#BYOD, repères pour l’usage des smartphones en classe
A l’image d’un couteau suisse, les élèves ont en poche une boîte à outils, leur smartphone. Les milliers d’applications des mobiles représentent autant de moyens pour apprendre. Il est temps de faire sortir cet instrument polyvalent des sacs des élèves pour l’utiliser en classe
Jean-Claude Domenjoz, E-Média
BYOD, de quoi parle-t’on?
Derrière cet acronyme, on retrouve les termes : Bring your own device. L’idée est que l’intégration du numérique en classe se fasse non au travers des appareils à disposition à l’école, mais depuis les appareils déjà en possession des élèves. Ce courant est passé du monde du travail vers le milieu scolaire dans les années 2010. Il recoupe plusieurs réalités. En effet, dans sa forme la plus structurée, il s’agirait d’un appareil choisi par l’établissement que les élèves devraient se procurer, mais dont ils seraient le propriétaire (Cf. Schéma ci-dessous). Comme me l’a fait remarquer Christian Fantoli, qui a participé à la relecture de cette compétence, c’est cette solution qui est privilégiée dans le monde de l’entreprise. A l’opposé, on peut travailler à partir des divers appareils que les élèves possèdent et utilisent déjà pour accéder aux outils et ressources numériques dans notre enseignement. C’est ce cas là que je vous propose d’explorer au travers de l’utilisation des smartphones en classe. Dumouchel, 2015Selon le niveau d’équipement des établissements en matières d’appareils numériques, il nous arrive de lorgner sur les smartphones des élèves. Et pourquoi pas ? Les smartphones actuels permettent d’effectuer un grand nombre de tâches. À moins qu’on ne se lance dans la rédaction d’un texte ou la réalisation d’une présentation, les smartphones sont tout à fait adéquats. Contrairement à l’ordinateur qui pose parfois des problèmes aux élèves, l’usage du natel leurs est familier. L’intégration des smartphones en classe a aussi un large avantage en termes de citoyenneté numérique et d’éducation aux médias. Car si les élèves les utilisent avec dextérité, leur emploi reste limité à certaines tâches, et il maîtrisent mal les tenants et aboutissants de leurs actions dans le monde numérique. Il y a donc tout avantage à ouvrir leurs horizons sur les possibilités et les enjeux de l’utilisation au quotidien d’un téléphone connecté.
Le BYOD dans ce cadre a des inconvénients. Le tous premier est qu’il souligne les inégalités sociales et aussi les styles familiaux. Pour y remédier structurellement, il devrait être envisagé par les établissements d’avoir un fond numérique de prêt à long terme. Au niveau de la salle de classe, l’enseignant peut avoir sous la main, quelques vieux appareils à prêter. Le deuxième inconvénient sera la multiplicité des outils pour lesquels l’enseignant ne sera pas forcement formé. Pour Christian Fantoli, qu’il s’agit là d’un obstacle pour l’instant insurmontable du BYOD. Il va en effet à l’encontre du «principe de quiétude numérique» qui permet à un enseignant d’intégrer le numérique à son enseignement . Ceci impose donc une bonne dose d’anticipation pour mettre en place le BYOD dans sa classe: de quels outils les élèves disposent, quels savoirs technologiques sont à disposition de l’enseignant sont des questions à se poser. D’autres éléments à prendre en considération sont listés dans le tableau ci-dessous. A noter que ce tableau traite du BYOD dans sa définition la plus large.
Dumouchel, 2015 Dans une autre perspective, des chercheurs avancent l’intérêt du BYOD pour la mise en place d’un usage soutenable du numérique (il s’agit ici de développement durable) . En effet, pour atteindre cet objectif il est nécessaire de limiter le nombre de terminaux numériques en circulation (Welz. & Stürmer, 2020). Un seul appareil pour l’usage privé et pédagogique apparaît comme un bon compromis pour la planète.
Quels apports de l’usage des smartphones en classe?
