msMITIC 2019

SEQ1: Continuité pédagogie

09.10.2021

Virginie Christeler avatar. Virginie Christeler

Introduction 
Lors de l’annonce de la fermeture des écoles le 13 mars 2020, j’enseignais le français (stage A) à une classe de raccordement au collège des Rives à Yverdon-les-Bains. Ce dernier élément n’est pas négligeable dans la mise en place de l’enseignement à distance, puisqu’il s’agit d’un tout nouveau bâtiment inauguré à la rentrée d’août 2019 et donc équipé des dernières technologies numériques existantes dans les écoles vaudoises. Par conséquent, la plupart des enseignants de cet établissement étaient un minimum habitués à l’emploi de moyens informatiques (comme des beamers et tableaux blancs interactifs) pour dispenser leurs cours, plusieurs supports déjà existants pouvaient donc être transmis à distance sans devoir subir trop de modifications. 
Plus personnellement, la mise en place de l’enseignement à distance a très clairement été facilitée par le fait que la classe dans laquelle j’effectuais mon stage était particulièrement dynamique et demandeuse d’apprendre. De plus, le fait qu’ils soient un peu plus âgés que la majorité des élèves de secondaire I a très clairement aidé dans le développement de l’autonomie nécessaire à l’enseignement à distance. L’année de raccordement étant déjà considérée par la plupart comme une année de consolidation, nous avons allégé le programme prévu, mais sans vraiment nous éloigner des objectifs à atteindre. Et ce d’autant plus que le flou autour de la tenue ou non des examens de fin d’année à perdurer plusieurs semaines. L’essentiel était donc d’assurer que les sujets qui pouvaient potentiellement tomber à l’examen avaient été vus et seraient maîtrisés au mois de juin. Avant la fermeture des écoles, nous travaillions justement sur deux séquences (le texte argumentatif et la lecture d’un livre) en vue de l’épreuve finale de français. Après discussion avec mon prafo, nous avons décidé de nous répartir le travail. Je me suis presque exclusivement concentrée sur la lecture en cours. Le texte qui suit se concentrera donc sur la lecture et la compréhension de La vie devant soi de Romain Gary à distance.  
 
 

Anticipation 

- Compétences Sqily
Plus que jamais peut-être la fermeture des écoles a demandé une souplesse et une très grande capacité d’adaptation aux enseignants. Il est clair que des compétences de base dans les technologies numériques étaient requises afin de mener à bien la transition soudaine entre école en présentiel ou école à distance. La plateforme Sqily et les différentes compétences qu’elle propose ont très certainement aidé certains étudiants dans la mise en place de leur enseignement à distance. Je pense ici à « Comprendre l’élève digital native », « Connaître les conditions pour une intégration efficace des MITIC dans l’enseignement » ou encore « Savoir varier les approches pédagogiques pour tirer parti des plus-values des MITIC ».
 
- Compétences des élèves 
Concernant les compétences dont les élèves ont dû faire preuve, elles ne dépassaient pas vraiment celles qu’ils maîtrisaient d’ores et déjà. En effet, ils pouvaient gérer toutes les obligations du numérique induit par l’école à distance via leur Smartphone, interface sur laquelle ils sont le plus à l’aise, puisqu’ils recevaient toutes les informations sur WhatsApp et qu’ils pouvaient rendre toutes les tâches à effectuer via cette même application en nous envoyant une photo par exemple du texte à écrire. Il est vrai que très vite, nous nous sommes rendu compte que certains étaient bien moins à l’aise sur un ordinateur et nous n’avons donc jamais imposé qu’une activité soit réalisée via ce type de matériel. Finalement, la compétence qu’ils ont dû mettre en œuvre et qu’il n’avait pas l’habitude d’exercer de cette manière était en lien avec les quizz Kahoot. En présentiel, nous étions habitués à travailler avec ce type d’exercice, mais depuis les tablettes mises à disposition par l’école. À la maison, ils ont dû réaliser ce type d’activité soit depuis leur Smartphone soit depuis leur ordinateur. 
 
