaire de s’assurer que chaque élève possède un portable, pour éviter que l’un ou l’autre ne puisse pas faire l’activité. J’ai également prévenu une semaine à l’avance les élèves pour qu’ils pensent à charger leurs portables, ou à prendre un chargeur avec. Je leur ai également demandé de venir avec des écouteurs. En effet, il me semblait important que chacun puisse se concentrer sur son activité sans entendre les musiques des camarades en arrière-fond. J’ai prévu deux périodes de 45 minutes pour cette activité. Cependant, suivant le nombre d’élèves dans la classe, il est peut-être nécessaire de prévoir une période supplémentaire pour que chaque élève ait le temps de présenter sa création.

Le risque principal à mon avis est que les élèves profitent d’être sur leurs portables pour faire d’autres choses, jouer à des jeux, écrire des messages, etc. Pour éviter cela, j’ai fait attention à ne pas laisser trop de temps pour le moment création. Ainsi, ils avaient un temps limité pour créer et penser à ce qu’ils allaient présenter devant la classe. J’ai fait également attention à passer régulièrement vers chaque élève pour voir l’avancée du projet, demandé s’ils avaient besoin d’aide ou autre. Le fait d’avoir l’enseignant qui passe souvent voir ce que font les élèves, a évité je pense que ceux-ci fasse autres choses.

Le seul élément qui a posé problème dans la mise en œuvre de cette planification, c’est comme je l’ai dit plus haut le moment où les élèves devaient me transmettre leurs musiques. J’ai perdu du temps à ce moment et je ferai attention à préparer un google drive ou autre système qui fonctionne à l’avance.

 

 

-       J’ai commencé l’activité en montrant la vidéo de Stromae et Jamel Debouze :

En introduction de ce visionnage, j’ai dit aux élèves qu’ils allaient à leur tour composer de la musique, après avoir passé une année à étudier cela. J’ai donc dit qu’ils allaient composer avec une méthode moderne qui sera présentée dans la vidéo. En regardant la vidéo, ils devaient donc cerner le mode de composition.

 

-       Après le visionnage j’explique aux élèves le principe de composition par superposition de boucles qui est utilisé dans la vidéo, afin que les élèves comprennent qu’ils vont devoir procéder de la même manière

 

-       Je présente ensuite le site qu’ils devront utiliser. Ils ont à disposition trois types de boucles représentées par des carrés de couleur et qui ont des caractéristiques différentes. Les carrés bleus sont construits plutôt sur des rythmes, les verts sur des mélodie et les rouges sur des basses. Ils peuvent superposer les trois couleurs, seulement une boucle de bleu et de rouge, et jusqu’à trois boucles pour les carrés verts.

 

-       Je donne ensuite la consigne de créer une musique avec une forma A / B / A ou A / B / A’. Il doit donc y avoir trois parties dans la musique et les parties A et B doivent être bien différentes pour donner plus de relief à la musique.

 

-       Je laisse les élèves explorer, essayer et enregistrer leurs écrans durant environ 30 minutes. Pendant ce temps, je passe vers les élèves pour répondre à leurs questions et pour les questionner sur les choix qu’ils font, afin d’être sûr qu’ils comprennent le processus.

 

-       À la fin de ce moment, je demande aux élèves de m’envoyer par mail leurs créations.

 

-       Pour finir, chaque élève présente sa musique en décrivant les différentes parties par de simples mots de leur choix.

 

-       Je finis l’activité en mettant en avant le fait qu’ils ont tous réussi à créer une musique, et que pour cela ils n’avaient pas besoin d’être forcément musicien, mais de comprendre le processus. Je les encourage à découvrir d’autres applications si cela les intéresse.

 

Durant cette activité, les élèves se sont très rapidement prêtés au jeu et ont beaucoup apprécié la séquence. Ils ont tous réussi à créer un son original et à le décrire. Cependant, certains ont oublié en cours de route de respecter la structure demandée, et ils ont simplement créé des sons sans penser à la forme. Ils s’en sont rendu compte lors de la présentation et ont donc été conscient de ce manquement. Je leur ai donc demandé de refaire une création pour la semaine suivant avec la structure intégrée pour qu’ils saisissent bien l’idée du processus créatif. Grâce à cela, la semaine suivante, ces présentations étaient beaucoup plus claires pour les élèves qui présentaient et pour ceux qui écoutaient.

 

Voici un exemple d’un projet fait par deux élèves :

Dans cet exemple, les élèves ont mis en avant leur structure A / B / A en décrivant la partie A dans le style de « Daft Punk » et la partie B dans un style « Summer music ». La partie A commence progressivement et se met en place petit à petit jusqu’à la minute 1 :02 pour laisser place à la partie B. Le visuel aide beaucoup pour voir la transition, car la partie B commence lors d’un changement de boucle bleu. L’enchainement est fluide et j’ai félicité les élèves sur ce point. Nous retrouvons ensuite la partie A à la minute 2 :08. Ce changement est plus abrupt et les élèves en étaient conscient, cela était voulu. Tout ce qui est voulu en création est juste et j’ai donc également félicité les élèves sur ce point !

 

Pour conclure, je trouve cette activité très sympa à faire en fin d'année. Cela permet de revoir certains sujets travaillés durant l'année mais d'une manière totalement nouvelle grâce au numérique. De plus, cela a beaucoup plu aux élèves, ce qui a participé à leur investissement très agréable !

 

 

- Levy, A., « SAMR, un modèle à suivre pour développer le numérique éducatif ». Technologie n° 206,janvier-février 2017, p. 8-13.

 

- Vidéo de présentation « Alors on danse » :

 

- Vidéo d’exemple du projet de deux élèves :

 

- Site « Madeon » pour créer une musique :