Comme toute introduction du numérique, l’usage des smartphones en classe est un outil pédagogique qui doit s’articuler avec les apprentissages à construire. On retrouve de nombreuses pistes dans les articles de Jean-Claude Domenjoz et dans celui de Sébastien Wart:
On peut noter qu’avec les smartphones, il est possible de monter en puissance dans le modèle SAMR d’intégration du numérique. En effet, sur ces petits écrans, on est est moins tenté de juste transposer une tâche comme l’écriture. Le simple usage d’un nuage de mot, par rapport à une évaluation formative des élèves par Post it, est déjà une augmentation. En mode analogique, les élèves notent des mots clés sur des post it, puis l’enseignant effectue lui même le tri, assemblant les mots identiques. Dans le nuage de mot, la processus est automatique. Les mots clés des élèves sont structurés dans le nuage et il est facile d’identifier les mots redondants comme ceux plus marginaux.
Un exemple d’utilisation de BYOD en géographie au gymnase: Il s’agit d’un travail en enseignement coopératif sur les projections cartographiques.
En groupe d’expertise, les élèves doivent caractériser une carte au travers de sa projection cartographique. Les critères sont la constance de la taille et de la forme des continents.
Un élève du groupe accède au site « True size » depuis son smartphone pour comparer la taille réelle des continents.
Un élève du groupe est le scripteur qui compile les réflexions du groupe sur un Padlet à partir de son smartphone.
Les élèves sont considérés experts d’une projection. Ils se répartissent en différents groupes. Chaque groupe doit choisir la meilleure projection pour une situation qui leurs ai donné.
Un élève du groupe est le scripteur qui compile les réflexions du groupe sur un Padlet à partir de son smartphone.
Les élèves présentent leurs solutions. L’enseignant apporte alors d’éventuelles rectifications . Le Padlet est transféré en PDF et sert de document de référence pour la tâche.
Quelques réflexions par rapport à l’exemple:
La part d’écrit est réduite car les smartphones ne sont pas forcement ergonomiques pour taper. La dextérité des élèves peut cependant vous permettre de leurs demander de produire de petits textes. Il peut être également interessant de demander aux élèves de s’exprimer de façon synthétique. Synthétiser est un excellent exercice pour tester sa compréhension, une application est de demander aux élèves de résumer le sujet du cours au travers d’une publication courte sur le fil de discussion de Teams.
Il a été vérifié que le site True size était compatible avec un smartphone.
Tous les élèves n’ont pas besoin d’utiliser leur smartphone. Cela permet de sélectionner celui qui fonctionne le mieux ou bien de valoriser les compétences numériques d’un élève en particulier.
Le BYOD peut être vue ici comme une forme de flexibilité pédagogique. Il permet une entrée dans la tâche par différents moyens. On pourrait parfaitement imaginer une tâche similaire où les élèves devraient consulter des documents sous différentes formes : écrit (papier), vidéo (smartphone), carte (atlas), etc.... Chaque élève a alors la possibilité d’aller vers le média qui lui convient le mieux.
Finalement, le BYOD est une véritable opportunité pour l’école à visée inclusive. En effet, des élèves déjà aujourd’hui utilisent au quotidien des outils numériques en classe qui leurs appartiennent , il s’agit de tous les élèves disposant d’un moyen auxiliaire numérique: élèves avec un dictionnaire numérique sur leur téléphone, élèves avec tablettes pour photographier leurs fiches et adapter les textes, élèves avec ordinateur pour taper leurs textes, utiliser WordQ*. Introduire le numérique de façon régulière à partir des appareils de chacun valorise les savoirs numériques de ces élèves et atténue la stigmatisation dont ils peuvent faire l’objet.
*WordQ: Il s’agit d’un logiciel prédicateur de mots (et non un correcteur orthographique). Word Q est utilisé par les élèves souffrant de troubles dans l’apprentissage de l’orthographe. Il propose une liste de mots à partir des premières lettres tapées. Le logiciel permet également de se faire lire un texte.