- Solutions envisagées et choix final 
Au final assez peu de solutions ont été envisagées, car la communication établie par WhatsApp dans les premiers jours de l’école à distance a très vite fonctionné avec cette classe. Un groupe de classe a été constitué et toutes les informations (que ce soit les activités, les délais, etc.) étaient transmises sur ce groupe. Les différents éléments ont également été mis sur TeamUp, une fois que cette plateforme a été mise en place et utilisée par la plupart des enseignants du collège. Cependant, nous nous sommes rapidement rendu compte que les élèves se servaient principalement de WhatsApp, afin d’obtenir les informations et les activités à réaliser. Concernant la réédition des travaux, ils étaient libres de le faire soit via WhatsApp, soit via email. Sans grand étonnement, une majorité d’entre eux a opté pour une réédition par l’application mobile de messagerie instantanée. Une fois par semaine, le lundi matin, nous nous répartissions la moitié des élèves de la classe entre mon prafo et moi et nous leur téléphonions, afin de garder un contact avec eux. Lors de ce téléphone, ils pouvaient nous poser toutes les questions qu’ils souhaitaient. Évidemment, nous étions également disponibles le reste de la semaine. Ils pouvaient nous écrire par message, WhatsApp ou par mail et nous répondions le plus vite possible. La nature des rétroactions sur les différentes activités à faire variait selon le type de travail demandé. Si celui-ci était individuel et personnel, comme un texte à écrire, chaque élève recevait par mail un commentaire et/ou des corrections et nous en parlions de vive voix au téléphone. Si par contre, il s’agissait d’un travail collectif, les élèves recevaient un corrigé type et là encore nous en parlions durant les moments d’appel hebdomadaire. J’ai proposé à plusieurs reprises à mon prafo d’échanger avec eux via Zoom, cependant, il n’a jamais voulu se lancer dans l’aventure et m’a dissuadé de le faire. 
 

Pédagogie

Par défaut, le numérique a occupé une place importante dans l’école à distance. La communication se faisant presque exclusivement par des outils technologiques. La plateforme TeamUp permettait par exemple d’avoir un « lieu » où tout était inscrit de manière claire et où il était facile de consulter, de manière sommaire, le travail demandé, les dates de réédition, etc… Cependant, ce genre de plateforme ne permet pas, selon moi, de garder un lien pédagogique avec les élèves. C’est véritablement les échanges, parfois quotidiens, via Whats’app notamment qui a permis de maintenir une relation avec les élèves et surtout de jouer notre rôle d’enseignant et d’être une véritable béquille pour les étudiants lorsqu’ils avaient besoin de soutien dans la réalisation des tâches demandées. Parfois même l’outil numérique a remplacé ou supplanté l’enseignant puisque c’est lui qui « interroge » l’élève, comme c’est le cas notamment avec les quizz de connaissances créés afin de vérifier que les élèves faisaient le travail demandé. Heureusement, la plupart des activités réalisées à distance demandaient une rétroaction de ma part et donc permettaient de conserver le lien pédagogique et une certaine relation élève-enseignant de manière générale. 
Il est tout de même important de noter que l’utilisation du numérique comme vérificateur de connaissance est très utile pour les enseignants. En effet, en utilisant plus que d’habitude les quizz Kahoot, je me suis rendu compte à quel point les statistiques des diverses réponses obtenues pouvaient très rapidement aiguiller l’enseignant sur les difficultés et les incompréhensions des élèves. Je pense que c’est une vraie plus-value concrète de l’enseignement par le numérique. 
Malheureusement, je pense que les élèves ont parfois eu du mal à saisir à distance une plus-value liée à l’utilisation renforcée du numérique dans leur apprentissage. Ils ont en certes tirés profit, mais de manière minimaliste selon moio, puisque dès qu’ils pouvaient s’en éloigner, par exemple en rendant un texte en version manuscrite plutôt qu’en version dactylographiée, ils le faisaient. Il serait intéressant, je pense, de retenter l’expérience, une fois les élèves mieux formés et habitués à ce type d’enseignement. 
 