Quel cadre pour l’usage des smartphones en classe
Ce que la loi nous dit: À l’heure où les natels sont proscrits de l’école obligatoire, a-t’on le droit de demander aux élèves de les utiliser en classe pour des tâches scolaires ? La réponse est oui, comme précisé dans la décision du conseil d’Etat : « des exceptions sont prévues lors d’activités pédagogiques encadrées par l’enseignant-e, que ce soit des activités à visée d’éducation numérique ou d’autres domaines du Plan d‘études romand (PER) »
Charte d’utilisation numérique Vous permettez à vos élèves de faire une recherche sur internet pour trouver des arguments sur un débat. Et tout à coup, vous vous apercevez horrifié que certains sont en train de consulter leur compte Instagram..... Pire encore, alors que les téléphones sont juste posés, les notifications traitres appellent vos élèves loin des savoirs que vous leurs proposez. Que faire ?
D’un point de vue pratique, la règle de base est « on sort le natel quand on en a besoin et il retourne dans le sac directement après ». Mais pour éviter de faire la police, pourquoi ne pas plutôt passer par la prévention ?
A chaque début d’année, les élèves signent sans vraiment y réfléchir une charte numérique. Permettre aux élèves d’utiliser leurs smartphones en classe est l’occasion de contrôler ce qui est admissible et ne l’est pas. On pourrait même aller plus loin, et en profiter une bonne fois pour toute pour réfléchir collectivement à une charte numérique pour la classe et les implications d’utiliser le réseau de l’école avec son propre appareil.
WIFI Du cadre contractuel au cadre technique, il n’y a qu’un pas. Pour intégrer l’usage des smartphones en classe à votre enseignement, il est impératif que les élèves accèdent au WIFI de l’école. D’une part, il n’est pas envisageable de demander aux élèves d’utiliser leurs propres forfaits. D’autre part, les WIFI scolaires sont sécurisés et vous éviterons quelques cheveux blancs. Mais de nouveau, surfer sur le réseau de l’école a des implications (le navigation est-elle sauvegardée? Des données sont-elles collectées) qui permettent de développer le sens critique des élèves par rapport à leur utilisation. Exemple de règlement pour le WIFI à l'école: https://www.gymnasedeburier.ch/node/219
Les outils
Par rapport à l'ordinateur, le smartphone présente des spécificités qui vont influer sur le type de tâches et les outils nécessaire pour son intégration.
- Ecosia Pour les recherches sur le réseau scolaire, Google est souvent bridé. Ecosia est une bonne alternative.
- Plateformes collaboratives
L’installation de Teams dans les établissements permet de bénéficier de OneNote. Ces carnets de note sont intéressants pour le travail de groupe car ils disposent d’espaces de collaboration.
Padlet et ses murs sont également très pratiques. Sans inscription pour les élèves, accessibles par QRCode, avec de nombreuses configurations, les murs qui ne sont pas trop chargés s’éditent bien en PDF pour être conservés.
- Quizz Les plateformes de quizz sont particulièrement interessantes sur smartphone. Par rapport à l’ordinateur, on s’évite l’épisode de connexion à son compte et ses multiples problèmes d’oublis de mot de passe.
Quizizz est très ludique. Les questions s’affichent sur l’appareil de l’utilisateur. Lors de la création du quizz, on visualise directement l’affichage sur un smartphone, ce qui donne une bonne idée de l’ergonomie.
Wooclap ne cesse d’augmenter son offre en matière de tests formatifs. La version gratuite ne permet de créer que 3 événements, mais c’est déjà bien suffisant notamment pour la création d’un nuage de mots. Wooclap est gratuit sur demande pour tous les enseignants du primaire et secondaire.
- Flipgrid Flipgrid rappelle le fonctionnement de TikTok. Créez un sujet et les élèves doivent répondre par une courte vidéo. Flipgrid plait aux élèves et a un fort potentiel pédagogique.
A voir:
BYOD in a nutshell. Cette vidéo, conçue par un ingénieur pédagogique canadien, Marc-André Lalande, résume avec humour les enjeux de l’utilisation des appareils numériques personnels en classe. Une vidéo qui date de 2015 déjà.
Welz, T., & Stürmer, M. (2020). Fiche d’information sur la durabilité et la transition numérique dans le contexte des grèves pour le climat (Fridays for Future) (p. 21). Université de Berne.
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Lire un des 2 articles sur les usages des smartphones en classe.
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