 

Planification 

Comme mentionné en introduction, l’objectif de cette séquence s’inscrivait dans l’objectif global de l’école à distance, c’est-à-dire dans une visée de consolidation des acquis. Cependant, dans le cas présent, la matière était nouvelle, puisqu’il s’agissait d’un roman qu’ils n’avaient jamais lu. La forme par contre et la manière de travailler ne l’étaient pas. De plus, aucune certification notée n’était prévue au terme de cette séquence. Les élèves auraient dû être évalué sur l’apprentissage réalisé seulement si les examens avaient eu lieu dans les conditions habituelles, ce qui n’a pas été le cas. 

Afin de réaliser cette séquence, du matériel a été nécessaire. Tout d’abord, les élèves avaient tous besoin d’un smartphone ou d’un ordinateur avec une connexion internet (chose qu’ils possédaient tous) pour pouvoir se connecter aux différents canaux de communication choisis (Whatsapp et TeamUp). Étant donné qu’ils pouvaient nous rendre tous les travaux en version manuscrite et réaliser les quizz Kahoot directement sur leur téléphone, la maîtrise exigée d’un ordinateur et de ses fonctions était donc amoindrie.

Chaque semaine, les élèves recevaient du travail à réaliser via le groupe Whatsapp de la classe. le délai pour le faire dépendait de la nature de la tâche demandée. Si c'était un simple contrôle de lecture de type quizz Kahoot, il devait le réaliser de semaine en semaine. Si par contre, ils devaient produire un texte ou alors un travail plus approfondi sur un chapitre, ils avaient plusieurs semaines pour le faire
Conversation groupe de classe
Conversation groupe de classe
Conversation groupe de classe

Voici deux exemples de "document consignes" qu'ils ont reçu :

Exemple d'activité d'écriture à distance

Activité individuelle sur un chapitre (1)

Activité individuelle sur un chapitre (2)


Régulièrement d'ailleurs, je rappelais les délais et les tâches à effectuer, afin de soutenir les élèves dans l'organisation de l'école à distance.
Conversation sur groupe de classe
 
Je me permettais aussi de faire des commentaires généraux, lorsque je me rendais compte, après avoir discuté soit en message privé soit au téléphone avec des élèves, que des points restaient obscurs: 

Déroulement et évaluation 

 Concernant le déroulement de la séquence, plusieurs éléments ont déjà été mentionnés plus haut. En résumé, les semaines de l'école à distance ont été consacrées à l’achèvement de la lecture de "La vie devant soi". J'ai en réalité simplement demandé aux élèves de suivre le planning de lecture suivie initialement prévu en présentiel. Afin de m'assurer qu'ils le fassent, je leur demandais chaque semaine de "jouer" à un quizz Kahoot. Cette activité me permettait de suivre également leur compréhension de la lecture, puisque je pouvais voir leurs réponses et donc les questions qui semblaient poser le plus de problème. Cette fonction me permettait de faire des retours généraux à tous les élèves au fur et à mesure, mais surtout à reprendre certains points avec eux, une fois l'école en présentiel à nouveau d'actualité.
Exemple question quizz Kahoot


Scores des différentes questions d'un quizz

En plus de la lecture, les élèves devaient réaliser diverses activités de manière ponctuelle sur l’œuvre littéraire étudiée (cf. deux exemples d'activités dans la section "Planification"). Comme mentionné plus haut, une de ces activités consistaient à travailler individuellement sur un chapitre de "La vie devant soi" pour à terme créer un dossier de révision commun en vue du retour en classe et de l'éventuelle tenue des examens de fin d'année. Ce type d'activité a été appréciée des élèves. Cependant, le fait de la réaliser à distance et de laisser le choix aux élèves de la rendre en version manuscrite ou informatique, m'a demandé beaucoup de travail, afin de remettre les différents documents au propre et de constituer un joli dossier lisible. Ce "problème" a été pour moi révélateur des difficultés du numérique pour les élèves et de l'importance de les former aux fonctions de base comme le traitement de texte, puisque le 80% des élèves ont préféré me rendre le travail fait à la main. 

La plupart des élèves se sont montrés investis dans le travail demandé. La quasi-totalité des travaux a été rendue en temps et en heure, même s’il a fallu parfois des petits rappels.
Voici quelques exemples de travaux d'élèves en lien avec les deux documents consignes mis plus haut :

Travail d'élève - Activité d'écriture (1/2)


Travail d'élève - Activité d'écriture (2/2)

Travail d'un élève sur un chapitre

Travail d'un élève sur un chapitre


Je dois tout de même souligner qu’il était intéressant d’observer une petite baisse de motivation et de stimulation de manière générale. La situation est restée gérable, parce qu’il s’agissait d’élèves très motivés en présentiel. Certes le travail et l’information circulaient tant bien que mal à l’aide de la technologie numérique, cependant aucune solution n’a été trouvée pour pallier aux différents manquements liés au climat de classe. 
 
Il est évident que des savoirs se sont construits et ont été acquis durant cette période. Les travaux produits par les élèves en sont la preuve et nous permette d’affirmer qu’à la fin de la séquence, ils avaient tous une certaine maîtrise de l’œuvre étudiée. Cependant, il paraissait important de consolider certains éléments vus à distance en présentiel une fois que les cours ont repris le 29 mai. La séquence d’enseignement décrite plus haut avait d’ailleurs été pensée en ce sens avec notamment l’idée de créer un dossier de révision du roman travaillé à distance avec le travail effectué par les élèves sur les différents chapitres, afin de reprendre ensemble et en plénière les éléments importants et de pointer les aspects encore obscurs. Finalement, cette manière de travailler est intéressante et pertinente, puisqu’elle permet de revenir sur des points déjà abordés, plusieurs jours voire plusieurs semaines après et donc de consolider peut-être plus durablement les acquis en les réactualisant. La distance imposée par l’arrêt des cours en présentiel et le fait de donner le travail de manière différée et par le truchement d’outils numériques a obligé les élèves à travailler dans un premier temps de manière automne, puis, dans un deuxième temps de manière collective lors du retour en classe. 
 

Éducation aux médias 

À la fin de cette expérience d’enseignement à distance, je pense que le constat a été le même pour la plupart du corps enseignant, c’est-à-dire qu’une grande majorité d’élèves ne maîtrisent pas – ou pas assez – les outils informatiques de base. Ces lacunes se sont révélées au fur et à mesure des activités demandées et ont parfois lourdement handicapé certains élèves dans la réalisation des travaux demandés. Je me suis rapidement rendu compte qu’il était impossible, même si tous mes élèves disposaient d’un ordinateur, d’exiger que des textes me soient rendus en version dactylographiée par exemple. D’ailleurs, la plupart des tâches exigées ont été réalisées à la main et transmises par photographie via Whats’app. Ce phénomène témoigne bien de l’incapacité – ou du moins de la grande difficulté – des élèves a rédigé rapidement un texte à l’aide d’un logiciel de traitement de texte, ainsi qu’à correspondre par e-mail. Si l’on devait tirer une conclusion – ou plutôt une leçon – de cette expérience de scolarité à distance, c’est bien qu’il faut, et ce de manière impérative et urgente, revoir notre enseignement des différents outils informatiques de base. Il faut le faire pour les élèves et leur avenir professionnel ou estudiantin, mais également pour permettre à l’école d’aujourd’hui d’être capable de s’adapter à des situations comme celle que nous avons vécue durant le printemps 2020. Améliorer l’enseignement du numérique et familiariser les élèves a ses avantages et inconvénients – voire dangers – devrait être une priorité ces prochaines années.